9 ans, cela faisait déjà 9 ans que Sin City premier du nom était sorti sur nos écrans. Casting all-star, direction artistique incroyable et véritable prouesse technique pour
l'époque, le film de 2005 reste un chef d'oeuvre d'autant qu'il était
un des premiers blockbusters à s’éloigner du système de production hollywoodien
classique. C'est d'ailleurs cet éloignement qui avait poussé Frank
Miller à laisser son bébé dans les géniales mains ducontrol-freak Robert Rodriguez. À la fois producteur, réalisateur,
chef opérateur, responsable des effets spéciaux, monteur,
compositeur et cuisinier, si Robert Rodriguez avait su parfaitement
jouer sur tous les tableaux pour le premier opus, le tour operator s'est
planté quelque part et le retour à Sin City ne s'effectue pas aussi
bien que lors du 1er voyage.
Contrairement à son aîné, Sin City : A Dame To Kill For (en V.O) est composé d'une grosse trame principale (J'ai tué pour elle, le volume 2 de Sin City en Comics) et de deux plus petites histoires écrites spécialement pour l'occasion. Scénaristiquement, la faiblesse de ces deux courts est flagrante, les personnages sont mal écrits, les dialogues sont d'une pauvreté effarante et la continuité totale de la saga est complètement bousculée (on a vraiment du mal à savoir quelle histoire se passe avant l'autre, notre Manu national en deviendrait fou). Mais le pire c'est le ton de ces histoires qui dénote totalement avec le reste de l'oeuvre de Miller. La ville paraît presque propre et là ou Sin City est normalement un ramassis de ce que notre société a pu engendrer de pire, ici elle n'y doit plus sa corruption qu'a un seul être tout puissant et malfaisant encore une fois sans aucune finesse d'écriture (être méchant est apparemment son seul but dans la vie). Quant à l'histoire principale, même si elle tient un peu plus la route, elle souffre d'un important problème de temporalité, c'était déjà le cas sur le papier mais une fois à l'écran les ellipses, pour peu qu'on arrive à les comprendre, se révèlent extrêmement violentes. Il ne faut pas s'étonner si cette histoire n'avait pas été retenue pour le 1er volet, elle est nettement moins bonne que les autres. Du point de vue de l'ambiance sonore, il n'y a quasiment aucune nouveauté et nous avons droit aux mêmes thèmes et aux mêmes bruitages avec tout de même quelques variations mais on reste en terrain connu sans grande innovation.
Le salut ne viendra pas non plus,
malgré une affiche alléchante, du casting. Les rôles masculins
sont en demi-teinte et si le premier épisode avait signé le retour gagnant deMickey Rourke, on retrouve ici un personnage bouffi (même sous ses
prothèses) et qui n'a plus la rage qu'il avait il y a 10 ans. Josh
Brolin campe un Dwight bien moins convaincant que Clive Owen et je
n’évoquerais pas la performance de Bruce Willis qui tient plus ducameo que d'autre chose. Joseph Gordon Lewitt s'en sort mieux en
interprétant un personnage très sûr de lui qui cabotine énormément
(ce n'est pas le rôle le plus dur à jouer vous me direz). Il n'y a
que du coté féminin que le film trouve un semblant de réussite puisque
Rosario Dawson est toujours impeccable en Gail, que Jessica Alba va
encore faire chavirer des têtes et qu'Eva Green alterne avec maestria
entre l'amante passionnée et la femme fatale manipulatrice.
Même si la partie « artistique »
du film se révèle moins inspirée que celle de son aîné, ce qui est
le plus triste ici c'est la performance technique qui est un échec
total. Le film est techniquement à des années lumières de Sin City. Les
jeux de lumière et de contrastes sont moins réfléchis et moins
subtils qu'avant. LÃ ou Robert Rodriguez avait su habilement jouer
avec la lumière pour « détourer » complètement les
personnages (c'est un peu technique mais c'est de là que venaient les déformations
optiques et l'impression de superposition des éléments du film précédent), ici
on a l'impression d'être face à une bouillie de calques photoshop. Les
grands à -plats de blanc et de noirs (pour le sang par exemple) ainsi
que les légères touches de couleurs, qui avaient rendu uniques
certains personnages (les yeux de Becky, les cheveux deGoldie, etc.), sont ici beaucoup plus bas bâclés et manquent de
subtilité. Même les scènes d'actions se révèlent moins belles,
la violence de certains personnages (Miho en particulier) étant
nettement moins percutante. On a l'impression que tout est plus mou,
plus flou et un peu engourdi comme après la petite sieste digestive
du dimanche après-midi. La 3D se révèle elle aussi décevante,
pourtant lorsque l'on connait la carrière de Robert Rodriguez il y a
de quoi se poser des questions. Précurseur du genre (Spy Kids 3 est
un des premiers long métrages tourné intégralement en 3D
numérique) il est étonnant de voir qu'il n'a pas su l'exploiter
correctement, surtout dans un univers aussi visuel et contrasté que
celui de Sin City. Car à part 2-3 plans vu et revus de gouttes d'eau et de sang et de balles filant à tout allure, la 3D est quasiment absente du
film et tout ça sent mauvais la post-production rushée.
Là où Robert Rodriguez et Frank Miller
avaient réalisé un vrai bijou cinématographique, ils passent ici
complètement à coté de leur film et livrent un résultat
clairement en dessous du précédent et des standards actuels. Pour
voir du bon Robert Rodriguez, ressortez vos DVD de Desperado et pour du bon
Frank Miller, allez lire Martha Washington. Sin City est devenue une
personne âgée qui bien qu'auréolée d'un passé glorieux ne
changera plus et ne mérite vraiment plus que l'on tue pour elle.