Les plans de Disney n'ont plus grand chose de secret : loin de considérer la plateforme de vidéo-à-la-demande Disney+ comme une simple antenne de diffusion pour des projets précis, séries télévisées, documentaires ou téléfilms, le groupe entend réserver une importance centrale à ce canal de distribution, en direction des foyers abonnés. Au point d'adapter le modèle Disney+ à l'écosystème traditionnel des films pensés, au départ, pour les salles de cinéma.
Cette transition dans la philosophie de l'entreprise (en passe de se répandre à l'ensemble des grands studios d'Hollywood) pose un certain nombre de problèmes pour les partenaires de Disney profitant jusqu'ici d'un intéressement sur les entrées en salles. Le cas de Scarlett Johansson impose au groupe de mettre à jour un certain nombre de contrats.
Maître des Corvées
Le président de Disney, Bob Chapek, a évoqué cet ajustement récent dans les accords signés avec les "talents", terme générique désignant les différents employés de la chaîne de production suffisamment importants pour profiter de ce genre d'intéressements économiques sur la bonne performance des projets. Interrogé lors d'une conférence organisée par Goldman Sachs, le porte-parole officiel de l'Oncle Picsou évoque une remise à plat de ces accords types proposés jusqu'à "il y a trois ou quatre ans" à des Robert Downey Jr. ou Scarlett Johansson, sans évoquer de noms particuliers.
"Nous avions un contrat basé sur certaines conditions, et qui finit par résulter d'un film sorti dans des conditions radicalement différentes, donc nous procédons actuellement à une sorte de mise à jour en ce moment, et nous penserons à l'avenir à incorporer cela dans nos futurs accords d'embauche pour être sûr que cela soit bien intégré.
Pour l'instant, nous sommes dans une position d'entre deux où nous essayons surtout de dédommager les talents (ndlr : 'do right by them', la phrase implique que Disney fait un effort pour s'adapter aux contrats qui n'intégraient pas la 'clause Disney+'). Je pense que les talents nous le rendent bien, donc nous essayons de trouver une façon de combler le manque."
Pour rappel, en juillet dernier,
Scarlett Johansson, productrice exécutive et actrice principale du film
Black Widow,
avait déposer une plainte contre Disney devant la justice pour non respect d'une clause précise du contrat passé entre avec la compagnie : selon les avocats de la vedette, la décision de basculer le long-métrage sur une double distribution, à la fois au cinéma et sur
Disney+, aurait amoindri les retombées financières prévues dans son contrat.
Johansson aurait alors proposé d'ajuster les conditions de son intéressement sur les entrées, mais
Disney n'aurait pas souhaité négocier un nouvel accord.
Jusqu'ici, l'entreprise
avait toujours nié cette version des faits, en affirmant qu'un nouveau contrat avait bien été discuté et qu'une somme avait été versée à
Johansson pour compenser ses pertes éventuelles (ou plus prosaïquement : un chèque suffisant pour s'épargner un litige public). Aux dernières nouvelles,
Disney proposait de résoudre ce conflit à l'ombre des caméras, avec un arbitrage à huis clos suivi d'une clause de confidentialité, interdisant aux deux parties concernées de divulguer les termes de l'entente. Beaucoup avaient alors interprété cette manoeuvre comme une tentative de mettre la poussière sous le tapis : tenter de négocier avec
Johansson le montant d'un gros chèque susceptible d'éviter un procès, à l'abri des regards, pour éviter d'avoir à reconnaître publiquement une condamnation pour rupture de contrat.
Entre les lignes, la déclaration de Chapek semble valider cette théorie : le président de Disney évoque bel et bien un genre de contrats passé avant l'apparition de la plateforme Disney+, et les compensations versées aux partenaires susceptibles de perdre de l'argent dans cette nouvelle configuration. A terme, les nouvelles modalités de paiement pour les projets passés sur les deux modes de distribution devraient donc coûter un peu plus cher à Disney, sans forcément résoudre les conflits potentiels si d'autres vedettes dans le cas de Johansson décident de refuser le chèque pour faire valoir leurs droits en justice.