Annoncé en toute discrétion lors de la Kapow Comic Con en 2011, Snapshot d'Andy Diggle et Jock occupait le haut de notre liste d'attente depuis de longs mois maintenant. Entre sa prépublication en Grande-Bretagne au sein de Judge Dredd Magazine à sa sortie internationale mercredi dernier, les créateurs de The Losers ont su façonner un teasing aussi subtil qu'efficace. Presque deux ans après son annonce, cette mini-série en 4 parties dévoile aujourd'hui un quart de son histoire au sein de 24 pages au parfum d'intelligence et de beauté, de quoi vous donner envie de décrocher votre cape et vos collants pour vous intéresser au quotidien sombre et violent de mystérieux hommes en noir...
Déçu par son aventure chez Marvel, Andy Diggle nous confiait il y a 2 ans maintenant ne pas être fait pour les Comics mainstream (comprenez "les Comics de Super-Héros"). Pourtant, à l'aube de prendre en charge les aventures de Superman sur Action Comics, le plus Britannique des scénaristes s'offre un exutoire avec son compère de toujours, Jock. Et Snapshot, c'est avant tout un excellent pitch :
"Jake Dobson est un nerd tout ce qu'il y a de plus normal lorsque, un matin, il trouve par hasard un smartphone en se rendant sur le chemin du Comic-Books shop où il travaille. Très vite, il s'aperçoit que ce même smartphone ne contient qu'un contact et une seule photo, celle d'un homme abattu, la main coupée. Puis, le téléphone sonne..."
Là où ce plot semble pourtant être vu et revu, les auteurs trouvent les ressources pour conter une histoire aussi dynamique qu'angoissante, véritable fuite en avant d'un Monsieur tout-le-monde qui sera vite dépassé par des évènements aussi dangereux pour sa vie que pour celle de son entourage. Manquant de courage, Jake rappelle d'ailleurs pendant un temps la création d'un autre Britannique chez Image Comics : Wanted de Mark Millar. Refusant de prendre son destin à bras-le-corps, le "héros" de Snapshot endosse rapidement le rôle de suiveur avec son collègue, bien plus à l'aise avec l'inconnu et les hommes armés. S'en suit un déroulement aux confins de l'étrange où se mélangent jumeaux, conspiration et leitmotiv absurde jusqu'à un cliffhanger qui devrait vous décoller la mâchoire.
Le ton est donné : Snapshot ne dure que quatre numéros et n'est pas là pour faire des concessions. Entre ultra-violence et fuite en avant d'un héros auquel on peut/doit s'identifier, les auteurs ne donnent pas ici dans la réflexion philosophique mais n'abandonnent jamais l'intelligence de leur récit sur le bas-côté. Là où le même pitch aurait donné une bessonade en bonne et due forme dans les mains d'un autre, la talent et l'expérience des deux Britanniques font la différence et offrent ce petit truc en plus qui permet à la série de décoller et de se démarquer de ces actioners fourre-tout.
Evidemment, un titre de Jock n'est jamais un comic-book comme les autres. Véritable maître dans l'art du découpage et monstre de personnalité artistique, le dessinateur et ami de Scott Snyder (Sombre Reflet, back-ups de Death of the Family...) s'empare ici à merveilles de la spécificité principale de Snapshot : le Noir & Blanc. Jouant sur les noirs et sur son encrage avec une aisance fabuleuse, l'Ecossais prouve une fois de plus faire partie des tout meilleurs. Amoureux de couleurs, rassurez-vous, l'ambiance monochromique du titre fonctionne de la première à la dernière page et le titre y gagne sûrement plus qu'il n'y perd.
Snapshot est le premier coup de semonce d'Image Comics en 2013. Petit bijou de polar, ce premier numéro déroule un pitch aussi malin que convenu, jusqu'à une dernière page qui remet toutes vos certitudes en question. Andy Diggle et Jock ont trouvé le successeur de The Losers et nous ne pouvons qu'avoir hâte de découvrir la suite des aventures de Jake Dobson et le fin mot de son histoire. Brillant tant sur le fond que sur la forme, voilà pour vous l'occasion parfaite de délaisser les super-héros pendant quelques temps et de vous pencher sur tout ce que l'industrie des Comics a de meilleur !