07h17
Je me rappelle encore la réponse de mon pote Dennis quand je lui ai demandé de me parler de Gotham. Il m’a dit « Gotham City c’est Manhattan en dessous de la quatorzième rue onze minutes après minuit par la plus froide nuit de Novembre ». Il doit savoir de quoi il parle, lui qui y a vécu plus de vingt ans. Je pense qu’en disant ça il voulait me décourager, mais il n’a fait qu’accroître ma fascination pour cette ville.
L’histoire officielle de Gotham City, New Jersey, c’est qu’elle a été fondée en 1635 par un mercenaire Norvégien, Jon Logerquist, sous le nom de Fort Adolphus dans la baie duDelaware. En 1674, les Britanniques ont pris la ville et le premier gouverneur, le général Adam Howe, l’a rebaptisée Gotham. Il paraît que ça veut dire « refuge pour chèvre » en vieil anglais. Washington Irving a aussi écrit dans un numéro de sa revue Salmagundi que c’est le nom d’un village anglais du Nottinghamshire dont les habitants étaient réputés pour leur stupidité. Pas très flatteur si c’est vrai… En tous cas, pour une ville d’idiots, Gotham a prospéré. Surtout au XIXème siècle, sous les impulsions successives du juge Solomon Wayne puis d’un triumvirat d’hommes influents : l’homme d’affaire Alan Wayne, le maire Theodore Cobblepot et le magnat de la presse Edward Elliot, fondateur du Gotham Herald. Mais le XXème siècle a été moins clément. Il y a d’abord eu la montée de la corruption et de la criminalité. Mais surtout à la fin des années 90 la ville a subi une attaque bactériologique par le virus Clench, déclenchée par Ra’s Al Ghul. Un tremblement de terre de magnitude 7,6 sur l’échelle de Richter a suivi juste après, conduisant le gouvernement à faire de Gotham un no man’s land séparé des Etats-Unis. Pourtant la ville s’en est remise. Comme quoi les gothamites sont peut-être des idiots, mais au moins ils sont persévérants.
Cependant, ce qui me passionne vraiment à propos de Gotham City, c’est son histoire occulte, celle que presque personne ne connaît. La légende des Miagani par exemple, cette tribu qui vivait à l’emplacement de la ville avant l’arrivée des européens. On raconte qu’un shaman maléfique nommé Blackfire les aurait exterminés. Le même Blackfire qui aurait des siècles plus tard, en 1609, été responsable de la disparition de la colonie crée par l’explorateur Henry Hudson pour le compte de la Dutch East India Company. C’est encore mieux que le mystère de Roanoke ! Pas étonnant qu’un occultiste aussi renommé que Jason Blood vive là-bas.
Mais le plus fascinant à Gotham, c’est sûrement sa légende moderne : le Batman. Le sombre chevalier qui lutte contre des criminels tout droit sortis de cauchemars. Voilà la principale raison pour laquelle je me suis enfin décidé à réserver un billet d’avion pour y aller. J’ai préparé mon itinéraire avec soin, et je me suis même acheté le nouveau téléphone Waynetech 6205 TDK pour pouvoir me faire un petit journal de voyage grâce au dictaphone. Il est bien pratique ce téléphone, mais j’avoue que je ne comprends pas à quoi peut servir la fonction sonar…Enfin, je vais bientôt embarquer donc on éteint tout.
09h35
Je viens à peine d’atterrir et déjà je suis scié. Mon avion s’est posé à Gotham International Airport, un petit aéroport au nord-est de la ville ouvert en 2005. Il est plus loin de la ville que l’aéroport Archie Goodwin, à l’ouest, mais c’était moins cher d’arriver par là. Et puis c’est plus pratique pour moi vu le petit programme que je me suis concocté. Mais pour en revenir à ce qui m’a scié, c’est la musique qui passe aux toilettes de l’aéroport : Gotham City de R. Kelly. Tu parles d’une ville imbue d’elle-même. En même temps, je ne peux pas m’empêcher de trouver ça étrangement approprié…
09h49
Première galère et surtout premier coup de chance. J’ai loué une voiture pour pouvoir me déplacer librement. Mais il y a eu un problème avec la réservation et le véhicule que je devais avoir n’est pas disponible. Heureusement la fille de l’agence de location est débrouillarde et elle me trouve une autre voiture : une Lamborghini Aventador ! Ce voyage commence vraiment bien.
10h13
Première étape de mon parcours : Gotham Heights, la banlieue hyper chic au nord de la ville, qu’on confond parfois avec Bristol ou Crest Hill vu la proximité des trois zones. Toute la haute société de Gotham y a un pied à terre. Et même ceux qui ont obtenu leur fortune par des moyens plus…discutables, comme les Falcone, la famille mafieuse. Mais moi c’est Wayne Manor qui m’intéresse, la demeure de la famille la plus riche de la ville. L’actuel détenteur de la fortune familiale,Bruce Wayne, est un personnage étrange. Playboy narcissique ou philanthrope discret, hédoniste tire au flanc et financier de Batman Inc, on ne sait jamais où s’en tenir avec lui. En tous cas son manoir est difficile à trouver. Je l’ai d’abord confondu avec Elliot Mansion, la demeure familiale de la famille Elliot, les journalistes. Il faut dire que les deux propriétés sont vraiment voisines. Mais je finis cependant par arriver à destination. Et là je suis un peu déçu. Les grilles sont trop loin du bâtiment pour qu’on puisse bien voir. Dommage, j’aurais voulu savoir si le manoir était vraiment en forme de W. J’en doute, déjà parce que ça ferait franchement mégalo, mais surtout parce que tout a été reconstruit après le tremblement de terre. Le Wayne Manor actuel ne doit donc plus avoir grand-chose de commun avec celui des origines. Seules doivent subsister les cavernes en dessous, qui étaient utilisées par l’underground railroad pendant la guerre de sécession pour aider les esclaves noirs à fuir vers les états abolitionnistes.
10h29
J’hésite à emprunter le Robert Kane Memorial Bridge pour rejoindre directement Gotham City. J’ai longtemps cru que le nom du pont venait de celui qui avait financé sa construction, Cameron Kane. Mais apparemment Robert Kane était un écrivain célèbre dont la famille n’avait rien à voir avec les Kane de Kane County. Finalement je décide plutôt de passer par le Sommerset, à l’ouest. Je ne veux pas me gâcher le plaisir de la découverte de la ville en la traversant en voiture. Sans parler des embouteillages.
10h42
Parlons en finalement des embouteillages. Je voulais passer pas le New Trigate Bridge pour accéder à la ville. Mais les travaux de rénovation, après les attentats perpétrés par The Architect pendant l’affaire que la presse a surnommé The Gates Of Gotham, rendent la circulation TRES difficile. Du coup je renonce et je continue à longer la côte. Je dois reconnaître que ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Déjà parce que le Sommerset est un bel endroit. Ça fait même drôle de se dire que le premier asile d’Arkham s’y trouvait. Quoiqu’à la nuit tombée les forêts que je vois au bord de la route doivent être assez angoissantes. Mais surtout j’ai à l’Est une vue imprenable sur la skyline de Gotham. D’ici la ville évoque un étrange mélange entre Chicago et New York. De la première elle a la richesse architecturale, avec des bâtiments de style néo-gothique, art nouveau, art déco, ou même moderne. De la seconde elle a la sombre majesté.
Un autre détail me fait me réjouir d’être passé par là : un panneau indique Slaughter Swamp. C’était là que les mafieux venaient se débarrasser des corps à la grande époque. J’ai presque envie de m’y arrêter, mais je n’ai pas le temps. Dommage. Par contre, allez savoir pourquoi, depuis que j’ai vu ce panneau j’ai une comptine dans la tête : « Solomon Grundy, né un lundi,… »
11h02
Je finis par emprunter le Vincefinkel Bridge pour entrer dans la ville. Enfin Vincefinkel c’est le nom officiel mais tout le monde parle du Brown Bridge. A cause d’Eliot R. Brown, un cartographe qui a réalisé une carte de Gotham très connue pour indiquer ce pont alors même que sa construction avait à peine été décidée.