Il y a quelques semaines, mon camarade de toujours, Republ33k, vous proposait une analyse de la figure de Captain America dans l'univers de Marvel Studios, qui fut suivie par celle de notre bon vieil ami Iron Man. Pour fêter cette semaine placée sous le signe de la bière, des barbes, des muscles et des marteaux, l'occasion est parfaite pour revenir sur le personnage de Thor, qui a clairement eu un parcours assez difficile en passant du papier au grand écran.
Évidemment, je vais commencer ce papier en statuant une généralité mais il est tout de même bon de le rappeler : Marvel Studios (comme ses petits camarades) n'a jamais abordé ses adaptations avec la philosophie de calquer les aventures de nos héros telles quelles sur les écrans. Nous n'allons pas faire les farouches et l'avons appris à nos propres dépends au fur et à mesure de l'arrivée en masse de nos ami(e)s en slip sur le grand écran. Les versions du 7eme Art des personnages de Marvel Studios ont toujours été plus ou moins les mêmes, avec quelques ajustements près, mais il faut avouer que l'ami Thor a eu un traitement bien particulier qui a fait de son personnage un standard bien éloigné de son équivalent papier, notamment dans le traitement de sa personnalité.
Avant d'arriver sur le grand écran pour la première fois en 2011, un film sur le dieu du tonnerre est envisagé à de nombreux niveaux et on pourra citer dans le lot des noms comme
David S. Goyer,
Matthew Vaughn ou encore
Sam Raimi, à la base de telles adaptations qui n'auront finalement jamais vu le jour. Mention spéciale au réalisateur de
Spider-Man qui avait carrément proposé un projet à la Fox, qui l'a refusé pour une raison assez limpide : le studio n'avait rien compris à ce que voulait proposer l'américain. En effet, si le concept de super-héros est bien ancré dans les têtes depuis des générations, celui de dieux du folklores nordiques qui vivraient au dessus de nos tronches pour nous surveiller et faire la guerre est une toute autre histoire (fallait-il déjà savoir que l'univers de l'éditeur s'étendait au-delà des étoiles).
Assez ambitieux et déjà dans l'idée de s'envoler dans le domaine d'Asgard dès les premières heures de la création de son univers partagé sur le grand écran, Marvel Studios n'a tout de même pas hésité à proposer de se pencher sur le cas de Thor assez tôt dans sa construction puisque le film de Kenneth Branagh sort en 2011 et se place comme le quatrième chapitre du MCU (après The Incredible Hulk, Iron Man et sa suite). Mais dès les débuts de sa conception, le concept du film flotte. A l'origine, il avait d'ailleurs pour but de s'éloigner des standards des aventures papier du bonhomme en voulant offrir une relecture globale de la Bible (avec plus de mandales) pour faire vivre au Dieu un rite d'initiation le faisant passer symboliquement de l'Ancien au Nouveau Testament. Finalement, le scénariste Mark Protosevich fera évoluer son histoire qui se posera sur la base d'une œuvre purement Shakespearienne.
On retrouve donc dans son film les poncifs du genre, qui collent finalement à merveille à la mythologie de Thor, qui se retrouve dépourvu de ses pouvoirs pour arriver sur Terre sans le sou et va devoir une nouvelle fois prouver au monde (que dis-je, à l'univers) qu'il est digne de soulever son petit marteau balèze. Et dans tout cet enrobage dont nous vous reparlerons dimanche, il faut avouer que c'est la personnalisation même de ce bon vieux Thor qui pèche. Il n'est pas ici question de devenir le pourfendeur de ce cher Chris Hemsworth - qui excelle assez dans son style "détente" mais impose clairement plus par sa prestance physique que ses capacités de jeu - mais plutôt de s'arrêter sur la vision du personnage par le studio.
Ce premier exercice d'introduction de Thor avait deux principaux buts donc : présenter toute la mythologie asgardienne de
Marvel (pas forcément évidente à saisir pour les non-initiés) et ajouter un nouveau héros au futur roster d'
Avengers. Si la première mission est remplie, avec une introduction assez complète - par un axe scientifique très en avant - des Neuf Royaumes, c'est clairement le deuxième point qui a toujours patiné.
En effet, la crédibilité d'Odinson dans la diégèse du film dépend finalement beaucoup plus de tous les personnages qui gravitent autour du héros que de lui-même. Ce sont ainsi les performances très carrées - et donc la crédibilité - d'Anthony Hopkins (en Père-de-Tout) et celle de Tom Hiddleston (en Loki) qui permettent de construire le personnage de Thor mais pas véritablement l'interprétation en elle-même de Chris Hemsworth. Le personnage a en effet perdu de son ton très grave dans sa version Marvel Studios pour aller même jusqu'à le rendre "humain" en se basant seulement sur l'incrédibilité du monde face à une figure déïque, s'inspirant brièvement de la version Ultimate du personnage.
Le premier degré du héros, sensé mettre l'emphase sur son manque d'expérience de l'univers et de la Terre en particulier en fait un personnage finalement assez simplet, voir niais par moments, laissant seulement la part belle à des élants sérieux "épiques" lorsqu'il est question de se mettre sur la tronche avec des ennemis. Thor est d'ailleurs rapidement mis de côté dans son propre univers dans lequel il est présenté comme un électron libre, qui refuse son rôle de succésseur du trône d'Asgard pour finalement lui donner un rôle mineur et le voir peu à peu disparaître des écrans, jusqu'à ce Thor : Ragnarok.
Pour autant, le nouveau film de Marvel Studios marque lui aussi des marques de retrait par rapport au personnage historique de Stan Lee, Larry Lieber et Jack Kirby en le plaçant dans une aventure partagée, faisant une nouvelle fois évoluer son personnage grâce à une dynamique de duo, pour laisser tout le sérieux du "Mighty" dieu au placard grâce à la déferlante de blagues qui construisent la dernière aventure du héros - c'est le Ragnarok quand même. D'un point de vue visuel, on sent d'ailleurs que James Gunn est passé par là puisque si Marvel Studios se félicite (et à raison) de sa planète Sakaar en hommage à Jack Kirby, l'univers déteint clairement avec celui des deux grands frères sur les écrans.
Marvel Studios a donc réussi à introduire Thor dans son monde et le personnage est devenu clairement populaire et crédible pour les amoureux de l'univers cinématographique de Marvel mais perd tout l'aspect dramatique qui l'entoure - et le potentiel d'histoires folles avec. Il n'a finalement pas ce statut de Dieu que personne n'oserait contredire, dans lequel il a toujours incarné une certaine autorité suprème sur papier. Et clairement, c'est probablement le plus grand râté de l'entreprise de Kevin Feige, mais qui aura tout de même eu une conséquence très positive : l'absence ou presque avec ce bon vieux Malekith d'ingérence de la part de la succursale cinéma de la Maison des Idées dans les histoires du héros, à savoir l'épopée de Jason Aaron, qui bizarrement, livre probablement la meilleure ongoing de l'éditeur depuis plusieurs années...