Ce qui suit est un document aussi rare que précieux, offert par Paul Renaud, que vous connaissez tous pour son travail magnifique que Marvel et Dynamite, entre autres. Mais avant d'être un dessinateur connu et reconnu, Paul était avant tout un amoureux de la Bande Dessinée et d'un auteur en particulier, qui a nous a quitté Samedi 10 Mars à l'âge de 73 ans : Jean Giraud.
Un immense merci à Paul de nous avoir partagé un tel trésor et à Moebius d'avoir été le plus grand auteur de Bande Dessinée de tous les temps. Trève de bla-bla, place au(x) maître(s) et aux souvenirs, émus :
Paul Renaud : "J'ai réalisé cette interview en 1996 pour le fanzine Black Out auquel je
participais. L'album Mister Blueberry venait de paraître, et Jean
Giraud avait généreusement accepté de m'accorder de son temps. Le
rendez-vous était pris. Ce n'était pas la première interview que je
conduisais du haut de mes vingt ans, mais je peux avouer aujourd'hui que
j'étais très effrayé à l'idée que ce géant ne me déçoive. Je n'étais
qu'un jeune fanzineux comme tant d'autres, habitué à me faire promener
par des auteurs qui avaient finalement souvent mieux à faire. Mais
c'était mal connaître Jean Giraud.
La seconde partie de l'interview s'est faite par téléphone, et on peut
noter l'absence de cet enthousiasme candide qui caractérisait si bien
cet homme. Bien que charmant, ses propos étaient moins enjoués que
d'habitude. C'était juste un mauvais jour comme on en a tous. Très
embêté, il s'en était excusé à la fin de notre conversation, comme si
c'était inacceptable de ne pas donner le meilleur de soi.
Quelques mois plus tard, lors du festival d'Angoulême, je décidais
de lui remettre un exemplaire de ce numéro de Black Out fraîchement
imprimé. Il était en pleine discussion avec les responsables de Dargaud,
et cela ne me dérangeait pas d'attendre autant qu'il le fallait. Sans
même l'avertir, quelqu'un vint m'aboyer dessus "monsieur Giraud n'a pas
le temps de vous voir", me voyant aussi pathétiquement me faire refouler
le fanzine à la main par les responsables du stand, il intervint " Ah
c'est génial, montre-moi ça!"...et se mit à papoter pendant 10 minutes
avec moi pendant que les gros bonnets de Dargaud tiraient une gueule pas
possible.
Quelques mois après, je reçois un coup de fil un matin. Un de mes
courriers contenant des questions supplémentaires s'était perdu, et il
venait juste de le recevoir. Il appelait pour y répondre. Bien sûr, le
fanzine était déjà paru. Avec son enthousiasme inimitable, il me lance
"ça t'intéresse toujours d'entendre les réponses?"
Voici donc l'interview telle qu'elle est parue à l'époque.
Pardonnez la vénération juvénile qui dégouline de mes questions
Pour moi il était le plus grand, l'alpha et l'omega de toutes mes aspirations en matière de BD. Il l'est encore à ce jour."