Grant Morrison est de retour sur la série Batman qu’il n’avait jamais quittée pour en commencer la fin avant le futur reboot qui a eu lieu. Si vous avez eu besoin de relire trois fois cette phrase pour finalement ne pas être totalement sûr(e) de l’avoir comprise, ne vous embêtez pas à lire cet article, Batman Incorporated : Leviathan Strikes n’est pas fait pour vous. Par contre si vous êtes toujours là , réjouissez vous. DC nous livre enfin la suite de la saga Batman orchestrée par le génialement barré Grant Morrison (Action Comics, New X-Men), avec des dessins de Cameron Stewart (Batman & Robin) et Chris Burnham (Batman Incorporated).
Le récit commencé dans la série Batman Incorporated, narrant la lutte de Bruce Wayne et son internationale des Batmen contre l’organisation secrète Leviathan, avait en effet été interrompu pour cause de New 52. Et du coup les lecteurs se demandaient comment le nouveau statu quo imaginé par Morrison pour le Dark Knight allait pouvoir être transposé dans l’univers post-Flashpoint. La réponse est très simple : il ne l’est pas. On a en effet juste droit à trois lignes sur la page titre nous expliquant que tout ça se passe avant le reboot, et basta. Tant pis pour les nouveaux lecteurs, malgré une louable tentative de leur faire prendre le train en marche avec un résumé de la série Batman Incorporated bien fait à la fin du numéro. Ici on est là pour solder les comptes de l’ « ancien » univers DC. Et on le fait très bien.
Ce one-shot à dos carré contient donc l’équivalent de deux numéros (pour le prix de deux, ne rêvez pas) de Batman Inc. Et le scribe écossais continue de marquer Batman de son empreinte si particulière. Dès le premier numéro on est en effet en plein déliremorrisonien, avec une école pour jeune fille style établissement de luxe anglais, chargée de former des commandos suicides pour l’organisation Leviathan. Stephanie Brown (à l’époque Batgirl) est chargée d’infiltrer cette institution. Le résultat est un standalone très bien fait, avec un côté délicieusement kitch totalement assumé et donc génial. A l’instar des autres disciples de Bruce Wayne, miss Brown est surentraînée et totalement bad-ass, pour notre plus grand plaisir. On a même droit à une nouvelle déclinaison de Professeur Pyg si cher à l’auteur. C’est du Morrison en mode fun, décomplexé et accessible. Un régal.
Accessible, ce n’est par contre assurément pas le mot qui caractérise la seconde partie de ce one-shot. Au contraire si on devait comparer ce chapitre à d’autres œuvres de l’auteur, ce seraient plutôt Final Crisis ou Return Of Bruce Wayne qui viendraient à l’esprit. Il nous livre une histoire totalement déstructurée mettant en scène toute la Bat-family (Bruce mais aussi Dick Grayson en Batman, Red Robin et Robin) ainsi que les employés de Batman Inc captifs de Leviathan. Entre délires hallucinatoires, libertés prises avec la chronologie de la narration et les dialogues si caractéristiques de Morrison toujours à la limite du non sequitur, il y a de quoi faire. Mais à la différence d’un Final Crisis, là c’est très réussi. On est certes un peu largué au début du numéro, mais arrivé à la révélation finale (et après un petit aspirine pour la route quand même) on réalise qu’on a à peu près tout compris et surtout que c’était vachement bien.
Au dessin c’est avec plaisir qu’on retrouve le trait à la Terry Dodson (Defenders, Uncanny X-Men) de Cameron Stewart. Le canadien est toujours aussi doué et paradoxalement ses lignes claires et élégantes vont bien à Batman. Et surtout on appréciera son gros travail sur les postures et attitudes des personnages (avec un Batman très « Dark Knight Returns »). Ses designs ultra sexy pour les pensionnaires et le staff de l’école des super vilaines sont aussi plaisants même si c’est un peu gratuit. Et surtout ça colle bien au côté kitch de l’histoire.
Chris Burnham quant à lui a un style très proche de celui de Stewart, juste avec des lignes un peu plus « sales ». La cohérence graphique de l’ensemble est donc assurée. Et l’artiste mérite des éloges pour le brio avec lequel il illustre les délires narratifs de Morrison. Il utilise des influences pop art à gogo, et se rapproche parfois même de Jim Steranko (toutes proportions gardées hein). Du très bon et beau travail.
Ce Batman Incorporated : Leviathan Strikes est donc la digne suite de la série très réussie Batman Incorporated. C’est génialement barré, bourré d’inventivité, et surtout bien écrit. Grant Morrison joue sur ses forces, avec une narration complexe, mais ne tombe pas dans ses travers (ce n’est jamais totalement hermétique). Et les magnifiques dessins contribuent grandement au plaisir de lecture. Un seul regret : c’est à suivre et on n’a pas la moindre idée de quand on aura droit au dénouement de cette excellente intrigue (sachant qu’il est totalement inenvisageable que ce soit dans les titres Batman « ordinaires »). Et on se dit qu’une histoire de cette qualité aurait mérité plus d’égards éditoriaux.
Les plus : Du très bon Morrison, barré et inventif mais compréhensible
Des dessins superbes
Le cliffhanger final bien trouvé
Les moins : Inaccessibles aux néophytes
C’est QUAND la suite ?
Ça fait un peu mal à la tête quand même
Notes
Scénario : 4/5
Dessins : 4,5/5
Globale : 4/5