En 1989, Tim Burton adapta l'univers de Batman au cinéma et relança la franchise grâce à sa vision si particulière du personnage. Depuis, cinq autres films ont vu le jour entre les mains de deux réalisateurs différents. Souvent pour le meilleur... mais aussi un peu trop pour le pire (et je sais que vous savez à quoi je pense en écrivant ça).
Alors, pour tous ceux qui ont connu l'homme chauve-souris grâce à Tim Burton, Joel Schumacher ou Christopher Nolan - et aussi pour tous ceux qui ont dévoré ces films en connaissance de cause, voici un tour d'horizon des six dernières adaptations du Caped Crusader au cinéma.
Séquence nostalgie...
Silence ! Action !
BATMAN
LE film qui a lancé Batman au cinéma, et est resté comme un symbole auprès de toute une génération (voire plus) fan du Chevalier Noir. C'est probablement grâce à cette adaptation de Tim Burton, puis à la série animée de Bruce Timm, que le personnage est si ancré dans l'esprit populaire aujourd'hui. Avec ce premier film, Burton ne s'embarrasse pas d'origines linéaires pour notre héros, il préfère commencer son histoire pendant les débuts de Bruce Wayne (Michael Keaton) en tant que Batman et focalise une partie de son intrigue sur la légende créée autour du personnage. Ce n'est pas pour autant que la psyché de Bruce et ses motivations ne sont pas traitées, c'est juste que c'est fait de manière plus diluée pour laisser place à l'action présente, et surtout lier le drame de la mort de ses parents à celui que doit affronter Batman dans cet épisode : l'emblématique Joker ! Car oui, Burton prend le risque dans ce premier épisode de simplifier les choses pour le grand public en donnant des origines à l'un des plus grands vilains de l'histoire. Autrefois petite frappe, désormais bras droit du chef du crime organisé de Gotham, Jack Napier (Jack Nicholson) souhaiterait être Calife à la place du Calife, mais pour le moment il fait ce qu'on lui dit de faire et lors d'une confrontation avec Batman dans une usine chimique, il tombe dans une cuve de produits chimiques. Au lieu de mourir, il s'en sort et est opéré, mais ne sera plus jamais le même physiquement et mentalement : il devient le psychotique Joker, qui prend la tête des opération (éliminant son boss au passage) et sème le chaos sur Gotham en contaminant les produits chimiques. En voulant terriblement à Batman, il le provoque dans un duel épique au cours duquel le Chevalier Noir se rendra compte que son adversaire n'est autre que celui qui a tué ses parents (on se souvient tous de la célèbre phrase clé : "N'as-tu jamais dansé avec le Diable au clair de lune ?"). C'est ainsi que l'on observe un terrible face à face entre ses deux "monstres" qui se sont créés l'un l'autre, avec comme enjeu au centre la belle Vicki Vale (Kim Basinger), journaliste venue enquêter sur le mystérieux Batman et qui finira d'ailleurs par découvrir qui il est réellement. La présence de Vicki nous permet de découvrir la vie de Bruce Wayne en société. Loin du playboy que l'on peut connaître dans les comics, c'est ici un homme discret, voire secret, très perturbé par les événements de son enfance et qui ne s'intègre pas très bien avec le reste du monde. S'il n'était pas né milliardaire, il n'aurait certainement rien à faire dans ce milieu.
Si bien entendu l'histoire est extrêmement importante dans ce film (on pourrait dire que c'est normal, mais après nous parlerons des Batman de Schumacher donc...), les grands gagnants de ce premier opus sont les décors et costumes. Un Gotham City sombre et inquiétante à souhait, des costumes et maquillages qui ne choquent pas, une Batmobile qui restera comme LA Batmobile aux yeux de beaucoup de monde et une ambiance pesante comme Tim Burton sait les faire. Là où l'histoire peut s'avérer assez classique pour le monsieur, on reconnait bien ici sa patte sur ce qu'on ne peut plus caractériser comme un film pour enfant, et en repensant à la date de sortie du film, on se demande comment on a pu avoir des choses si horribles bien des années après.
Un film à voir si vous souhaitez :
- vous rappeler l'émotion que vous avez ressenti en voyant pour la première fois Batman au cinéma ;
- admirer le jeu de Jack Nicholson dans le rôle d'un Joker complètement barré ;
- vous avez toujours eu envie de contrôler la Batmobile avec une télécommande ;
- vous venez de voir les Batman de Schumacher et souhaitez voir de vrais décors ;
- vous venez de lire The Killing Joke.
Un film à éviter si :
- vous n'aimez pas les réécritues (Joker en tête) ;
- vous êtes dépressif ;
- vous aussi vous savez que BATMAN NE TUE PAS !
BATMAN LE DÉFI
Seconde adaptation sortie tout droit de l'esprit torturé de Tim Burton, cette séquelle datant de 1992 raconte l'arrivée à Gotham City de deux nouveaux adversaires de taille pour Batman. À ma gauche : Oswald Cobblepot, un monstre difforme abandonné à la naissance et élevé par les pingouins du zoo de la ville. Et à ma droite : une Catwoman toute de cuire vêtue, adepte du fouet et croqueuse de diamants.
À l'origine, Burton ne souhaitait pas tourner de suite mais la Warner parvint à le convaincre en échange d'une liberté totale sur le projet (et un gros chèque, ne nous méprenons pas, Business is business). Cet accord porta ses fruits car Batman Le Défi fut un succès commercial et critique. En plus de cela, après avoir relancé la franchise du Chevalier Noir chez DC, Tim Burton offrit un nouveau souffle au personnage de Catwoman et instaura définitivement ce look SM que nous connaissons bien chez l'acrobate de Gotham.
Et quitte à avoir les mains totalement libres sur le projet, Tim Burton fait définitivement ce qu'il veut et marque cette suite de son emprunte si personnelle. Ainsi les vrais héros de Batman Le Défi ne sont pas ceux auxquels on serait en droit de s'attendre : comme dans la plupart de ses films, ce sont les marginaux qui sont mis en avant - à l'instar du couple de fantômes de Beetlejuice ; de cet être artificiel, orphelin et muet d'Edward aux Mains d'Argent ; ou encore du pire réalisateur de l'histoire du cinéma dans Ed Wood.
Alors ok, Batman a tout du marginal (justicier nocturne en latex, se prend pour une chauve-souris, ne dort jamais, etc...) mais Burton ne l'entend pas de cette oreille. Le maître d'œuvre préfère axer cette séquelle sur les deux nouveaux ennemis du Caped Crusader. À l'époque, Burton fonctionnait encore ainsi dans la construction de ses films : ses anti-héros aspiraient tous à une vie faite de naïveté et de simplicité, mais devaient pour cela se confronter à une réalité sombre et cruelle car dirigée et entretenue par des adultes sans âme qui détruisent tout ce qu'ils touchent. À travers ses personnages, Burton s'amusaient à renverser les valeurs d'une société déshumanisée en lui imposant la candeur et le naturel de l'enfance.
Ainsi, entre ses mains le Pingouin devient un monstre abandonné par ses parents et qui décide de prendre sa revanche sur le monde en sortant enfin des égouts où il vivait terré depuis des années. Il rencontre alors Max Schreck, un industriel sans scrupule prêt à détruire la nature pour s'enrichir et qui lui fait miroiter la place de maire de Gotham. Pour Cobblepot, c'est l'occasion ou jamais d'obtenir enfin de la part de ses concitoyens l'amour qu'il n'a jamais reçu de la part de ses parents.
Évidemment, comme il l'a fait pour le personnage du Joker, Burton n'hésite pas à écorcher violemment les origines du Pingouin pour servir son propos. Dans le comics, Cobblepot n'a jamais été abandonné par ses parents et a ainsi vécu toute sa jeunesse dans l'opulence avant de devenir un grand parrain de la pègre. Quant à son allure monstrueuse, contrairement au film elle ne tient qu'à une forte surcharge pondérale, une petite taille et un nez crochu qui lui ont valu son fameux sobriquet (c'est déjà pas mal, me diriez-vous).
Mais ces lacunes scénaristiques sont comblées par le jeu sans faille d'un Danny Devito habité par le personnage qui offre là une prestation à la hauteur du jeu d'acteur de Jack Nicholson en Joker quelques années auparavant.
Et Catwoman dans tout ça ? Tim Burton avait le choix quant au personnage qu'il adapterait à l'écran. Il préféra donc Selina Kyle, et fit d'elle une faible secrétaire harcelée par son patron. Vieille fille célibataire avec un chat comme seule compagnie, cette femme effacée est donc assassinée par son cupide employeur Max Schreck. Sa résurrection va lui permettre de s'extirper du carcan social et de son sexisme ambiant. Libérée du monde cruel qui la forçait à courber l'échine, elle va se venger des mâles dominants de Gotham.
Burton se sert finalement de ces protagonistes pour brouiller les pistes : contrairement au Joker qui était indubitablement un être mauvais, le Pingouin et Catwoman ne sont à la base pas animés d'intentions malsaines. Tout ce qu'ils souhaitent au fond c'est prendre le dessus sur une société qui les a toujours bridés et rejetés. Et dans toute cette histoire, Max Schreck devient vite le symbole absolu de ce monde cruel. Ce faisant, notre réalisateur évite un manichéisme facile en centrant son film sur les adversaires de Batman et parvient ainsi à créer un lien d'empathie entre le spectateur et ces derniers.
Pour finir sur ce second long-métrage, Tim Burton préserve le statut quo instauré dans le premier film en mettant en scène une nouvelle histoire d'amour impossible entre Bruce Wayne et une belle blonde. Ainsi, un jeu de séduction dangereux se construit entre Selina et Batman, brouillant encore plus les cartes.
Un film à voir si vous souhaitez :
- découvrir une galerie passionnante de monstres aux multiples facettes.
- redécouvrir une Gotham City babylonienne fruit de la mégalomanie Burtonesque.
- savourer des répliques plus piquantes les unes que les autres.
- vous émerveiller devant la scène cultissime de l'invasion de Gotham par des manchots.
- rêver devant Michelle Pfeiffer en cuir.
Un film à éviter si :
- vous vous attendez à un film centré sur Batman et Bruce Wayne.
- vous espérez encore que Tim Burton en a quelque chose à faire de la relation entre le commissaire Gordon et Batman.
- vous voulez voir des vraies scènes de baston entre le Dark Knight et la racaille de Gotham.
BATMAN FOREVER
A peine un peu plus de 3 ans après le deuxième film de Burton, Joel Schumacher reprenait le personnage pour le confronter à de nouveaux vilains, avec cette fois Val Kilmer dans la peau de Bruce Wayne. Se basant sur la connaissance du personnage par le public, il se permet de ne pas reprendre ses origines, tout en n'étant pas forcément la suite directe des précédents opus. Si globalement il faut aller creuser pour trouver les points de continuité qui auraient changé, ce n'est pas ce qui choque le plus quand on découvre Batman Forever. Ceux qui s'attendaient à une ambiance semblable à Burton en seront pour leur argent. Au final, la vision qu'a eu Schumacher de ce troisième opus est comparable à celle vue plus récemment sur X-Men 3 et Spider-Man 3 : mettre le plus possible de personnages de l'univers en question. Problème, comme sur les films sus-cités, c'est trop, mal fait et les personnages sont complètement dénaturés. Pire ici, ils sont caricaturés. Tout commence avec Double-Face (Tommy Lee Jones) qui perd ici toute sa prestance du comics pour ne devenir qu'un vilain lambda (mention spéciale tout de même à sa faculté pour trouver des hommes de main bodybuildés et percés de partout) cherchant à caricaturer le Joker du premier film. On a donc un Tommy Lee Jones qui fait du Jack Nicholson, à quoi vient se rajouter un Jim Carrey qui fait du... et bien du Jim Carrey. Car si le Double-Face était assez pitoyable dans son rôle de bouffon cherchant à tout prix à abattre Batman, il devient quasiment inexistant (enfin, on aurait préféré) quand l'Homme Mystère arrive, réduit presque au rang de sidekick. Car une nouvelle fois, deux vilains viennent s'en prendre à Batman. Ou plutôt ici, à Bruce Wayne. Edouard Nigma est un employé des industries Wayne, déçu par son patron qui refuse d'accepter ses recherches manipulant le cerveau. Devenu un génie (sérieusement ?) suite à un accident de laboratoire, il cherchera à prendre la place de Bruce Wayne (allant jusqu'à le mimiquer) et découvrira même sa véritable identité (et au final il atteindra son but en quelque sorte). Deux méchants de bas-étage pour un film qui ne volent pas bien haut, comme les Grayson.
Ce film fut en effet l'occasion d'introduire Dick Grayson, futur Robin, avec la scène de la mort de ses parents au cirque. Seulement ici le drame se déroule tout à fait autrement : le cirque étant attaqué par Double-Face, la famille Grayson cherche à les neutraliser lui et ses hommes. Alors que Dick sort se débarrasser d'une bombe, sa famille est tuée. Grosse erreur : le côté dramatique de leur mort est amoindri par la situation, ils meurent en se battant, et Dick n'assiste même pas à la scène. Passons, Bruce recueille Dick qui découvrira bien entendu très vite qu'il est Batman, et décidera de se battre à ses côtés.
Autre alliée de Batman, le Dr Chase Meridian (Nicole Kidman), qui aide Bruce à faire face à son passé, et à comprendre la psychologie de l'Homme Mystère. Accessoirement, elle a un faible pour le latex et pour Batman... Une caractérisation du personnage assez exceptionnelle en somme, qui nous vaut des scènes d'une exaspération sans égale (pour le moment). Bref, on cherche encore le scénario de ce film et la direction des acteurs pour leur toucher deux mots.
Si l'histoire et les personnages déçoivent fortement, on aurait pu s'attendre à au moins du bon niveau sur les costumes, les effets spéciaux, et la réalisation. Mais il n'en est rien, bien au contraire. Si le premier costume aperçu dans le film peu s'avérer correct (même si les tétons pointent déjà leur nez), les costumes suivants, ainsi que ceux des vilains, sont on ne peut plus mauvais, pas même dignes d'un mauvais dessin-animé. Et nous ne parleront pas de la Batmobile en plastique qu'ils n'ont même pas tenté de maquiller à l'écran. Les effets spéciaux eux sont là pour nous rappeler qu'on est dans les années 90. Si Burton avait utilisé peu d'effets du fait de la technologie, Schumacher montrent qu'on peut faire des choses avec un ordinateur, même si on ne sait pas les faire. La sobriété des opus précédents manque fortement.
Vous l'aurez compris, ce film marqua un tournant dans l'histoire de Batman au cinéma, et on pourrait dire qu'il est entièrement mauvais, vide de sens (si ce n'est par son casting) et irrécupérable, mais ce serait sans compter sur le suivant qui renvoie presque celui-ci au rang de bon film.
Un film à voir si :
- vous êtes amoureux de Nicole Kidman (comme Manu), plus belle que jamais, ou de Drew Barrymore (comme Deadpoule) qui apparait ici dans un rôle bien en-dessous d'elle ;
- vous voulez voir la première apparition de Robin au cinéma ;
- vous voulez trouver les références à des films cultes qui se cachent dans les films de Schumacher (ici on verra le Village des Damnés par exemple) ;
- vous voulez enfin voir Bruce Wayne s'occuper de Wayne Enterprises.
Un film à éviter si :
- vous aimez Double-Face ;
- vous aimez l'Homme Mystère et/ou n'aimez pas Jim Carrey ;
- vous aimez Dick Grayson ;
- vous aimez le Commissaire Gordon ;
- vous aimez le cinéma...
BATMAN ET ROBIN
Je déteste Comicsblog, je les hais tous et je souhaiterais qu'ils payent ! Mon avocat m'a bien prévenu que je ne pourrai pas gagner le moindre procès contre Sullivan en prétextant de mauvais traitements. Mais je compte changer d'avocat... à moins que je n'écrive à Amnesty International.
Pour vous expliquer, je viens de visionner Batman et Robin, la formidable suite de Batman Forever, toujours commise par Joel Schumacher. Finalement, il aura fallu deux heures à mon voisin pour m'ôter des mains la fourchette en plastique avec laquelle j'essayais vainement de me crever les yeux, et il m'aura fallut une heure de plus pour le convaincre que ça allait mieux et que je devais écrire mon article.
Dans Batman Et Robin, le duo de choc doit affronter non pas une, non pas deux mais trois nouvelles saloperies : Poison Ivy l'empoisonneuse écolo, Bane son acolyte sous stéroïdes et Freeze le scientifique maître du froid. Nous reviendront par la suite sur cette joyeuse troupe.
Ce quatrième opus de la franchise Batman confirme ce que je pensais avec Forever : Joel Schumacher semble construire l'univers de l'homme chauve-souris à la manière d'un dessin-animé. Déjà par la présence dans ses deux films d'une séquence d'introduction quasi-identique : Batman dans Forever puis Robin en plus dans la suite, enfilant leur costume avec des gros plans sur le fessier et la "coquille" des héros. Idem pour la séquence de fin : l'ombre des deux héros - puis celle de Batgirl en plus pour Batman & Robin - courant vers la caméra dans l'obscurité. S'ajoutent à cela l'ambiance ultra-colorée propre à certains films de Schumacher, une abondance de jeux de mots et de bruitages cartoon (nous y reviendront) ou encore la présence de voitures 40's comme on en trouvait dans la série animée Batman de 1992. Le clin d'œil est explicite.
Second constat (consternant, si j'ose dire), B&R est la preuve que lorsqu'on réalise un blockbuster, l'inventivité semble être une denrée qui se monnaie au même titre que les effets spéciaux, les décors ou le casting. Car à première vue, tout le budget inventivité a été siphonné par les espèces de stars qui ponctuent douloureusement le générique : Arnold Schwarzenegger, Uma Thurman, Alicia Silverstone, Chris O'Donnel... et le meilleur pour la fin : George Clooney !
Durant tout le visionnage, je me suis posé une seule et même question : mais-qu'est-ce-qu'il-fiche-là-?
Si certains avaient apprécié de voir Val Kilmer endosser la capuche et la cape, penser la même chose de George Clooney frôle le terrorisme intellectuel. C'est un peu comme si Jason Statham jouait le rôle titre dans le prochain James Bond...
Puis très vite on déchante (encore plus) en découvrant les nouvelles tenues de nos héros. Alors que dans les trois quart de son précédent opus Schumi avait respecté le costume instauré par l'équipe de Tim Burton, là le père Jojo se lâche définitivement et nous propose des tenues criblées d'un gigantesque logo argenté. Le service marketing veillait au grain et comptait bien proposer à la vente des petites figurines un peu plus attrayantes que le tristounet "noir-c'est-noir" de chez Burton. Bande d'imbéciles.
Le vrai choc reste finalement le ton général de cet opus. À l'instar de Forever, B&R joue énormément la carte de l'humour, très certainement afin de contre-balancer avec l'ambiance pesante des deux premiers films. Mais pour le coup, Schumi parvient à donner un autre sens à l'adverbe "énormément". Il y a comme un relent de parodie dans les dialogues et les blagues sur les plantes et sur la glace fusent dans tous les sens, ça ne s'arrête jamais ! Impossible de comptabiliser chaque jeu de mot tellement toutes les scènes rivalisent entre elles sur le terrain du calembour. C'en est même fatigant.
Les thématiques abordées par Schumacher sont dans l'ensemble... inexistantes ou abordées avec une subtilité propre à la cible visée par la production. Conclusion : pas la peine d'être très profond, ce film vise les 8-13 ans.
Freeze est un scientifique qui cherchait un remède à la maladie de sa femme plongée dans le coma, mais ses recherches se sont retournées contre lui. Devenu prisonnier du froid dans un super scaphandre, il se sert de la glace comme d'une arme afin de trouver les fonds nécessaires pour financer ses recherches et ainsi sauver sa femme. Afin d'approfondir le personnage, Schumi se contente de ressasser ad nauseam le parallèle entre le corps recouvert de givre de Freeze et son "coeur de glace"... Su-per.
Et puis bon, avec le temps on va bien finir par se rendre compte que Schwarzenegger est loin d'être un grand acteur dramatique.
Poison Ivy de son côté est présentée au début comme une biologiste effacée comme le fut Pfeiffer dans Le Défi ; des cheveux roux en bataille, timide et peu soignée. Il paraît évident que Schumi avait décidé d'adapter son Empoisonneuse sous le même angle d'attaque que Burton avec sa Catwoman. Ainsi lorsque Pamela Isley devient l'empoisonneuse, elle se transforme en véritable bimbo bien décidée à prendre sa revanche sur tous ces hommes qui l'ont snobée par le passé. Pour cela, elle utilise une poudre violette pour envoûter les beaux mâles qu'elle croise sur son chemin. Eh oui... c'est sa quête à elle... draguer des mecs... Su-per.
Et Bane dans tout ça ? Alors dans les comics, le personnage n'est ni plus ni moins qu'un des ennemis les plus intelligents que Batman ne croisera jamais, en plus d'être une véritable brute épaisse. Deux qualités qui lui ont permis par le passé de 1) mettre Batman K.O. pour un long moment et 2) en profiter pour prendre le contrôle de tout le milieu criminel de Gotham ! Rien que ça. Dans le film, le personnage n'est ni plus ni moins qu'un gros vilain catcheur qui passe son temps à grommeler en suivant Poison Ivy partout comme un petit chien. Su-per.
À côté de ça, Alfred Pennyworth est très malade et c'est l'occasion pour le réalisateur d'expliquer très clairement aux abrutis du fond qui n'auraient pas encore compris qu'en fait Alfred représente un père de substitution pour Bruce Wayne. Parallèlement, Robin boude parce que soi-disant Batman ne lui fait pas assez confiance. Et au milieu de tous ces transferts affectifs d'une vraisemblance affligeante, Alicia Silverstone en Batgirl (et nièce d'Alfred ???) se contente de parler en tordant sa mâchoire inférieure dans je ne sais quel but. Mais c'est très énervant.
Pour finir sur Batman Et Robin, les scènes d'action sont globalement inintéressantes et le tout s'enchaine sans aucun punch, sans aucune recherche de cohérence. Ce ne sont que des scènes mises bout à bout afin de donner l'illusion d'un scénario. Mais ce n'est au final que de l'esbroufe qui s'en cache à peine.
Les retombées de ce film pousseront Schumi à quitter la franchise et même à s'excuser auprès des fans. Brave petit.
Un film à voir si :
- l'idée d'un ou deux petits plans séquences d'une Gotham City magistrale vous tente ;
- les effets spéciaux kitch pré-2000 vous manquent ;
- lorsque vous étiez petits vous couriez chez votre boulanger pour acheter des glaces à l'eau ;
- vous êtes tombé amoureux de Elle Macpherson, en lisant un Cosmo dans la salle d'attente de votre médecin ;
- vous aimez François Pérusse.
Un film à éviter si :
- vous appréciez Joel Schumacher jusque là ;
- vous considérez Batman comme une icône intouchable ;
- vous possédez la moindre exigence cinématographique ;
- vous pensiez déjà Georges Clooney comme un mauvais acteur ;
- vous n'aimez pas François Pérusse.
Bon, je l'ai rangée où cette foutue fourchette en plastique ?!
BATMAN BEGINS
Après l'abobination que fut Batman & Robin, il faut attendre 2005 pour que quelqu'un retente le coup. Et c'est Christopher Nolan qui s'y colle. Connu à l'époque pour ses thrillers psychologiques (Memento, Insomnia), c'est ce côté psychologique et surtout réaliste que le réalisateur apporte à la franchise. Reprenant le personnage de zéro, Nolan fait le pari de nous montrer ses origines pendant un long moment avant de vraiment voir Batman, qui n'est au final qu'un personnage très secondaires dans les deux premiers opus de sa trilogie.
Rongé par la vengeance suite à la mort de ses parents, Bruce Wayne (Christian Bale) est bien décidé à se venger alors que le meurtrier pourrait être remis en liberté. Mais cette vengeance lui est volée par la mafia qui ne laissera pas son homme parler. Perturbé, Bruce plaque tout et par en nomade pour une quête d'identité à travers le monde, et surtout une quête de savoir-faire et savoir être dans son futur combat contre le crime. Alors qu'il est pendant un temps éduqué par Henri Ducard (qui se révèlera plus tard être Ra's Al Ghul), il tournera finalement le dos à son ordre qui pratique une justice violente et expéditive. De retour à Gotham City, il compte nettoyer la ville en utilisant sa richesse et ses compétences durement acquise, ainsi qu'un symbole pour instaurer la peur dans le coeur des malfrats : il devient alors le Batman.
La force du film pour beaucoup est également sa faiblesse pour beaucoup de fans : le réalisme de l'histoire. En optant pour une telle approche, Nolan ancre Batman dans notre monde, où il n'y a pas que de l'ombre mais aussi de la lumière, où les personnages meurrent réellement, où l'histoire pourrait tenir sans que Batman n'intervienne. Il passe beaucoup de temps à travailler sur la psychologie et la double-identité de Bruce Wayne qui se doit de garder un visage insouciant devant la société le jour tout en combattant le mal la nuit. Ainsi pour la première fois, on voit vraiment une dualité playboy/justicier qui n'était pas si nette dans les autres films, même si elle reste ici artificielle. Le personnage de Rachel (Katie Holmes), son amie d'enfance, sert également de conscience à Bruce, une sorte de miroir à ses doutes intérieurs.
Comment marier Batman et réalisme ? Hé bien grâce à Wayne Enterprises. Les différents gadgets et technologies qui apparaissent tout au long du film sont issus de la section recherche du groupe détenu par Bruce. C'est ainsi que ce qui deviendront sa Batmobile et son armure sont au final des technologies développées pour les militaires, mais mises de côté pour cause de budget. De même, les différentes pièces manufacturées pour Batman le sont via de multiples entreprises à travers le monde. Ce n'est plus à Alfred de tout coudre lui-même ! Nolan est arrivé au moment où la technologie de tous les jours rattrapaient les rêves des auteurs de fictions, permettant ainsi de rendre plus naturelle la transition. Mais ce n'est pas pour autant que l'on n'aura pas de vilains typiques de Batman.
Car il n'est pas le seul à porter un costume. Si Ra's Al Ghul (Liam Neeson) menace dans l'ombre, c'est l'Epouvantail qui est ici mis en avant. Psychiatre travaillant pour la mafia afin de faire libérer les différents hommes de mains, Jonathan Crane (Cillian Murphy) utilise un hallucinogène de son cru pour combattre ses ennemis. Protégé par un masque en forme d'épouvantail, il devient le premier super-vilain costumé de l'univers Nolan.
S'il aurait pu s'appeler Batman : Year One, ce premier opus ne se concentre pas sur le point de vue du commissaire Gordon (Gary Oldman). C'est cependant le premier film dans lequel son personnage et sa relation avec Batman son correctement traités. Homme bon parmi les pourris, Gordon cherche lui aussi à nettoyer la ville, et voit vite en l'Homme Chauve-Souris un éventuel allié et un homme en qui il peut avoir confiance. C'est en faisant équipe qu'ils parviendront désamorcer la situation alors que Ra's et l'Epouvantail sont décidés à plonger Gotham encore plus en enfer.
Que ce soit sur le jeu, le scénario ou la réalisation, Christopher Nolan a vu tout juste avec ce film qui réussit à ramener Batman dans le coeur des fans, ainsi que du plus grand nombre. Malheureusement si l'on doit se plaindre du film sur un point, c'est bien son côté hyper-réaliste qui l'éloigne de l'univers du Gotham que l'on connait, et qui en fait plus un bon polar qu'un bon film sur Batman.
Un film à voir si :
- vous voulez voir un bon polar ;
- vous voulez enfin un vrai Commissaire Gordon ;
- vous voulez vous intéresser au personnage sans être déjà fan de Batman.
Un film à éviter si :
- vous voulez voir un film sur Batman ;
- vous aimez la Gotham sombre et dystopique des comics ;
- vous n'aimez pas Christian Bale.
THE DARK KNIGHT
En 2008, Nolan confirme l'essai avec la suite de l'excellent Batman Begins et parvient même à nous pondre un The Dark Knight meilleur que son prédécesseur. Et ce n'était pourtant pas gagné !
Dans TDK, un malfrat haut en couleurs nommé le Joker grimpe peu à peu au sommet du crime organisé de Gotham City. Pendant ce temps, Harvey Dent, un ambitieux avocat, brigue le poste de procureur, bien décidé à nettoyer ce maudit syndicat du crime.
Ce nouvel opus, tout comme le précédent, divisa les fans du Caped Crusader de part l'approche réaliste de son réalisateur.
Que ce soit dans l'aspect para-militaire de l'équipement du héros, la représentation sobre de Gotham, apparentée à n'importe quelle autre ville américaine ou encore la composition somme toute réaliste du personnage du Joker, le Batman de Nolan est assez éloignée dans la forme des comics ou même de ce qu'il fut entre les mains de Tim Burton.
Cela s'explique en partie par l'univers du réalisateur. À l'instar de Burton, Nolan a toujours cherché à intégrer Batman dans une certaine cohérence propre à sa filmographie. Ainsi, il injecte dans Begins et TDK un de ses thèmes de prédilection : la justice.
Ainsi, comme dans Memento, un autre film du réalisateur, le héros de TDK est un personnage solitaire bien décidé à réparer une injustice par lui-même. Car plutôt que de laisser la société juger les coupables, Bruce Wayne a pris la décision de court-circuiter le système et de s'imposer face aux lois afin de rendre justice par ses propres moyens. De ce postulat de départ, en découle toute une réflexion sur la légitimité de la vengeance, l'usage de la violence et la mise à mal des libertés personnelles. Afin d'investir le spectateur dans cette thématique et de les rendre encore plus complices de ses personnages, Nolan développe son film dans un univers au plus proche de notre réalité, flirtant sans cesse avec le thriller.
Mais il ne renie pas pour autant le background du comic-book. Comme dans Batman Begins, Nolan s'inspire largement des grands récits qui ponctuèrent l'existence de Batman sur le papier. De ce fait, on retrouvera dans le personnage du Joker la même philosophie déjà présente dans Killing Joke de Alan Moore. Ainsi dans les comics, le Joker considère que même l'individu le plus intègre qui soit peut disjoncter après une journée particulièrement éprouvante. Dans le film, l'idée reste semblable : le Joker tente de prouver à la population de Gotham que n'importe qui, mis face à des choix cruciaux, acceptera de commettre l'irréparable. Nolan laisse aussi planer le plus grand doute quant aux origines de la némésis de Batman, de la même manière que procédait Alan Moore dans son propre récit.
On repère aussi une autre source d'inspiration de Nolan à mesure que le personnage de Harvey Dent se construit. Ainsi, le dernier quart du film ne laisse pas de doute quant au fait que le réalisateur de Inception s'est largement inspiré de Long Halloween.
Néanmoins, tout comme Burton et Schumacher avant lui, Nolan prend quelques libertés vis à vis du matériau d'origine. Ainsi, il lie le destin du Joker à celui de Double-Face. Mais le cinéaste n'agit pas par désinvolture, tout cela est réalisé dans le but d'augmenter la tension dramatique du personnage d'Harvey Dent.
On pourra toujours reprocher à Nolan d'avoir réalisé ici son Batman Le Défi, en centrant la mise en scène autour du Joker, tout comme Burton l'avait fait autour du Pingouin et de Catwoman. Mais la prestation de Heath Ledger dans la peau du Joker est tellement inattendue et rafraîchissante qu'on peut bien passer l'éponge pour cette fois. Néanmoins, dans la fin de cette trilogie qui arrive l'année prochaine, on espère que le réalisateur parviendra à donner plus de consistance à Bruce Wayne et Batman car en effet, le héraut de Gotham City a beaucoup perdu en présence dans ce TDK à cent à l'heure. Bien souvent, la composition de Christian Bale se veut trop sobre, trop introvertie face à celle survoltée de Heath Ledger.
Mais malgré cet aspect précis, Christopher Nolan et toute son équipe sont parvenus à monter un savant mélange entre thriller urbain, film de super-héros et drame.
Un film à voir si :
- vous étiez fan de Heath Ledger ;
- vous appréciez les scénarios exigeants ;
- tout comme moi, vous êtes amoureux de Maggie Gyllenhaal ;
- vous aimez les personnages approfondis.
Un film à éviter si :
- pour vous Gotham City est un élément essentiel de l'univers de Batman.
- vous avez décrété un beau jour : "on ne touche pas au Joker !"
- selon vous, Joel Schumacher avait tout compris au Sombre Chevalier ;
- vous vous attendez à un Bruce Wayne approfondi ;
- vous rêviez que Nolan nous présente enfin un Batman détective à l'image du comics.
LA SUITE ?
Christopher Nolan n'en a pas fini avec le personnage et le film concluant sa trilogie, The Dark Knight Rises, sortira l'an prochain au cinéma. Vous pouvez retrouver toutes les infos sur le film ici même su Comicsblog.fr. Ce troisième opus confrontera le Chevalier Noir à Catwoman et Bane, qui, sait-on jamais, mettra peut-être un terme à ses aventures.
Après ça on parle d'une sorte de reboot du personnage une nouvelle fois, pour pouvoir l'intégrer à un projet de Justice League au cinéma. Ce projet colossal est dans les tuyaux depuis des années, et il n'est toujours pas sûr qu'il soit fait. Toujours est-il que si c'est le cas, il faudra que ce soit bien fait si les studios ne veulent pas s'attirer les foudres des critiques et des fans.