Jeff Lemire
s'est mis à l'aise du côté de la Distinguée Concurrence. Il y
fait entrer ses amis et multiplie les projets. A première vue
l'annonce de son arrivée à la tête de Green Arrow avait de quoi
surprendre. Son travail chez DC se limitant aux coins sombres de
l'univers que Batman et Superman partagent et ses productions indé
ne criant pas non plus « super-héros », on pouvait se
demander si c'était bien là une bonne idée. Le génie canadien
promettait du polar-street-super-héroïque dans les interviews
précédant la publication de son premier épisode sur la série, ce
qui a le mérite de bien sonner sur le papier. Si nous n'y sommes pas
encore tout à fait, tout n'est pas à jeter, et pour Green Arrow
version New 52 c'est pas rien.
« Now I'm no one »
On nous a
promis l'équivalent d'un #1 pour ce #17. Pour arriver à ses fins,
l'auteur de Animal Man n'y va pas de main morte. Reléguant toute sa
subtilité au placard, Lemire balaie d'un revers de la main tout ce
qui faisait de Ollie celui qu'il était dans les New 52. C'est
tellement radicale que c'en est presque triste pour les scénaristes
ayant officié sur les 16 premiers numéros. On nous a promis que
tout irait vite. Les bâtiments explosent, les os se brisent, les
flèches fusent. Comme promis on entre dans le vif du sujet sans
perdre de temps. Un rythme qui aurait peut-être gagné à être plus posé.
Pour peu
qu'on ait vu un épisode de Arrow ou qu'on connaisse le personnage
même de loin, on est effectivement à l'aise avec la situation à
laquelle on a affaire. Pas besoin d'avoir lu un seul numéro de la
série pour comprendre que pour Oliver, ça va pas. Le problème
c'est qu'on a du mal à le plaindre le bougre. C'est peut-être
intentionnel, mais l'impossibilité de s'investir sur le plan
émotionnel dans ce premier épisode m'a posé problème. Des gens
meurent, un ennemi impitoyable brise notre héros, et pourtant rien
n'y fait. La situation aurait gagné
à trainer un peu plus en longueur.
« A true archer doesn't need gimmicks »
Au-delà de
ça, l'intrigue bien que traditionnelle reste engageante. On est ici
à l'exacte opposé de ce que Matt Fraction livre sur Hawkeye et c'est pas
plus mal. Quand les aventures de Clint Barton sont des plus intimes,
on a ici du super-héros urbain avec des ennemis qui se veulent
charismatiques et une intrigue qui mise sur le long terme. Les plans
de Lemire pour la série donnent envie de le suivre au moins sur la
première année et permettent aux deux comics ayant pour
protagoniste un blond avec un arc de cohabiter sur les étals sans
problème.
Mais Jeff
Lemire n'est pas seul aux commandes de la série, et si Green Arrow
fini par devenir un incontournable, il y a fort à parier que Andrea
Sorrentino n'y sera pas pour rien. N'ayant pas lu I,Vampire, je
découvre l'italien ici et damn! ce que c'est beau... La plus grande
force de l'artiste vient sûrement du fait qu'il s'encre et colorise
lui-même son travail. Le trait est fin, les couleurs délicates et
sombres à la fois. Si le scénario est à milles lieux du Hawkeye de
Fraction, la partie visuelle rappelle férocement aux aventures de
l'archer de Marvel.
Des couleurs
subtiles au découpage nerveux, il semblerait que l'industrie soit
arrivé à un consensus sur la meilleure façon de raconter les
aventures d'un archer. Le talent du dessinateur lui permet de livrer
des pages riches en détails au point que le lecteur se sentira
parfois dépassé par les événements et devra revenir en arrière
pour saisir pleinement ce qu'il vient de voir. Si j'avais pensé à
un défaut au premier abord, cette approche a beaucoup de sens pour
des combats d'archers à bien y penser.
Green Arrow #17 fait office de début des plus engageants. Si l'écriture de Lemire n'est pas encore exceptionnelle, elle pose des bases qui annoncent une série qui sera rythmée à grands coups d'aventures urbaines musclées. S'il faut encore attendre un peu pour pouvoir lancer des louanges au script, le travail de Sorrentino aux dessins est déjà au top et présage de grosses pépites visuelles pour l'avenir.