C'est
comme si les bons auteurs se sentaient obligés de multiplier les
séries au fur et à mesure que leur succès gonfle. Ainsi la semaine
dernière sortait Secret #1, deuxième série régulière chez Image
cette année pour Jonathan Hickman qui abat déjà un travail
monumental pour Marvel. Secret parle de manipulation, de sécurité,
d'escroquerie de haut vol... Un programme chargé que le nom du
scénariste et le titre de la série laissaient à eux-seuls
entrevoir. Un programme qui n'est cependant pas sans rappeler celui à
l'affiche du Thief of Thieves du non moins occupé Robert Kirkman.
Pourtant, il apparaît rapidement que si les deux titres partagent
des thèmes en commun et les routes sur lesquelles ils nous embarquent
bifurquent très rapidement.
D'entrée
de jeu la violence du titre saute aux yeux. On est à Arlington, en
Virginie, chez un certain M. Dunn. Le pauvre bougre est surpris dans
son sommeil par un assaillant aussi inquiétant que courtois. L'homme
est sérieux et le laisse savoir au moyen d'une démonstration de
force à la fois physique et psychologique. De là l'action se joue
en trois temps et se dévore d'une traite.
Les différents acteurs se
mettent en place au sein d'une narration bien plus linéaire que
celle de Thief of Thieves mais aux enjeux bien différents. Bien sûr
on n'en apprend pas des masses sur l'histoire. Juste assez pour avoir
envie de revenir au prochain épisode. Mais le peu qu'on nous en
donne est bien construit et se trouve servit par des dialogues qui en
disent long sur les personnages. Malheureusement on anticipe dès la
septième page le rebondissement faisant office de cliffhanger. Le
ressort scénaristique employé est tellement commun qu'on en vient à
penser que Hickman s'en sert afin de pousser le lecteur à relâcher
son attention. A voir.
Si
l'écriture est fine, les dessins ne sont pas en reste. Loin s'en
faut. Le trait de Ryan Bodenheim (que j'ai personnellement découvert
sur cette série) est magistral. Le dessinateur est fait pour conter
ce genre d'histoires. Son style s'adapte parfaitement à l'atmosphère
qui se dégage de l'histoire. Et si les dessins servent à la
perfection la trame, les couleurs viennent enfoncer le clou !
Michael Garland emploi rarement plus de deux teintes par plan. Tout
se joue dans les contrastes. Le jeu de couleurs dispense le scénario
de toute narration externe à l'action. Le rouge qui vient assujettir
le noir et le gris d'une maison au repos. Le vert, le jaune et le
bleu qui s'entrechoquent au milieu de débats « corporate ».
Rarement le choix des couleurs a autant fait sens.
Secret est le fruit d'une collaboration sans faille entre un scénariste qu'on n'a pas fini d'aduler, un dessinateur à sa place et un coloriste qui a transcendé son job. La violence de l'histoire, que l'intro et l'interlude nous offrent sous sa forme brute, se cache le long du récit dans des détails qui font vibrer lorsqu'on met le doigt dessus. Ce premier numéro rempli avec brio son rôle d'introduction à une série dont on est en droit d'attendre beaucoup.