« It’s coming ». Trois petits mots lâchés par Marvel qui ont alimenté les suppositions les plus folles. Et maintenant on le sait, ce qui arrive c’est Avengers vs X-Men, le prochain méga event qu’on nous vend déjà à grands coups de teasers et de couvertures. Ce qui devrait cette fois pousser les deux équipes les plus populaires de l’univers 616 (désolé pour les FF) à s’affronter c’est a priori le retour d’un oiseau de feu bien connu, et le destin d’une rouquine bombardée messie dès sa naissance.
Mais le battage éditorial autour
du futur event ne doit pas nous faire oublier que c’est loin d’être la première
fois que les routes des héros mutants et des vengeurs se croisent. Ni que ces
rencontres tournent à l’affrontement. En effet, créés la même année (1963), les
deux groupes se sont rencontrés pour la première fois dans X-Men (pas encore
Uncanny) #9 (on négligera la brève conversation entre Iron Man et Xavier dans Avengers #3). Et elles se sont affrontées. La première d’une longue série de
rencontres
Ainsi les histoires de ces deux équipes sont très liées, que ce soit à cause des évènements qu’elles ont traversés ou des membres qui les composent. Et s’il est devenu habituel de souligner la perception totalement opposée qu’a le public des Avengers (les héros acclamés) et des X-Men (des hors-la-loi craints et haïs), il est surtout très intéressant de remarquer que chaque groupe représente une certaine vision de l’héroïsme.
Les Avengers, ce sont les superhéros « classiques », ceux qui sauvent le monde des maniaques qui veulent le détruire ou le conquérir, qui nous protègent des menaces intergalactiques. Bref les protecteurs de l’humanité. Mais les X-Men, eux, sont définis par leur appartenance à une espèce : l’homo sapiens superior. Les mutants. Certes, le rêve de Charles Xavier, leur fondateur, est celui d’une cœxistence pacifique entre mutants et humains. Mais dès leur fondation les X-Men ont eu vocation à s’occuper des autres mutants, à protéger l’humanité contre les « mauvais » mutants. Et avec le temps, cette mission est de plus en plus devenue la protection des mutants contre l’humanité qui les craint et les persécute. Cette évolution s’est d’ailleurs encore accentuée après le jour M, où la sorcière rouge a presque fait disparaître tous les mutants du monde (à la fin de l’event House Of M). Et aujourd’hui, avec la création d’Utopia et le repli des X-Men sur leur île, il paraît plus vrai que jamais de dire qu’ils incarnent une vision communautariste de l’héroïsme. Ils feront passer les leurs avant tout.
Les X-Men et Magneto, mutants avant tout
Ce credo « nous contre le monde » a donc presque toujours été celui des X-Men, et c’est ce qui a été à l’origine de la plupart de leurs oppositions avec les Avengers. Pas des toutes premières, certes, qui fonctionnaient sur la recette classique du crossover : malentendu/affrontement/explication/coopération. Tel fut le cas pour leur première rencontre, mentionnée plus tôt, ou même pour la suivante qui eut lieu dans X-Men (toujours le futur Uncanny) #43-45 et Avengers #53.
Mais les tensions entre les deux
équipes apparurent pour la première fois lors du crossover Secret War. Dans
cette histoire le Beyonder, un être tout puissant avait transporté des
superhéros et vilains sur un monde créé artificiellement : Battleworld. Là
les deux camps devaient s’affronter. Les Avengers comme les X-Men faisaient
logiquement partie du voyage. Et la logique aurait voulu qu’entre héros, ils
décident de coopérer. Mais la présence d’un homme va tout changer :Magneto. Le maître du magnétisme, ennemi récurrent des X-Men, se retrouve
téléporté parmi les « gentils ». Et si les Vengeurs veulent
immédiatement le neutraliser, les X-Men vont quant à eux prendre sa défense.
Mieux que ça, ils vont même considérer par la suite qu’il est plus judicieux
pour eux de rester entre mutants, et ils vont fausser compagnie aux autres
héros. Avec Magneto. Alors oui, à la fin tout le monde s’est réconcilié et
s’est uni contre le Beyonder et Dr Doom, mais les premières graines de la
discorde ont été semées.
Magneto sera d’ailleurs au centre de la plupart des discordes entre les deux groupes. Quoi de plus logique de la part d’un personnage aussi moralement ambigu qui a maintes fois franchi la barrière entre héroïsme et vilénie ? Et surtout un personnage qui incarne le repli communautariste le plus absolu. Car il ne faut pas oublier qu’avant Utopia il y eut l’Astéroïde M, Avalon et surtout Genosha après que Magneto y ait pris le pouvoir. Autant de refuges pour les mutants, loin de l’humanité (les deux premiers étaient même dans l’espace, le troisième était une île). Et pourtant, malgré les conflits et désaccords idéologiques profonds entre Magneto et les X-Men, ceux-ci ont toujours été prompts à lui pardonner ses fautes et à l’accueillir en leur sein dès qu’il semblait se repentir. Il fut même un temps leader de l’équipe, à la demande d’un Charles Xavier gravement blessé.
C’est à cette période
qu’interviendra d’ailleurs le second conflit majeur entre X-Men et Avengers,
dans la mini-série en quatre numéros X-Men Versus Avengers en 1987 (et oui,
déjà…). Dans cette histoire les Vengeurs entreprennent de capturer Magneto pour
le faire juger par un tribunal pour ses nombreux crimes. Et les X-Men
n’hésitent pas à défendre leur leader. Plus que le scénario et le dénouement
(oui Magneto finit devant un juge et oui il y a un rebondissement), ce qu’il
convient de retenir de cette mini c’est qu’encore une fois les mutants ont
défendu coûte que coûte un des leurs. Et pas contre une foule en colère qui
voulait le lyncher. Non, contre des héros reconnus qui voulaient qu’il soit
jugé pour des crimes qu’il a bel et bien commis.
Cette affaire sera la dernière confrontation majeure entre les deux équipes. En effet on peut faire l’impasse sur le crossover Dark Avengers/Uncanny X-Men Exodus puisque les Dark Avengers emmenés par Norman Osborn ne peuvent en aucun cas être considérés comme de véritables vengeurs. Cependant il convient de mentionner cet épisode car il débouchera sur la création de la nation mutante Utopia, au large de San Francisco, et achèvera de faire de Cyclope le leader du peuple mutant. Les X-Men poursuivent donc ainsi la tradition du repli communautaire inaugurée par Magneto, qui les rejoindra d’ailleurs immédiatement après. Et sera bien sûr accepté. Il fait d’ailleurs maintenant partie de l’extinction team de Cyclope, son équipe d’élite. Bis repetita…
Périls et loyauté, les terrains d’entente
La différence de conception de
l’héroïsme entre Avengers et X-Men transparaît aussi parfois dans les cas où
les deux équipes ne sont pas directement en conflit. Pas vraiment les fois où le péril qui menace
l’humanité est si grave qu’une alliance apparaît comme une évidence. L’exemple
le plus évident fut le méga crossover Onslaught au cours duquel un Charles
Xavier transformé en monstre menaça le monde entier. On voyait mal les Avengers
dire aux X-Men de balayer devant leur porte, et il était impossible pour les
mutants de régler le problème eux mêmes. De même, en cas de menace
extra-terrestre, c’est en général l’union sacrée sans se poser de questions. Il
n’y a qu’à voir Maximum Security en 2000 (la terre est transformée en centre
pénitentiaire galactique, ne le lisez pas c’est atroce) ou Secret Invasion en 2008. A noter que dans ce
dernier cas les X-Men sont absents de la mini-série principale pour des raisons
éditoriales mais ont droit à un véritable tie-in. Il eut en effet été trop
difficile de coordonner leur série avec le reste de l’event.
Mais il y aussi les fois où la non participation des mutants en dit long sur leur vision du monde. L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est Civil War, où la « guerre » entre les héros favorables à l’enregistrement et la coopération concertée avec les autorités, et ceux qui préfèrent opérer hors du système. On aurait pu penser que les X-Men, toujours opposés à la loi d’enregistrement des mutants, s’empresseraient de rejoindre le camp des « rebelles » emmené parCaptain America. Mais Cyclope va plutôt décider que tout cela ne concerne pas les mutants, déjà enregistrés depuis le jour M, et que les héros n’ont qu’à laver leur linge sale entre eux (tous les mutants impliqués comme Bishop ouWolverine et même Cyclope, qui gagne la palme de l’hypocrisie, le seront à titre individuel). On voit donc bien que pour les X-Men c’est le sort du peuple mutant qui passe avant tout. Dans une certaine mesure le même schéma se répètera pour Siege. Les mutants ne sont pas directement concernés par la bataille entre Osborn, Asgard et les Vengeurs, et ces derniers semblent capables de gérer la situation. Donc ils suivront les évènements à la télé.
Mais le cas le plus intéressant
d’interaction sans conflit entre Avengers et X-Men est à n’en pas douter le crossoverBloodties en 1993. Organisé pour commémorer le 30ème anniversaire
des deux équipes, il prend place sur fond de guerre civile à Genosha. La notion
insulaire était un paradis qui se reposait sur l’exploitation des mutants.
Après l’intervention musclée des X-Men, le pays avait commencé à changer, mais
les vieilles haines sont tenaces. Et quand Fabian Cortez, ancien Acolyte deMagneto (ce dernier venait de se faire lobotomiser par Xavier, ça va vous
suivez ?) débarque, il n’a pas de mal à encourager une violente
insurrection des mutants Genoshans. Et pour renforcer sa position il utilise
une petite fille : Luna. Celle-ci est l’enfant de l’Inhumaine Crystal
(membre des Avengers) et de Vif Argent (Quicksilver), le fils de Magneto.
On ne reviendra pas sur le scénario, consternant, ni sur l’implication du mutant Exodus. Mais plutôt sur les raisons qui ont poussé les X-Men et les Avengers à s’impliquer. Pour les mutants il s’agit de protéger Charles Xavier, à qui le SHIELD a demandé de jouer les observateurs/médiateurs. Les Vengeurs, quant à eux, veulent aider Crystal à sauver Luna. Et ils vont le faire alors même que l’ONU (dont ils dépendaient à l’époque), leur a formellement interdit de se mêler de quelque façon que ce soit du conflit Genoshan. Ils vont donc choisir d’aider l’une des leurs envers et contre tout. Ça ne vous rappelle rien cette attitude ? Pas étonnant du coup qu’eux et les X-Men se soient pour le coup trouvés sur la même longueur d’onde. Bon, il faut aussi reconnaître aussi qu’aucune des deux équipes ne voulait voir le massacre d’une partie de la population Genoshane, humaine ou mutante.
Le casse tête de la Sorcière Rouge
En fait, le seul cas
d’interaction entre X-Men et Avengers où il est difficile (mais néanmoins
possible) d’appliquer cette grille de lecture concerne House Of M et plus
largement le cas de la Sorcière Rouge
(Scarlet Witch). En effet Wanda Maximoff peut être considérée comme « des
leurs » par les deux équipes (elle est une mutante et une membre des
Vengeurs). Et les deux équipes ont des raisons de lui en vouloir. Les Vengeurs
ont souffert de son accès de folie dans Disassembled. Elle a quasiment réduit
la population mutante à néant à la fin de House Of M. Et pourtant chacune veut
tour à tour la neutraliser ou la protéger. Au départ les X-Men semblent décider
à la neutraliser (pour ne pas dire la tuer), d’abord à cause du danger qu’elle
représente, puis à cause du jour M. Mais dans Avengers The Children’s Crusade, quand
ils apprennent qu’elle pourrait rendre leurs pouvoirs aux mutant victimes du
Jour M, ils semblent changer d’avis. A l’inverse les Vengeurs semblent d’abord
enclins à protéger Wanda des élans meurtriers de Wolverine ou Emma Frost. Mais
dans The Children’s Crusade, ils semblent fermement décidés à l’arrêter.
Gageons que le dénouement prochain de la série, qui est liée à Avengers Vs
X-Men apportera les éclaircissements nécessaires. On notera simplement que dans
le cas des X-Men, c’est encore une fois clairement l’intérêt du peuple mutant
qui conditionne leur attitude (hostile ou bienveillante) vis-à-vis de La Sorcière Rouge, ce qui semble
accréditer la thèse de leur vision plus communautariste du monde. Les Vengeurs
semblent, eux, tiraillés entre loyauté et intérêt général, et choisir toujours
plus ou moins le second (même quand ils ne voulaient pas tuer Wanda, ils
n’étaient pas non plus prêts à tout lui pardonner).
Les transfuges, une autre illustration des différences
Enfin il est amusant d’observer que le deux conceptions de l’héroïsme embrassées par les Vengeurs et les X-Men transparaissent à travers l’identité de ceux qui sont passés d’une équipe à l’autre. Car c’est probablement en termes de personnel que les deux groupes sont les plus liés. La Sorcière Rouge et Vif Argent, avant de rejoindre les vengeurs au numéro 16, étaient membres de la Confrérie Des Mauvais Mutants de Magneto. Et surtout ils sont les enfants du maître du magnétisme. Wolverine, Captain America et Black Widow ont aussi une histoire commune qui remonte à la Seconde Guerre Mondiale (voir Uncanny X-Men #268 notamment, ainsi que Wolverine Origins #16 à 20). Enfin Malicia (Rogue), du temps où elle était membre de la seconde Confrérie Des Mutants avec Mystique, a volé les pouvoirs et les souvenirs de l’Avenger Miss Marvel (Carole Danvers) avant de trouver refuge auprès des X-Men quand elle a voulu s’amender.
Mais les quatre cas de réels « transfuges » d’une équipe à l’autre sont particulièrement révélateurs. Le premier fut Le Fauve (Beast), qui devint un Vengeur dansAvengers #137 (titularisé au #151). Il a depuis multiplié les allers-retours entre les deux équipes, mais il est intéressant de noter que le dernier en date (pour intégrer les Secret Avengers) a été motivé par son désaccord avec la politique de Cyclope. Cependant c’est plus l’existence des assassins d’X-Force que l’aspect isolationniste qui l’a décidé. Quoi que… Il semble accepter l’idée que Wolverine (qu’il a suivi après Schism) continue de diriger X-Force. Wolverine qui fut d'ailleurs le deuxième transfuge. Dans son cas la politique « les mutants avant tout » de Cyclope ne le gène pas, mais il est tout de même à noter que lui aussi a eu un désaccord idéologique profond avec les leader des X-Men (le fameux Schism, sur le rôle à donner aux jeunes mutants : soldats ou enfants). Et qu’il a fini par quitter l’équipe mutante. Il sera, à n’en pas douter, au centre des évènements pour Avengers Vs X-Men. Enfin Tornade (Storm) est la dernière mutante en date à rejoindre les Vengeurs. Là encore elle l’a fait pour une raison extérieure (Cap America le lui a proposé sur les conseils deBlack Panther, époux de Storm). Mais là encore c’est une personne qui désapprouve la politique de Cyclope (même si elle est restée sur Utopia pour jouer les contre pouvoirs en interne) qui rejoint les Avengers.
Dans l’autre sens le seul cas de passage des Vengeurs aux X-Men est Namor. Logique finalement. Le monarque Atlante a toujours fait passer les intérêts de son peuple avant tout, même lorsqu’il s’alliait avec les Vengeurs. Alors une fois qu’il a été convaincu que les mutants étaient aussi « son » peuple, quoi de plus logique que de le voir les rejoindre, sa vision étant la même que celle de Cyclope.
Avengers vs X-Men c’est donc plus que l’affrontement de deux groupes de superhéros. C’est le conflit entre deux visions de l’héroïsme, et même du monde. Les Vengeurs sont les protecteurs de l’humanité au sens le plus large possible, et feront (presque) toujours passer l’intérêt général avant tout. Les X-Men, s’ils protègent eux aussi l’humanité dans son ensemble, ne perdent jamais de vue que leur première préoccupation est la défense peuple mutant, sa survie. Et pour cela ils affronteront n’importe qui. Même les Avengers.
Merci au site uncannyxmen.net pour de précieuses références, et plus précisément au très bon article X-Men & Avengers : Outlaw Heroes Vs The Earth’s Mightiest
