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Deadpool, la critique

Deadpool, la critique

ReviewCinéma
On a aimé• Ryan Reynolds en roue libre
• Une avalanche de références
• Pointe tous les défauts d'un film de super-héros...
On a moins aimé• ... Mais les possède tous
• Un film fauché (et ça se voit)
• L'humour ne fonctionne pas toujours comme il le souhaite
Notre note

Après une campagne marketing qu'il convient de saluer tant elle fut exemplaire, Deadpool arrive enfin dans nos salles, deux jours avant de rejoindre le territoire américain. Un tour de force, quand on y pense. Maltraité dans X-Men Origins : Wolverine, le personnage du Clown Mercenaire était condamné à l'oubli et aux railleries il y a quelques mois encore. Mais c'était sans compter la fuite - qui pourrait bien avoir été orchestrée par Ryan Reynolds lui-même - d'un test footage destiné à séduire la 20th Century Fox. Largement partagé par les fans et rapidement soutenue par l'acteur, la vidéo avait incité le studio à se lancer dans un film Deadpool, qui quelques mois plus tard, serait confirmé R, c'est à dire interdit au moins de 17 ans (non-accompagnés) aux Etats-Unis. Un film pour adultes, donc, mais peut-être pas un film mature pour autant.

Pouvait-il en être autrement ? À bien y réfléchir, Deadpool est un personnage tout à fait paradoxal. Sa popularité exponentielle, y compris auprès d'un public qui ne lit pas de comic books (du tout) a progressivement neutralisé sa saveur, pour faire de lui une mode à part entière. Ce qui ne désamorce pas forcement notre intérêt pour le personnage ou l'efficacité de ses blagues. En revanche, tout cela veut bien dire que l'apparition de Deadpool au cinéma, en 2016, est bien moins iconoclaste que le laissent entendre Ryan Reynolds et la 20th Century Fox. Car ils ne cesseront de le répéter dans ce film - indirectement et directement, c'est la magie d'un quatrième mur brisé - leur "nouveau" Deadpool est fidèle à ses comic books, et totalement irrévérencieux. Des qualités qui ne permettent pourtant pas d'échapper à une logique d'ironie commerciale, parfaitement développé par notre collègue Rafik Djoumi dans le dernier épisode BiTS.

 

On le comprend dès le générique du film, un plan-séquence numérique 100% labellisé FOX qui regorge déjà de références et de blagues en tous genres, et qui nous prépare ainsi à l'avalanche d'easter-eggs qui va suivre. Qu'on se le dise : toutes les blagues et autres clins-d'œil que vous êtes en droit d'attendre avec un film Deadpool mis en chantier par la Fox et Ryan Reynolds sont là. Et à peu de choses près (comprenez : Fantastic Four, également produit par ce diable de Simon Kinberg) tout le monde en prend pour son grade. De la timeline complexe de films X-Men à l'anneau vert qu'a un jour porté Reynolds en passant par un maximum de pied de nez à la concurrence, en témoigne un dernier acte se déroulant dans un lieu bien connu des fans du Marvel Cinematic Universe. Seulement, et c'est particulièrement dommageable dans un film qui brise à ce point le quatrième mur, Deadpool n'échappe pas toujours au premier degré de sa production et de son statut. 

Non pas que le réalisateur, Tim Miller, et ses scénaristes (Rhett Reese et Paul Wernick) se prennent trop au sérieux, mais simplement, toutes ces punchlines et autres easter eggs ne voleront jamais bien haut. Prenez votre habituelle conversation - autour d'une pinte ou deux - sur le personnage et son arrivée au cinéma, et vous avez la recette de Deadpool. Très soucieux de sa propre image, le film, dès sa première scène, prendra d'ailleurs soin de vous noyer sous les blagues et les références : plus il y en a, et plus Tim Miller et Reynolds ont de chances de faire mouche. Et en l'occurrence, on ne peut pas leur enlever un certain talent pour l'humour, tant ils parviennent à traduire les traditionnelles blagues de Deadpool à l'écran. On regretta, en revanche, qu'elles soient souvent aussi convenues.

C'est peut-être là le plus gros défaut du film, qui malgré sa classification R, est terriblement calibré. Et si Deadpool n'est pas le premier film R à mettre en scène des super-héros (Blade et Watchmen étaient déjà passé par là), il est bien le premier métrage à s'en vanter dès qu'il en a l'occasion. C'est bien tout le problème : ce n'est pas en pointant ce qu'il fait de juste que le film parviendra à nous faire oublier ses torts. Pour l'expliquer plus simplement, Deadpool passera son temps à taper sur les autres films de super-héros, sans se soucier de sa proximité avec les codes genre et de ses archétypes narratifs, comme s'il n'était qu'à moitié conscient de sa nature. Evidemment, toutes les parodies se doivent d'épouser des éléments bien connu du public si elles cherchent à l'embarquer dans ses moqueries. Seulement, il manque à Deadpool la cruciale étape suivante : détourner les codes que nous évoquions pour créer quelque chose de nouveau.

Le résultat final est donc aussi schizophrène que Wade Wilson lui-même. Et si on ne peut s'empêcher de rire devant les pitreries d'un Ryan Reynolds en roue libre, force est de constater qu'elles restent bas du front. Il ne suffit pas de pointer les défauts des autres films pour se tirer d'affaire. Encore faut-il proposer de la nouveauté, et Deadpool échoue totalement de ce point de vue-là, avec des blagues bien lourdes dans la lignée de la comédie américaine mainstream et des scènes d'actions floues, pour la plupart. Dans le même ordre d'idée, la structure du film n'a rien d'original, si ce n'est qu'elle permet au réalisateur et aux scénaristes de briser le quatrième mur sur des bases compréhensibles. 

En pardonnant au film son manque d'honnêteté intellectuelle, on peut toutefois apprécier les vaillantes tentatives de Ryan Reynolds, qui fait absolument tout pour se racheter devant la caméra. Tim Miller n'est pas tout à fait un manche du côté de la réalisation non plus, même s'il souffre d'un manque de budget très explicite - encore une fois, le film s'en dédouane dans un tacle hyper convenu envers le studio. Quelques séquences sont ainsi très réussies, ou bien trouvées, comme un Bullet Count assez drôle ou le duel entre Deadpool et Ajax, son antagoniste incarné par Ed Skrein. Mais mon passage préféré restera l'opposition entre le Clown Mercenaire et un Colossus tout à fait archétypal, qui donne naissance au meilleur gag du film, l'un des rares à être purement visuel, d'ailleurs. 

Pour le coup, en épousant une structure très convenue, Miller et ses équipes peuvent se concentrer sur d'autres réjouissances, comme l'utilisation des pouvoirs régénérants de notre héros, qui est l'un des aspects les plus curieux de ce film porté par Ryan Reynolds. L'acteur principal est d'ailleurs bien plus à l'aise dans les baskets du mutant que dans la peau de Wade Wilson, assez inconsistant au fil de l'intrigue. Profitons-en pour parler de son entourage : Morena Baccarin incarne assez bien la compagne du mercenaire, échappant d'abord aux clichés avant, hélas, de revenir dans le rang. Mais elle ne souffre pas trop du one man show de Reynolds, tout comme T.J.Miller, qui s'avère efficace dans son rôle de sidekick explicitement désigné pour faire avancer l'histoire. De son côté, Ed Skrein se sert de son brutal charisme britannique et assume sa réputation de Jason Statham par intérim : le résultat est loin d'être impressionnant et donne naissance à nouveau vilain aussi vite vu aussi vite oublié, sans être détestable. Enfin, on attendra d'en voir plus pour Stefan Kapicic et Brianna Hildebrand, les deux seuls X-Men de la bande étant trop en retrait pour être jugés plus amplement.

Malgré tous les écueils du film, cette petite ménagerie fonctionne bien, et parvient à exister, même sous le tsunami de blagues qui se déverse sur leurs têtes. Aucun d'entre-eux n'est vraiment à côté de la plaque, et exception faite d'un Reynolds volontaire, tous se contentent d'être à l'image du film, efficace mais trop peu ambitieux. Difficile, du coup, d'emmener les blagues au meilleur niveau, même si quelques-unes d'entre-elles, mieux construites, résonneront comme véritablement méta. Je pense notamment à la surréaliste explication proposée pour le nom de Deadpool, si toutefois on la considère comme un vrai gag, et pas comme un autre mimétisme des codes du genre super-héroïque, le film ayant toujours du mal à choisir son camp entre critique du genre et intégration totale de ses canons.

Malgré son joli R, Deadpool est convenu là où il aurait pu être corrosif : il n'est qu'à moitié conscient du bien fou qu'il aurait pu faire au genre super-héroïque, et se contente donc d'aligner des poncifs tout en les moquant, pour s'en dédouaner. Ca n'empêchera jamais le film et son casting de fonctionner, mais tout ça limite forcément son aura et sa pertinence. Il faudra donc se contenter d'un premier degré - certes attachant - et oublier nos envies de parodie acerbe et bien sentie pour pleinement se satisfaire du film. Car derrière ses allures de suprême irrévérent, Deadpool n'est jamais qu'un métrage parfaitement calibré (jusque dans son humour) par la Fox, qui avec un minimum d'efforts, devrait facilement séduire une colossale génération de spectateurs déjà habituée aux singeries du Clown Mercenaire. 

 

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