Adulé par toute une génération pour son travail sur la série animée Batman des années '90, Bruce Timm est revenu ces dernières années dans l'animation chez DC et Warner Bros. Si son dernier travail, l'adaptation de The Killing Joke, n'a pas fait que des heureux - la faute surtout à un prologue très controversé - le scénariste et dessinateur livre ici une histoire inédite qui met sous le feu des projecteurs les deux poules aux oeufs d'or de DC : Batman, forcément, et Harley Quinn, que Timm a co-créé il y a 25 ans avec Paul Dini. L'ambiance nostalgique pour les fans de Batman : TAS est clairement assumée, mais suffit-il d'une madeleine de Proust pour faire un bon film ? On en discute maintenant.
Si beaucoup peuvent voir une lassitude dans la sur-exploitation du Chevalier Noir et de Harley Quinn, qu'on ne s'y trompe pas, ce nouveau film d'animation n'en néglige pas pour autant les autres personnages du DC Universe. Le team-up d'un côté rassemble les deux personnages du titre, avec Nightwing, pour les opposer à un duo de chair et de feuilles, avec Poison Ivy et le Floronic Man. Les deux veulent transformer le monde en un hameau 100% végétal en s'aidant de l'ADN de Swamp Thing, et le trio d'en face se met en route pour l'arrêter. Bien entendu, la force repose sur cette équipe un brin forcée, et sur la douce et folle espièglerie d'une Harley Quinn qui a, au départ, décidé de raccrocher le costume.
Lorsqu'on se place dans un film qui dure à peine plus d'une heure, il n'y a pas de temps à perdre, et le rythme du dessin animé fait qu'on ne s'ennuie que peu, si ce n'est pour quelques scènes un peu longuettes (celle du bar, qui s'éternise malgré quelques passages très drôles). Le trio fonctionne et on retrouve une Harley Quinn qui nous manquait, dans l'esprit de l'époque TAS, mais qui a su évoluer également. Sans Joker, livrée à elle même, on tient là un personnage fort qui ne se laisse en aucun cas marcher sur les pieds et sait s'imposer dans un monde de super-héros dirigistes qui croient avoir toujours le dernier mot. La caractérisation fait donc plaisir même si, à l'humble avis de votre rédacteur, un certain passage fera certainement soupirer. Pas dans sa présentation puisqu'on y voit Harley en position de force et que ça participe à son émancipation totale vis-à-vis d'un quelconque personnage masculin. Mais le message est masqué, sur la forme, par des plans légèrement graveleux que Suicide Squad n'aurait pas renié - et par cette scène donc, qui reste malgré tout assez gratuite. Bruce Timm aime les femmes, il ne s'en est jamais caché, mais après son coup manqué sur The Killing Joke, on ne l'attendait pas forcément revenir à la charge sur ces thématiques.
Batman & Harley Quinn propose donc une intrigue assez simple, un team-up qui fonctionne, et une bonne alternance entre scènes d'action et moments plus calmes, avec une certaine dose d'humour. Malgré tout, le film ne s'adresse pas totalement aux tout petits avec quelques éclats de violence surprenants, et aussi ce rapport à des thématiques plus adultes. Il se laissera donc apprécier par les plus âgés, et notamment ceux qui ont été bercés à Batman : TAS étant plus jeunes. Car à ce niveau là, la carte "nostalgie" fonctionne parfaitement. Dans le style graphique, tant au niveau des personnages et de leur design "Timmiesque", que le retour au costume d'arlequin de Harley, que dans l'apparence de Gotham City également. Kevin Conroy reste toujours un Batman parfait, et il faudra en revanche un peu plus de temps pour s'habituer à la nouvelle voix de Quinn, interprétée par Melissa Rauch. Avec un accent plus fort, et une voix plus grave que les dernières incarnations en date (Tara Strong en tête), Rauch réussit à s'imposer au fur et à mesure et c'est avec une certaine curiosité qu'on peut se demander si elle reprendra ce rôle (dans l'animation ou d'autres médias) pour ce personnage.
Le film propose aussi quelques références méta à l'univers de Batman - avec un joli clin d'oeil à la série tv des années '60 - et se permet quelques jolis caméos en plus de proposer une scène post-générique qui vient compenser une fin très abrupte. C'est ce qui était mentionné par rapport à la durée du film, avec un dernier quart d'heure assez vite rushé, et une impression qu'il n'y avait, au final, pas tellement de choses à raconter. Mais la vivacité des personnages, de leurs répliques, le plaisir de se retrouver dans le Timmverse, et aussi, point important, une bande-son prenante qui alterne entre rock, jazz et reprise de thèmes connus, feront oublier ces quelques points rapidement. Mention spéciale, d'ailleurs, au générique d'ouverture cartoonesque, qui doit être le meilleur proposé parmi tous les derniers films d'animation DC.
Pari réussi et presque sans faute pour Bruce Timm et son équipe. Batman & Harley Quinn ne va pas révolutionner le paysage de l'animation chez DC, mais propose de belles retrouvailles avec l'univers type Batman : TAS, qui a su évoluer entre-temps. La nostalgie fonctionne, mais il y aussi une bonne écriture, une Harley Quinn qui nous manquait (surtout quand on se tape depuis des années celle de Conner et Palmiotti), un casting vocal qui convainc, et assez de références et caméos pour caresser ceux qui veulent voir autre chose que du Batman, ou du Harley Quinn (même si, hé, faut pas rêver, on va encore en manger pendant longtemps). Il serait temps que DC songe à redonner vie à cet univers de façon plus pérenne, et on se contentera de cette chouette heure et quart pour le moment !
