Ô Thor, dieu du Tonnerre ! Grand guerrier d'Asgard, courageux pourfendeur des cieux, armé de ton fidèle Mjolnir, si ton territoire s'étend sur Neuf Royaumes, tu n'as pas encore su conquérir le 7eme Art. Après tes timides défaites en 2011 et 2014, tu t'es promis de revenir plus fort, plus digne pour une nouvelle bataille qui annonce la perte de ton marteau, de ta liberté et de ta patrie, le Ragnarok. Ce conflit est-il signe de fin du monde ou de renaissance ?
L'assaut Thor : Ragnarok est mené par un des nouveaux officiers de la nouvelle armée de Marvel Studios, Taika Waititi - qui rejoint donc les amiraux Joe et Anthony Russo, le Général James Gunn et les colonels Jon Watts et Scott Derrickson. Venu des lointaines terres de Nouvelle-Zélande, le bonhomme est notamment connu pour son expertise de l'humour, que nous avons d'ailleurs constatée à son insu dans Green Lantern où il incarnait Tom Kalmaku, le pote de Hal Jordan. Pour autant, l'homme a su démontrer son bon goût ces dernières années, tout comme Ryan Reynolds, ce qui lui a valu les faveurs du Père-de-Tout, Kevin Feige.
Un choix qui paie finalement dès les premières minutes de notre aventure, qui use évidemment de l'humour, maintenant un classique chez Marvel Studios, comme ressort principal d'interaction entre ses différents protagonistes. Mais ici, Taika Waititi démontre toute sa confiance en ses troupes en laissant la place à de nombreux moments d'improvisation. Si Chris Hemsworth force un peu trop sur le gag parfois, il peut toujours compter sur la bravoure de ses trois palatins pour rattraper ses errements : l'impeccable Mark Ruffalo, l'élégant Tom Hiddleston et la rutilante Tessa Thompson. Mais c'est probablement Jeff Goldblum qui illuminera le champ de bataille, dans la peau d'un Grandmaster si parfaitement égocentrique, allant jusqu'à faire de l'ombre à une Cate Blanchett pourtant convaincante en Hela. À ces belles recrues, il ne faudra pas oublier un Idris Elba très guerrier et un Karl Urban parfait, comme toujours. Mais comme il est de bon ton de dire, un général de qualité se dévoile en étant en première ligne pendant une bataille. Et il faut l'avouer, Taika Waititi le démontre à la perfection en incarnant l'un des personnages les plus fameux du film, Korg, qui aura son rôle à jouer dans tout ce bazar. Je vous laisserai le soin de le découvrir en action.
Si les rangs sont serrés, et que l'improvisation donne finalement lieu à une bataille rondement bien menée, il reste que l'humour n'est pas la meilleure arme pour remporter un combat. Et la guerre est rude puisqu'elle nous mène évidemment à Asgard mais aussi sur la planète Sakaar, qui permet d'intégrer l'impeccable Bruce Banner (celui qui devient vert) à la campagne de Thor, introduit par un mano a mano longtemps teasé et incroyablement épique. Pourtant, il n'est pas rare d'entendre aussi qu'un bon général doit rester derrière ses armées pour avoir une vision d'ensemble d'un champ de bataille et ainsi les diriger avec précision pour les mener à une victoire certaine. Si Taika Waititi sait coordonner ses troupes, on sent son plan de bataille finalement un peu faible : resteront donc une expérience finalement assez linéaire et une intrigue trop simple qui s'épanouit seulement grâce à son ton léger sans jamais véritablement poser des enjeux très ambitieux. Dommage, d'autant plus qu'une alchimie avait été trouvée avec Spider-Man : Homecoming, qui savait bien doser son humour plus naturel et son intrigue plus grave.
Mais le paysage de notre campagne nous permet tout de même d'oublier ces quelques égarements avec une planète Sakaar colorée, des hommages à Jack Kirby et une Asgard parfois sauvage - sans oublier quelques panoramas surprises au coin d'un sentier. Les couleurs sont belles, le rendu des différents artifices visuels sont assez convaincants. Cependant, une nouvelle fois, on sent que Taika Waititi a aussi ses propres ordres et s'il réussit à exprimer son style visuel quelques fois avec quelques rares images très bibliques, son style de combat est finalement peu original, un peu trop confondu avec le style global de l'armée Marvel Studios. Mais finalement, on irait presque seulement à regretter que la fanfare qui nous accompagne, menée par Mark Mothersbaugh ne soit pas plus assumée, notamment dans son style véritablement eighties trop timide - rêvant d'un certain John Carpenter à l'œuvre. Une fois la fin arrivée, les batailles terminées et le sang écouté, l'heure est finalement à la fête. Aucun doute, le voyage a été plus grand que la destination mais nous en garderons de bons souvenirs.
Avec Thor : Ragnarok, Marvel Studios garde son style lissé maintenant "marque de fabrique" - qui ne fait pas forcément l'unanimité - tout en laissant à son nouveau réalisateur assez de marge de manœuvre pour s'exprimer. Taika Waititi réussit à imposer sa patte avec une certaine classe en jouant avec l'univers finalement très peu maléable de Marvel sur les écrans. La place laissée à l'improvisation offre plusieurs moments de complicité délicieux. Mais finalement, si l'intrigue n'est pas bien généreuse, elle se laisse apprécier avec une belle évolution pour le fils d'Odin, semant quelques promesses qui parleront aux lecteurs assidus de ses aventures. C'est finalement l'humour, clairement omniprésent, qui fait donc un peu de l'ombre au reste, même s'il ne laisse pas indifférent par son approche naturelle. Pas exempts de défauts, Thor : Ragnarok n'a pas à rougir de ses aînés et reste un guerrier sûr en attendant les prochains chapitres du MCU : Black Panther et évidemment, Avengers : Infinity War.