Comme bien d'autres entreprises, et notamment Amazon dans quelques mois, Sony tente d'imiter Netflix et de marcher dans les pas de son succès en produisant et en diffusant une série par ses propres moyens. Adaptée des comics éponymes de Brian Michael Bendis et Michael Avon Oeming, cette série s'appelle Powers, et débarque dès aujourd'hui sur le PlayStation Network, pour un résultat mitigé.
Premier constat, la série est incontestablement fauchée. Et malheureusement, ce n'est pas spécialement rassurant quant on sait que Brian M. Bendis a lutté pendant des années pour que sa série de comic books arrive à l'écran. Assurément, le scénariste a revu ses ambitions à la baisse, et l'adaptation de Powers en guise de première série type "création originale" pour Sony n'est franchement pas une bonne nouvelle : le scénariste doit enfin souffler après plusieurs années de development hell, mais le géant nippon, lui, se gausse devant cette petite production à peine présentable en termes de réalisation et d'effets spéciaux. Et le constat est doublement amer : d'une, on est certain que Sony aurait pu amener de plus gros moyens, et deux, la série n'est pas assez mauvaise pour mériter notre dédain.
Car voyez-vous, au-delà de sa réalisation au Reflex et ses effets spéciaux créés sur After Effect (on exagère à peine) Powers est une série bourrée de charme. Le casting, tout d'abord, est d'une solidité inattendue. On croise dans cette adaptation des messieurs comme Adam Godley (le monsieur Grey Matter de Breaking Bad) ou Noah Taylor (Locke dans Game of Thrones et second couteau des blockbusters hollywoodiens) : des gueules assez connues et assez talentueuses pour captiver le spectateur. On découvre aussi une Susan Heyward (The Following) plutôt à l'aise dans le rôle de Deena Pilgrim, la nouvelle coéquipière de Christian Walker, un ancien super-héros devenu flic spécialisé dans les affaires héroïques qui est incarné par le génial Sharlto Copley.
Pour le coup, on se réjouit de voir débarquer l'acteur fétiche de Neill Blomkamp dans une production récurrente après ses apparitions ça et là à Hollywood, notamment dans le Maleficent de Disney. A peine gêné par les conditions de production, l'acteur met tout son talent et son charisme au service de la série, qui prend un bon gros coup de boost grâce au Sud-Africain. On notera d'ailleurs les efforts surhumains fournis par l'acteur pour contenir son accent si singulier, qui finit par revenir, pour notre plus grand plaisir, dans les dernières minutes de ce pilote. Mais au-delà de son charisme et de ses sonorités atypiques, Sharlto Copley livre une performance plutôt carrée en étant presque touchant dans son rôle de super-héros forcé à la retraite.
Et il fallait bien ça pour nous plonger dans l'univers complètement atypique bâti par Brian M. Bendis, à mi-chemin entre les Inhumains ou les X-Men de Marvel et l'ambiance polar super-héroïque inventée par un certain Alan Moore sur Watchmen. Pour le coup, et malgré une réalisation à la truelle, l'univers de Powers se révèle carrément accrocheur, et la direction artistique, qui fait échos aux dessins de Michael Avon Oeming, donne une certaine saveur à l'ensemble. On me souffle d'ailleurs que l'ambiance de la série gagne en intérêt grâce aux choix scénaristiques de Bendis, qui a décidé de compiler ses meilleurs idées à l'écran pour cette série mono-saison.
Mais malheureusement, même un casting solide et un univers accrocheur ne sauraient détourner nos yeux des immenses fautes de goûts en terme de réalisation et de direction artistique dans ce premier épisode. Si les pilotes sont parfois un peu écorchés par un manque de moyens évident (encore que les séries "créations originales" fonctionnent différemment), on ne peut tout pardonner à ce premier épisode. Fauché de chez fauché ou non, ce pilote a priori réalisé par David Slade (Hard Candy, Twilight Eclipse et 30 Jours de Nuit) est plein à craquer d'erreurs de débutant et semble prendre un malin plaisir à bafouer les règles de raccord les plus basiques. Un résultat tout simplement indigne des moyens disponibles chez Sony et de l'ambition de Bendis. Et c'est sans parler des effets spéciaux plutôt honteux pour une série censée mettre en scène des super-héros, même si on commence à avoir l'habitude de ce côté-là. A noter que tout n'est pas non plus à jeter dans ce pilote, puisque le fondu du sempiternel générique entre deux scènes, liées par une reprise du titre culte de New Order, Blue Monday, fonctionne assez bien, par exemple.
Série fauchée à l'extrême, Powers n'en est pas moins bien écrite et plutôt prenante. Dans sa direction artistique douteuse, la série parvient même à retomber sur ses pattes, comme lorsque la réalisation bâclée rencontre des costumes complètement délirants pour une saveur nanar' appréciable. On notera également un Sharlto Copley convaincant entouré d'un casting plein de seconds couteaux qui pourraient bien faire tenir les ambitions de Brian M. Bendis à l'écran. Vous l'aurez compris, Powers mérite un bref coup d'œil mais devra vite faire des efforts pour mériter votre pleine attention. On craint toutefois que la série n'ait pas ça sous la pédale étant donné son format de production.