Schism
est derrière nous. Jason Aaron nous a conté avec brio l'histoire du
divorce entre Cyclope et Wolverine. Cinq numéros durant l'auteur
s'est concentré uniquement sur les deux protagonistes au point de
tout simplement faire l'impasse sur la répartition des droits de
garde des différents mutants. A l'aube du lancement de son nouveau Uncanny X-Men, Kieron Gillen revient donc sur cette période de temps
éludée par Aaron. Un tour du monde de la sphère mutante en 34
pages qui se propose de nous offrir toutes les clés pour saisir
l'avenir des titres X. Un exercice audacieux pour un numéro
indispensable à tout fan des X-Men qui remplit son rôle sans trop
d'accroc.
C'est
donc un tour intégral du monde mutant qu'on nous propose. En soi,
sauf à avoir lu l'intégralité des titres X ces dernières années,
le lecteur aura forcément du mal à se sentir concerné par
certaines scènes. Quelque part, cela vaut mieux que de laisser de
côtés certains personnages. Ici, il y en a pour tout le monde.
Enfin presque. Bien entendu, le temps alloué à chaque personnage
varie grandement en fonction de leur importance. Ainsi Icerberg, Psyloke, Colossus, le Fauve, Malicia et d'autres ont le droit à au
moins deux pages chacun. Au cœur de ce que les X-Men ont été et
vont être, il est normal de s'attarder sur eux. Par contre, le
traitement de l'équipe de Generation Hope est peut-être légèrement
abusif. Cette équipe est le bébé de Gillen et Idie a été au cœur
de Schism. On peut donc comprendre l'enthousiasme de l'auteur à nous
livrer une scène conséquente tournant autour de l'équipe. Mais
voilà, 5 pages c'est un peu trop. On a l'impression d'avoir
soudainement ouvert le dernier Generation Hope, et pour cause, ces 5
pages y sont transposées telles quelles. Hors propos, cette scène
n'a pas à s'accaparer tant de place. Surtout, elle le fait au prix
d'éléments qui resteront dans l'ombre. A titre d'exemple, outre le
fait que Aaron semble aimer écrire le personnage, aucune réelle
explication n'est apportée à la présence de Quentin Quire du côté
du mutant griffu.
Outre ce déséquilibre embêtant, la
structure narrative reste à la fois pertinente et plaisante. La
désinvolture dont peut faire preuve Logan quand il part recruter ses
troupes et l'anxiété que Scott manifeste quand il tente de garder à
ses côtés certaines figures témoignent à la perfection du rôle
de chacun dans cette histoire. Les deux partent en campagne et l'un
des deux a clairement un rôle plus facile à assumer que l'autre.
Wolverine représente l'espoir, l'innocence. Certains diront la
naïveté. Une étiquette toujours plus facile à assumer que celle
que doit porter Cyclope. Ce dernier est celui qui a du sacrifier le
rêve de Xavier et qui est prêt à envoyer des enfants sur le front.
Il a beau assumer chacune de ses décisions, demander à des
personnages comme Tornade de porter ce poids à ses côtés est bien
moins simple que de demander à Icerberg de venir s'amuser à
l'école. En ça, le choix de chaque mutant pour un parti ou l'autre
offre au lecteur une occasion supplémentaire de tenter de lui-même
choisir un camp. Seulement, malgré le « Whose side are YOU on
? » de fin de numéro adressé au lecteur, il est indéniable
qu'on est loin du clivage des Avengers post-Civil War. Grâce à ce
numéro j'ai enfin pu décider quel camp j'allais soutenir, mais
l'histoire que nous livre Gillen nous apprend surtout que l'idée est
moins de supporter un côté plus que l'autre que de comprendre les
motivations de chacun.
De façon plutôt inattendue, le
récit est ponctué par une représentation très imagée du conflit
idéologique opposant Scott à Logan. Prétexte à des scènes
d'action prévenant le lecteur de décrocher, elles offrent les plus
beaux dessins que Billy Tan ait pu pondre à ce jour. Par moments il
va même jusqu'à flirter avec le trait d'Adam Kubert. On sent que le
Malais a pris son pied sur ces plans magnifiques. Au point qu'il a
certainement du oublier que le one-shot ne se résumait pas qu'à ces
seules scènes dynamiques et se souvenir à la veille de la deadline
qu'il lui restait un épisode entier à mettre en image. Comment
expliquer sinon les horreurs visuelles que la dessinateur nous
inflige ? Des anatomies disproportionnés, des traits grossiers,
des personnages parfois à peine reconnaissables. Pour tout à fait
rendre justice au travail de Tan, je préciserais tout de même qu'il
nous livre ici plus de belles pages que de mauvaises. Seulement,
d'une page à l'autre la qualité varie tellement du mieux au pire
qu'on ne peut s'empêcher de lui en vouloir et de s'interroger.
Aurait-il cédé la planche à dessin à son petit neveu après avoir
perdu un pari ?
X-Men Regenesis est un numéro quasi-indispensable pour qui compte s'attaquer aux titres X post-Schism. Faire l'impasse sur cet épisode ne posera pas de gros problèmes de compréhension en soi, mais empêchera de saisir totalement le rôle de chaque personnage d'un côté et de l'autre. Loin d'être parfait tant au niveau du scénario que des dessins, le titre offre tout de même de très beaux passages, notamment ceux consacré au Fauve et à Emma Frost. Un épisode en dents de scie qui reste globalement plaisant et vient combler certains trous.