L’idée commerciale derrière ces nouveaux 52 est double. D’abord, on essaye
de rapprocher les personnages de toujours des “goûts” d’aujourd’hui. Ensuite,
on cesse d’effrayer les néophytes en leur offrant l’occasion de prendre les
choses au numéro 1, sans l’impression d’avoir loupé un wagon. Certains diront
qu’on ne change pas les bananes pour qu’elles aient goût de coca, et que
l’Histoire, c’est l’Histoire. D’autres n’en ont rien à faire.
Et puis il y a la cible, ceux pour qui ce relaunch est fait. Il est donc
possible que vous n’ayez jamais mis la main sur un des titres des Teen Titans,
et quelque part ça tombe bien puisque c’était également mon cas. L’occasion
était donc belle, puisque je me trouve dans la position de critiquer ce Teen
Titans #1 du point de vue de ceux à qui il est a priori destiné.
Tout commence par l’introduction du Kid Flash, qui semble avoir été complètement rebooté puisqu’il fait ici ses débuts complets. Ceux qui le connaissaient déjà n’ont cependant pas à craindre la redite : apparemment, celui qui était autrefois Bart Allen, parent d’un Flash taille adulte, n’est plus “lié à Flash”. Personnellement ça ne me touche pas du tout, mais pour un lecteur confirmé l’information mérite qu’on dresse un sourcil.
Coté personnalité, pas de surprises. Il court vite, il est impulsif, il a
un côté petit con et il a l’air de s’y connaître en physique. La présentation
est tellement schématique qu’elle en est grossière, et on n’en a pas fini, mais
le récit ne s’attarde pas. Il y a trois personnages à planter, et seulement 20
pages pour le faire : on ne peut pas reprocher un quelconque manque de
dynamisme à ce #1.
Du plus jeune des speedsters, nous passons donc à Tim Drake.
L’ex-troisième Robin, le petit génie devenu Red Robin méritait peut-être
mieux que de n’être présenté qu’ici, loin de ses illustres terrains de jeux
habituels... Mais pour le lecteur néophyte, tout cela a finalement peu d’importance
tant que Drake apporte quelque chose à cette histoire.
Hélas, là encore ce sont de grosses ficelles scénaristiques qui permettent de placer les bases du personnage. Il s’avère qu’une mystérieuse organisation (oui, ça commence bien...) observe et traque les jeunes super-héros. Oh mon dieu ! Red Robin, en bon héritier du Batman, enquête donc tranquillement depuis son penthouse luxueux. Surgissent alors les sbires de N.O.W.H.E.R.E (de mieux en mieux), la fameuse organisation. Pas surpris du tout, ce beau gosse ultra-organisé de Tim Drake déclenche son plan d’évasion, saute par la fenêtre, explose son appart’, nous dévoile une partie de son nouveau costume et s’envole dans la nuit, décidé à rassembler les ados méta-humains et à lutter.
Vous l’aurez compris, nous sommes dans l’univers de la grosse ficelle. Du
câble, même. Autant je comprends en quoi un titre rassemblant les “jeunes”
héros peut être un peu plus enfantin que JLA Dark, par exemple, mais pourquoi
tomber dans ce découpage grossier qui en est presque honteux ? Jeune ne veut
pas dire idiot et tirer les gens vers le haut ne devrait pas être décourageant.
Les fans de la Bat-family seront aussi outrés par ce Tim Drake, certes plus
charismatique que cette Wonder Girl introduite comme un mélange entre une
amazone et un power-ranger, mais dont le costume à lui seul sape le peu de
charme que ce Teen Titans semble capable de lui conférer.
Et parlons-en, de celle-là. Si il manquait un cliché de la jeunesse dans ceTeen Titans, c’était peut-être la jolie jeune rebelle, pas très fréquentable mais tellement cool qu’on s’en fiche. Non, je ne parle pas de Gwen Stacy version Ultimate, restons chez DC. Ici, c’est Red Robin lui-même qui se charge de la présentation. Un peu voleuse, une jeune fille pleine de ressources assez peu connues du grand public, mais que la presse a surnommé “Wonder Girl”. Aussi, il la trouve très jolie. Subtil.
Jusque-là, pourquoi pas. Mais le dialogue qui s’en suit entre nos deux
(probablement futur) tourtereaux finit de dissiper tous les espoirs que je
pouvais avoir quant à ce premier Teen Titans. C’est plat et creux, et ces
quelques lignes servent plus à schématiser les habilités de Wonder Girl qu’à
faire progresser l’histoire. Habilités qui nous sont montrées en pleine action
juste après : merci pour la redite.
Petits points de rédemption d’une ouverture franchement médiocre, Teen
Titans est dynamique à souhait, offrant quelques sourires ici et là grâce aux
traits d’humour de Tim Drake et un dessin de bonne facture. Cependant, ce mince
filet de positivité ne sauve pas une narration basée sur une succession de
clichés, une schématisation grossière des personnages et un apparent manque
d’ambition pour une franchise qui recèle pourtant un potentiel certain. Il
faudra juger de la valeur de ces Teen Titans à la fin de leur premier arc, mais
la marche est haute. Très haute. Quant à sa pertinence lorsqu’il s’agit de
rapprocher les héros de toujours des jeunes d’aujourd’hui, je vous laisse seul
juge : qui veut s’identifier à un mec qui porte des ailes d’oiseau ?