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Fatale 1 - La Mort aux Trousses, la review

Fatale 1 - La Mort aux Trousses, la review

ReviewDelcourt
On a aimé• Retrouver un duo aussi talentueux
• Une ambiance terrifiante
• Faire original avec de vieilles recettes
On a moins aimé• La disparition des bonus originaux
• Découvrir qu'en fait, c'est encore mieux en recueil
Notre note

Voir Ed Brubaker et Sean Phillips en même temps sur la couverture d'un comics, c'est presque devenu une habitude, à croire que les deux sont siamois. Mais quand on connait leur pedigree, c'est presque les yeux fermés qu'on s'empare de leur nouveau projet. Une crainte cependant jailli, pourront-ils faire toujours aussi bien, ou va t'on finalement assister à leur premier échec ?

"Pourquoi les hommes sont-ils aussi bêtes ?"

Lire une histoire écrite par Ed Brubaker et illustrée par Sean Phillips, c'est un peu comme rentrer à la maison, bien au chaud et mettre ses charentaises pour lambiner devant le feu de cheminée. Surtout quand ils se remettent à refaire du bon vieux polar noir à l'ancienne qu'ils ont sus magnifier avec les différents tomes de Criminal. On a l'impression qu'après l'incartade (géniale au demeurant) d'Incognito, ils retournent en terrain connu. Qu'on se le dise tout de suite, l'un comme l'autre n'ont pas perdu la main, l'intrigue est aussi nébuleuse et passionnante que possible, et l'ambiance créée par Phillips est incroyablement prenante, ses cadrages cinématographiques nous plonge au plus près de l'intrigue tandis que les ombres lézardent les pages pour épaissir le mystère inquiétant qui se trame ici.
 
Oui mais voilà, le scénariste de Winter Soldier n'est pas là pour que vous vous complaisiez dans le confort, il aime prendre les chemins de traverse, il aime prendre le risque de s'emparer d'un genre bien défini et de l'emmener ailleurs. Car ici, si on a l'impression au début qu'on est en terrain conquit, progressivement on évolue vers quelque chose d'encore plus étrange, plus malsain aussi. Prenez Joséphine, elle est le type même de la Femme Fatale, celle que l'on croise dans tout polar qui se respecte, celle dont la longueur des jambes force le privé à prendre une affaire qu'il n'aurait jamais accepté s'il avait tous ses moyens. Au premier abord, c'est vrai qu'elle rentre tout à fait dans cette catégorie, mais au fur et à mesure que les pages se tournent, le mystère s'épaissit pour ne laisser qu'une seule certitude, elle n'est en aucun cas celle que l'on croit ! Et Walt alors ? Véritable lieu commun, le flic blasé qui en a trop vu, un peu bourru, totalement corrompu et qui attend que temps se passe. Sauf qu'il en sait bien plus qu'il ne semblerait au premier abord, bien plus que nous en tout cas.



"La vie ne s'est pas déroulée comme prévue"
 
Le grand tour de force que va réaliser Ed Brubaker ici, c'est instillé dans le genre fort et extrêmement codifié du polar noir des éléments d'un genre tout aussi, a priori, immuable, celui de l'horreur. Pas celle débridée à la Evil Dead mais celle plus insidieuse et qui distille ses moments de gore avec parcimonie pour en tirer tout l'aspect insoutenable, à la manière d'un Alone in the Dark (les premiers, pas le dernier en date qui laisse plus que circonspect). Car Brubaker va livrer une véritable lettre d'amour à H. P. Lovecraft. Il introduit dans son terrain de jeu favori les ingrédients qui ont fait le succès de l'auteur misanthrope, une organisation tentaculaire, une menace ésotérique qu'on ne parvient jamais à cerner et surtout le sentiment que nous ne sommes ici que poussière et jouets pour des forces obscures qui nous dépassent. Cela de manière très subtile, par petites touches impressionnistes. On est d'ailleurs frappés par l'incroyable harmonie que parvient à instituer le scénariste, les deux genres se mariant à la perfection sans jamais prendre le dessus l'un sur l'autre. Et quand le dessinateur se met au diapason, alors on ne plus que faire le constat que le chef-d'oeuvre est au tournant.
 
Delcourt tient donc ici un bijou qu'ils livrent dans un écrin superbe d'une édition qui comme toujours chez eux est d'une superbe qualité. D'autant plus que vu la complexité de la narration, cette série s'apprécie encore mieux en recueil (pour avoir lu une première fois la série en single VO, c'est un constat quasi évident). Le seul regret qu'on pourrait avoir, c'est d'avoir perdu dans cette édition, les petits essais qui bouclaient les numéros originaux et qui permettaient de mieux saisir les influences d'Ed Brubaker et même parfois de découvrir des auteurs qui n'ont pas bien traversés l'Atlantique. Mais l'ensemble est bien fini et imprimé sur un papier de grande qualité, on apprécie le geste.



C'est donc un incroyable tour de force que livrent ici les deux compères, qu'on pensait connaître sur le bout des doigts et qui pourtant arrivent à nous surprendre encore. En plus, quand c'est fait avec une telle maîtrise et un tel talent, cela se dévore d'une traite. Une lecture qui marque longtemps après la dernière page. On se demande jusqu'où ils iront dans ce projet tant il semble immense, mais nous on est prêt pour signer pour plusieurs années si cela reste du même niveau.

Alfro
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