Il était une fois, l’histoire d’un jeune artiste qui débutait dans les comics. Né en
1962 à Toronto, ce jeune homme plein de talent a décidé de dessiner toute sa vie et d'en vivre. Il débutera sur une série animée consacrée à un super-héros du futur en rouge et noir, puis ira dessiner sa première histoire sur un personnage très connu de l’univers de la bande dessinée américaine. Cet artiste, c’est
Darwyn Cooke et son histoire, c’est
Batman Ego.
Publié en 2000, ce
one-shot se
veut être une sorte de séance chez le psy pour
Bruce Wayne et son alter-ego, explorant sa psyché, son passé et ses démons intérieurs. A la suite d’une affaire impliquant le Joker,
Batman rentre épuisé, physiquement et mentalement, dans sa Batcave, blessé par deux coups de couteaux et témoin du suicide d’un malfrat. C’est alors que va apparaitre un être se disant l’alter ego de
Bruce Wayne, représentation de la schizophrénie du personnage. Ainsi,
Cooke ne se contente pas simplement de signer une énième histoire de
Batman, mais se propose d’analyser le mythe qu’il représente. L’artiste signe alors un scénario à la fois intimiste et expressionniste, se permettant durant ses plongés dans les rêves et les peurs du
Caped Crussader des scènes impressionnantes en terme de mise en page. Touchant ainsi à la schizophrénie, à son rapport à la figure paternelle, au traumatisme de la perte de ses parents et à la limite entre bien et mal, le canadien aborde beaucoup de sujets philosophiques, sans aucune lourdeur, avec un traitement bien plus fin et intéressant qu’on pourrait l’imaginer en amenant une réelle réflexion sur le personnage et ses comportements.
Cooke livre ici un portrait complet et complexe de la psyché de l’homme chauve souris. Un scénario riche de thèmes (l’histoire ne faisant que 46 pages, la performance est d’autant plus remarquables), tout en étant accessible à quelqu’un pour qui
Ego serait la première rencontre avec le personnage.L'histoire revisite l'univers vilain de Batman ainsi que des passages marquants de son enfance avec brio mais l'on regrettera malgré tout une fin un peu facile, qui choque après une quarantaine de pages proches de la perfection. Une histoire remplie de symboles, de métaphores, qui délivre une vision à la fois personnelle et universelle de ce personnage légendaire. L’artiste étant son propre scénariste, il se permet, pour son premier travail sur papier, une totale liberté graphique.
Car si le scénario est assez remarquable, c’est sur la partie graphique que l’on découvre tout le talent du bonhomme derrière la planche à dessin. L’artiste arbore un style très cartoon, rappelant l’âge d’argent des comics
DC (il fera d’ailleurs quelques années plus tard
New Frontier, histoire se déroulant durant... l’Age d’Argent). Rappelant ainsi
Bruce Timm, l’artiste a un talent inné pour la composition de page efficace, le
story-telling fluide et les mouvements dynamiques.
D’autant plus que, l’histoire flirtant avec l’onirique, l’artiste se libère totalement de beaucoup de contraintes, lui permettant ainsi une totale liberté de crayon. Et là dessus, malgré le fait que
J.H. Williams III soit le maitre en la matière, l’artiste canadien s’en sort avec la mention très bien, grâce à des passages planants, dérangeants, surfant entre délire et réel. Le style de l’artiste colle d’autant plus à l’histoire que, exploitant le passé de
Wayne, Ego transpire la nostalgie et l’amour du personnage. Une grande découverte pour un artiste qui a depuis gagné un nom dans l’industrie, avec notamment ses versions de Parker, de Richard Stark.