Avec un mois consacré aux vilains, DC Comics ne pouvait pas se passer d'un titre consacré à l'ennemi intime de Batman, le génialement cinglé Joker. Mais qu'elle est la réelle importance de ce one-shot, et est-il vraiment de qualité ? C'est un peu cela que l'on attend d'un comics après tout, si l'on fait abstraction des décisions éditoriales qui ont pu soulever quelques polémiques.
La première interrogation sur ce titre provenait du personnage en lui-même. Disparu lors de Death of the Family, que pouvaient bien faire les auteurs de DC Comics pour pouvoir faire en sorte de parler du Clown sinistre sans empiéter sur les plans de Scott Snyder ? La réponse est simple : évoquer un épisode du passé. Car depuis les New 52, on n'a pas vraiment vu les débuts du Joker et sa lutte avec Batman. Ces cinq années qui restent encore à découvrir et qui permettent d'insérer des histoires sans avoir trop d'incidences sur la continuité actuelle. Pratique, mais cela donne à l'ensemble un aspect vraiment artificiel, une anecdote sans réelle conséquence. Pour tout dire, entre le début et la fin de ce numéro, ni le personnage ni son environnement n'ont subit de changements majeurs.
La seconde interrogation venait du scénariste en lui-même. Si on a l'habitude de louer les qualités d'Andy Kubert, c'est habituellement pour son travail de dessinateur où il excelle. Le voir en tant que scénariste est quelque peu étonnant ; c'est donc avec une certaine appréhension qu'on découvre cette histoire, car les dessinateurs qui s'essaient à l'écriture n'ont pas toujours été à la hauteur des attentes placées en eux. Mais le frère d'Adam Kubert n'a pas à rougir de sa performance, loin de là. Car si on lui a clairement demandé d'écrire un épisode sans conséquence, il arrive à livrer une interprétation du Joker saisissante. On peut être de prime abord gêné par les flashbacks dans l'enfance du vilain, car cela supprime toute idée d'un vilain amnésique au passé depuis longtemps perdu et abandonné. Mais c'est tout à fait probable que cela soit une nouvelle construction de souvenirs qu'a effectué le Joker dans son délire. Ses mémoires fantasmées ont souvent été évoquées par différents auteurs, et même par Christopher Nolan dans sa trilogie sur Batman. Si l'on accepte cela, alors le récit prend tout son sens et sa force émotionnelle.
Pendant ce temps-là, Andy Clarke s'éclate sur le dessin. Faut dire que l'on sent que le scénario vient d'un dessinateur, tant le découpage est fait pour que l'illustrateur puisse donner la pleine mesure de son talent. Il est d'ailleurs marrant de remarquer que Clarke sur ce numéro adopte un style proche de celui du scénariste du jour. Avec un peu de Greg Capullo, mâtiné d'Angel Medina, le tout avec son talent naturel, ce qui donne un épisode très sombre et crasseux, qui contraste avec le délire proposé. Tout est fait pour que l'on sente monter le malaise face à cette fenêtre grande ouverte sur le délire du Joker. Il est juste dommage de noter qu'Andy Clarke ne semble pas pouvoir garder son incroyable coup de crayon tout le long d'un numéro. Certaines pages ont clairement été faites à la va-vite, et cela contraste fortement avec ses pages de hautes volées.