Supercrooks c’est le dernier né du Millarworld, l’ « univers » du prolifique scribe écossais publié chez Icon, la ligne creator owned de Marvel. Mark Millar (Civil War, Kick Ass) retrouve pour l’occasion Leinil Yu (Secret Invasion, Wolverine) avec qui il avait déjà collaboré sur Superior (déjà chez Icon). Alors que vaut ce nouveau titre, surement destiné à être un jour adapté à l’écran.
La prémisse est à la fois simple et géniale : des supers vilains, las de se faire coffrer par des super-héros, décident de faire un casse là où il n’y a pas de justicier en collant pour les embêter. Et là on se dit « comment personne n’y a pensé avant ? » (ce qui est un peu injuste car certains y avaient pensé, notamment Brian Vaughan avec le Wrecking Crew dans Runaways). Mais une bonne idée ne fait pas forcément une bonne histoire.
Les supers affranchis
Heureusement, pour l’occasion, le très inégal Millar est dans un grand jour. Déjà il met en place un univers extrêmement intéressant et vivant. Le petit monde des supers criminels qu’il dépeint a un petit côté « réaliste » très agréable, à l’image de ce qu’Ed Brubaker avait pu faire dans Sleeper. On a vraiment l’impression de plonger dans le « milieu », comme dans un bon polar, qu’on soit pendant un casse, dans les bureaux d’un casino ou même en prison. Le numéro est d’ailleurs bien rempli niveau scénario mais pas surchargé, ce qui est agréable.
Mais surtout les personnages qu’on rencontre sont on ne peut plus attachants. Johnny Bolt, le principal, est une petite frappe à la fois minable et charismatique. Beau paradoxe. Il n’est en aucun cas un génie du crime, mais on le sent aussi loin d’être idiot. Et il est franchement sympathique. La paire qu’il forme avec sa fiancée/future femme Kasey fonctionne à ce titre on ne peut mieux. Ajoutez à cela un mentor qui a besoin d’un coup de main pour régler ses dettes de jeu (la raison derrière le fameux casse), et on a une base des plus attrayantes. Si bien qu’on est assez impatient de rencontrer le reste du gang au prochain numéro.
Yu Win
Au dessin Leinil Yu est aussi en très grande forme. L’artiste livre une prestation digne de Secret Invasion. Son style naturellement « sale » est un peu toiletté, plus clair, sans que disparaissent ombres et hachures. Le trait est net et encré avec soin par Gerry Alanguilan, les couleurs de Sunny Gho à la fois sobres et lumineuses. Les designs des personnages sont plutôt inspirés, tentant de donner un côté réaliste aux costumes chamarrés des super-héros et vilains, notamment en assumant ce qu’ils peuvent avoir de ridicule (voir le justicier The Gladiator). Les mises en page enfin sont très cinématographiques, avec beaucoup de cases cinémascope, ce qui colle bien au style de Millar.
Supercrooks s’annonce donc comme une excellente mini. Partant d’une prémisse géniale, ce premier numéro nous fait découvrir un univers attirant et des personnages attachants. Et le scénario lui-même devrait nous tenir en haleine. Bref c’est du très bon polar/film de braquage, version super pouvoirs. Et Leinil Yu est plus en forme que jamais, pour le plus grand plaisir de nos yeux. Vivement la suite.