Si les super-héros ont toujours eu un pied dans le cinéma avec des grands classiques comme Superman ou encore Batman, un vent de fraîcheur débarque dans les salles en 2000 lorsque Bryan Singer signe le premier film sur les mutants, X-Men. Deux ans plus tard, c’est Sam Raimi qui ajoute sa pierre à l’édifice en s’occupant des aventures de Peter Parker à l'écran avec Spider-Man. C'est véritablement à partir de ce point que le grand public trouve le port du collant à la mode et prend goût à la présence de ces personnages mythiques sur le grand écran. Comme tout le monde le sait, ces deux licences connaîtront des suites plus où moins réussies (à croire que le chiffre trois porte malheur) et d’autres personnages suivront le mouvement comme Daredevil, Elektra, Hulk, Ghost Rider ou les Quatre Fantastiques. Et clairement, dans cette (très) longue liste, rares sont les films qui resteront dans l'histoire pour leur qualité et certains ne se laissent même pas regarder face à Bernard de la Villardière le dimanche soir.
Mais en 2008, Marvel Studios arrive avec son plan machiavéliquement bien ficelé pour prendre au piège tous les lecteurs de comics avec leurs films; adapter sur les écrans ce qui est si cher aux plus férus des férus de superslips, la CONTINUITÉ ! Le mot est lâché ! Et pour cela rien de bien difficile, il suffit de sortir Iron Man qui met le pied à l’étrier et ouvre la porte à un seul univers pour tous les films made in la Maison des Idées. La Phase 1 de Marvel Studios se termine quatre ans plus tard dans une apothéose avec Avengers et une chose est maintenant sûre, la Maison des Idées a trouvé LA formule. Le studio de Kevin Feige a réussi un double tour de force en créant des films de qualité qui séduisent (en partie) les fans et le grand public tout en rapportant beaucoup (beaucoup) d'argent à Paramount, puis à Mickey. Il y en a pour tout le monde avec cet univers étendu et au final, rien n’est plus gratifiant qu’aller voir Avengers avec sa maman qui connait tous les secrets du Tesseract et de Loki.Évidement dès qu’une machine marche à plein régime, les yeux commencent à se fixer dessus et cherchent à la comprendre, pour la reproduire... Warner Bros., Sony et la Fox ne sont pas loin derrière et commencent à se frotter les mains en ricanant : “Nous aussi, nous allons créer nos univers partagés ! Mouhahaha !”
C’est la raison pour laquelle j’écris cet édito aujourd’hui car, en découvrant les annonces autour des prochains films super-héroïques de ces studios, je me sens déjà écrasé par tous ces éléments d’univers partagés qui n’ont, finalement, pour seuls buts que de surfer sur la vague Marvel Studios. Mais cela à raison puisqu'il serait naïf d'oublier que les studios cherchent le profit avant toute chose. Mais qu'en sera t-il de la qualité ?
Avec le trailer de The Amazing Spider-Man 2 la semaine dernière, Sony a finalement mis les pieds dans le plat en dévoilant, à demi-mots, les fondations de son "Spider-Verse" qui avait déjà été évoqué par le président de Sony Entertainment, Michael Lynton. Et il est clair en regardant ce premier trailer que le film ouvrira une tétra-tonne de portes qu'un film ne suffira pas à refermer. De plus, Sony semble terriblement ambitieux avec ses projets sur le Tisseur mais il ne faut pas oublier que la firme nippone est loin d'avoir les hanches de Disney et pourrait ne jamais se relever face à l'échec d'un univers étendu sur les écrans.
Chez la Fox, les vannes de son univers étendu seront clairement ouvertes l'année prochaine avec le film de Bryan Singer, X-Men : Days of Future Past. Le film fera le lien entre les univers de la première trilogie X-Men avec celui de X-Men : First Class de Matthew Vaugn sorti en 2011. Et le studio a voulu démontrer ses talents de contorsionniste (ou de sadique) en décidant de garder comme canonique les anciens films de la série, notamment X-Men : L’Affrontement Final qui reste encore une interrogation dans l’histoire des comics au cinéma. Et le studio a déjà prévu la suite, ou au moins des titres pour la suite, puisque la semaine dernière M. Singer a teasé son petit frère avec X-Men : Apocalypse. À cela, il faut ajouter le film X-Force qui semble avoir été annoncé beaucoup trop tôt dans le simple but de donner de la matière à cet univers qui n’existe pour l’instant pas de manière palpable. Coup de malchance et coup de génie, Hugh Jackman annonce la semaine dernière ne pas être sûr de continuer à incarner le Griffu sur les écrans, ce qu'il fait depuis 13 ans et alors qu'il est devenu le personnage central de cette univers. Il faut croire que l'australien cherche à augmenter son cachet en laissant la Fox sans autre solution...
Mais la danse de l’univers étendu n’allait pas se faire sans Warner Bros., qui a profité d’un timing en parfaite corrélation avec la fin de la trilogie Batman de Chris Nolan, pour rentrer dans la ronde. Et c’est le film de Zack Snyder, Man of Steel, sorti en 2013 qui a servi comme premier point d’entrée à cet univers DC Comics qui accueillera dès sa suite, pour l’instant nommée Batman VS Superman, le Chevalier Noir (oui, oui) mais aussi Wonder Woman, confirmée la semaine dernière avec Gal Gadot dans le rôle de l'Amazone. Et si l’on en croit les tétra-tonnes de rumeurs autour du film, la trinité ne sera pas seule puisqu’elle sera peut-être rejoint par Nightwing, Flash, Green Arrow etc… Malheureusement, la société des frères Warner s’est tiré une balle dans le pied d’entrée de jeu avec ses nombreuses (très nombreuses) séries TV. Et aujourd’hui, il me paraît évident que Warner Bros. ne sait toujours pas si elles seront canoniques avec l’univers du grand écran car si Stephen Amell, qui incarne Oliver Queen dans la série de CW, aime faire pression (dans son propre intérêt) en teasant son éventuelle implication dans cet univers en tant que membre de la Justice League, il est clair que ni lui ni Grant Gustin (Flash) n'ont la carrure pour le grand écran et Warner Bros. le sait.
Pour finir, il faut avouer que même Marvel Studios, qui s’est montré expert dans le domaine, risque d’y laisser quelques plumes. Les adaptations cinématographiques ne sont (clairement) pas faites pour nous, et par nous j’entends les lecteurs de comics, car nous ne sommes évidement que la minorité de l’audience visée par la production. Et à force de vouloir adapter toutes ses licences, Disney risque grandement de perdre la majorité de son public qui ne suivra plus entre tous les films estampillés Marvel Studios qui sortiront presque bientôt tous les 2 mois car actuellement, un film Black Panther et un film Doctor Strange sont en préparation à côté de Guardians of the Galaxy, Ant Man, Avengers X, Thor X, Captain America X, Iron Man X (auquel vous pouvez ajouter deux nouvelles séries TV, un univers partagé sur Netflix et un film Miss Marvel en développement). Appliquer une continuité dans les salles de cinéma est une arme à double tranchant et trop de films va forcement faire des victimes en cours de route d'autant plus qu'une mode ne dure jamais bien longtemps... Et c’est d’ailleurs, ce même phénomène qui fait que le grand public tombe dans les pommes à l'idée de commencer les comics face à une continuité impossible à saisir si l'on a pas la chance de glisser en plein relaunch. Et là où le comics peut s’en sortir avec son public de niche, le cinéma ne le permettra pas car, avec ses coûts de production astronomiques, l'erreur n'existe presque pas.
Et s'il est encore trop tôt pour juger de la qualité finale de ces futurs produits, force est de constater que chaque studio veut être le premier à lâcher sa bombe et son propre univers. Ce qui était à la base de simples adaptations de comics sur grand écran est devenue une véritable course à celui qui dégainera en premier son univers partagé et pour preuve les annonces de série télé du côté de chez Marvel et DC Comics (canonique ou pas canonique). Alors qu'en septembre 2013, la télévision comptait deux séries de comics, Arrow et Agents of S.H.I.E.L.D, 2014 et 2015 verront arriver presque une quinzaine de nouvelles séries ! Et je met au défi n'importe qui (même Manu) de réussir à toutes les suivre sans que son cerveau ne connaisse un sérieux burnout. Si je suis le premier heureux de voir que les comics sont devenus des figures phares de la culture populaire aujourd'hui, mes jambes tremblent à l'idée que tout ce qui a été construit aujourd'hui risque d'être étiré au maximum jusqu'à ce qu'il ne reste que des miettes de ses univers. Et si je parlais de Star Wars la semaine dernière en expliquant qu'il ne fallait pas oublier que ce genre de licences marchent avant tout pour l'argent, c'est l'uniformité et la précipitation qui sont pour moi dangereux dans ce processus de création qui cherche à bourrer plus qu'à véritablement créer. Aujourd'hui, les personnages de comics dans les salles ne servent qu'à introduire de nouveaux personnages, qui introduisent eux-même de nouveaux personnages et ceci dans un cercle sans fin.