Si on met de côté le très discret Jupiter Ascending, Kingsman - The Secret Service est le premier blockbuster de l'année 2015, et non des moindres, puisque derrière ce nom à rallonge se cache la nouvelle collaboration du réalisateur Matthew Vaughn et du scénariste de comics Mark Millar, devenu conseiller pour la Fox depuis quelques années déjà.
Comme prévu, l'association des deux lurons fait toujours des étincelles, cinq années (déjà) après le premier Kick-Ass. Kingsman est assurément le nouveau bébé de l'union Millar/Vaughn tant il dégage violence, humour et irrévérences en tous genres. Celles et ceux qui seraient restés insensibles au charme de Kick-Ass pourront donc passer leur chemin. Quoique.
Si Kick-Ass contenait déjà une bonne dose d'hommage, à la culture comics notamment, Kingsman va plus loin dans la révérence en saluant l'âge d'or du film d'espionnage pop'. Digne héritier des James Bond et autres films d'action loufoques faits de bases secrètes, de méchants voulant détruire le monde et de gadgets improbables, Kingsman est un festival de références à l'espionnage décomplexé qui a fait le bonheur de plusieurs générations. Autant vous dire qu'il fera figure d'ovni dans le paysage un peu gris du Hollywood de 2015. Cela n'empêche pas ce retour de l'espionnage "à l'ancienne" d'être jouissif : on retrouve très vite nos marques parmi le sidekick du vilain surarmé, les comptes à rebours et les punchlines pourries. Vaughn et Millar se permettant même quelques blagues méta' au sujet du genre et de ses codes.
Plus on avance dans le film, plus l'hommage et les références deviennent évidentes, le réalisateur poussant parfois le bouchon très loin avec des effets spéciaux volontairement ratés ou cheap, qui n'étaient pas forcément nécessaires. Heureusement, Vaughn ne manque aucune autre occasion de briller. Les scènes d'action, bien vendues par les trailers, sont en effet époustouflantes. A l'aide d'une habile combinaison de technologies et d'audacieux placements de caméras, Matthew Vaughn repousse les limites du possible en terme de scènes d'action, à mi-chemin entre les patates visuelles de The Raid et les ralentis d'un Zack Snyder. Le résultat est unique et tout à fait surprenant : quand le génial Colin Firth et ses pairs décident d'apprendre les bonnes manières aux petites frappes, on a l'impression de lire une bande-dessinée.
Outre le roi et ses discours, on profite d'ailleurs d'un casting assez solide. En vilain, Samuel L. Jackson, qui remplace un Leonardo DiCaprio un temps envisagé par la production, est tout simplement génial, en roue libre totale pour notre plus grand plaisir. Face à lui, une bande so british composée de Mark Strong, de la petite nouvelle Sophie Cookson et du légendaire Michael Caine. Une brochette impeccable qui vous interdit de voir le film en version française. En revanche, notre héros, incarné par Taron Egerton, peine à convaincre. Sans être mauvais, le jeune acteur est écrasé par le charisme de ses compagnons, et notamment celui de Colin Firth, parfaitement à l'aise dans son premier rôle dans un film d'action.
Du reste, le film reste un produit typique de Mark Millar : les niveaux de lectures proposés sont aussi nombreux que les critiques et les scènes de violence gratuite. Et comme d'habitude, il y a du bon et du moins bon dans cette spirale Millarienne. Certaines blagues fonctionnent, d'autres tombent à plat, la violence sert le récit, ou le rend incohérent etc. Si vous êtes prêts à faire le tri dans les idées de l'auteur écossais, vous serez sans aucun doute satisfaits de son travail, mais les spectateurs les plus exigeants pourraient bien être bousculés hors du film par une overdose d'irrévérences. Bien heureusement, le scénariste de Civil War distille toujours aussi bien ses critiques dans l'intrigue : derrière ses hommages et son insolence, Kingsman cache donc quelques belles réflexions, sur l'ascenseur social et l'écologie, notamment.
Sans surprises, la nouvelle union de Mark Millar et de Matthew Vaughn réjouira tous les fans du premier Kick-Ass, qui apprécient les univers sans concessions et un peu tarés du scénariste. Kingsman trouvera également des fans du côté des nostalgiques des vieux Bond ou des films d'action décomplexés. Seulement, en l'absence d'un rôle principal convaincant, les enjeux nous passent au dessus. Resteront les scènes d'actions et les vannes, qui à elles seules, justifient le prix du ticket.