Les temps
changent, et pas que pour l'UMP. Marvel semble décidément bien
déterminé à aller de l'avant et se repositionner sur le marché
quitte à donner un gros coup de lifting à ses icônes, et ce sans y
aller avec le dos de la cuillère. Fini l'ère des espions aux
missions para-politiques qui font dans le polar. L'époque est à
nouveau aux super-héros. Iron Man va tutoyer les extra-terrestres et
se la jouer Han Solo, Daredevil a quitté les ruelles glauques de
Hell's Kitchen pour se reconvertir en globe-trotteur qui perd la
boule plus qu'à l'accoutumée... Cap' lui s'en va tâter de la
créature outre-dimensionnelle et titiller les nerfs d'un Arnim Zola
qui en a fini avec les plans de conquête de l'Amérique du Crâne
Rouge et s'est tourné vers des activités bien plus dignes du savant
fou qu'il est. Vous l'aurez compris, le Captain America de Rick
Remender saute à pieds joints dans Marvel Now! et ça sent bon le
neuf.
A peine en a-t-il fini de torturer ses Uncanny
X-Force que Remender a trouvé une nouvelle victime. Etre écrit par
le créateur de Fear Agent (que ceux qui sont passé à côté
peuvent dès maintenant pré-commander intégralement en deux énormes
volumes ici et là) n'est jamais de bon augure pour les personnages
de Marvel. Captain America ne dérogera manifestement pas à la règle
et ce n'est pas pour nous déplaire ! Le scribe ouvre fort. De
l'enfance pas des plus poilantes de Steve dans l'Amérique en crise
des années 30 aux confins de la Dimension Z, on manque de
s'effondrer tellement le récit est frénétique et laisse peu de
temps pour souffler tant au super-soldat qu'au lecteur.
Remender
rentabilise les 20 pages mises à sa disposition pour relancer ce
titre phare comme peu d'auteurs sauraient le faire. Il alterne
passages intimes et action totalement débridée de la façon la plus
naturelle qui soit. Très vite, il pose les bases de sa version du
personnage. Derrière le super-héros qui envoie des avions dans
l'Hudson et prend des trains pour d'autres dimensions se cache Steve
Rogers, un homme qui comme vous et moi a eu une enfance et doit
jongler entre ses obligations professionnelles et sa vie privée.
Sauf que sauter d'un avion qui pique du nez sur Manhattan tout en
tabassant un éco-terroriste maniaque est certainement le moment le
plus simple de la journée type du gaillard. Loin de lui permettre de
souffler, sa vie sentimentale est certainement le combat qu'il est le
moins bien armé pour affronter. Loin d'être un modèle, son père
est l'antithèse des valeurs que la sentinelle de la liberté défend
au quotidien.
Passer après 8 années d'un run ovationné par
un Ed Brubaker au top de sa forme créatrice était un pari risqué pour
Rick Remender. Fort d'un parcours sans faute depuis son arrivée à
la Maison des Idées, le scénariste a misé gros en acceptant
Captain America à ce moment précis. Se tromper maintenant lui
aurait certainement valu les foudres de hordes de fans enragés
(j'exagère peut-être un peu). En faisant prendre à la série un
virage à 1260° (ou plus simplement à 180° mais il y est quand
même allé fort alors...) Remender a adopté la meilleure stratégie
possible et l'a appliquée à merveille.
Passons maintenant à
la partie qui fâche. Les dessins. Romita Jr est un artiste qui
divise. N'étant pas moi-même un grand fan du bonhomme, je me dois
d'avouer qu'on n'a pas affaire au pire travail du gus. Forcément,
avoir Klaus Janson et Dean White derrière soi, ça aide. Mais tout
de même, malgré quelques têtes en forme de ballon, l'anatomie des
personnages s'en sort globalement intacte et les corps sont moins
anguleux qu'ils ne pourraient l'être sous le trait du dessinateur.
Surtout, il traduit réellement bien l'ambiance action/SF recherchée
par le script de Remender. Quand ça pète de partout on comprend
immédiatement ce qu'il se passe, lorsqu'on arrive dans un autre
monde on s'imagine instinctivement le climat dans lequel le héros
vient de mettre les pieds... Alors oui, les couleurs de White y sont
pour beaucoup. Mais sur ce titre Romita Jr est peut-être un choix
moins déplorable que certains pourraient le penser au premier abord.
Captain America #1 est une introduction fun à lire qui
annonce une nouvelle ère que je ne suis pas le seul à espérer longue. A la fois unique en
son genre et caractéristique de ce que l'initiative Marvel Now! peut
apporter de meilleur au paysage du mainstream comic, cet épisode est
un nouvel exemple du grand talent de son auteur. A mettre entre
toutes les mains !