La production indé' de Rick Remender est généralement pavée de petits bijoux, à même de surprendre ceux qui ne le connaissent qu'à travers ses travaux pour Marvel. Avec une écrite plus profonde et plus réfléchie dès qu'il s'attaque au creator-owned, le créateur de Fear Agent nous a récemment explosé l'esprit avec Black Science. C'est donc avec une certaine confiance que l'on a ouvert le premier TPB de Low, sa nouvelle production qui sort chez Image Comics.
Éditeur : Image Comics
Premier numéro : Juillet 2014
Nombre de numéros parus : 6
Genre : Science-fiction post-apocalyptico-philosophique
Rick Remender retrouve pour cette série le dessinateur brésilien Greg Tocchini avec qui il avait déjà collaboré sur Last Days of American Crime. Cependant, l'aspect polar est complétement absent de cette œuvre et il nous plonge dans un futur bien plus lointain que celui de Last Days, un futur où l'apocalypse a déjà eu lieu depuis un moment. Les dérèglements climatiques et le soleil qui gagne sans cesse en volume a poussé l'humanité à se retrancher dans des villes sous-marines pour se prémunir des radiations qui balayent désormais la surface.
Mais après des années à se cacher dans les abysses, le genre humain est plus proche que jamais de l'extinction puisqu'il ne reste plus que deux villes sous-marines (sauf que...) et que l'air de celles-ci est de moins en moins bien recyclé. Remender pose le contexte : les humains vont mourir dans les prochaines années. Que ce soit à cause du Soleil qui explosera définitivement ou l'air empoisonné qui tuera tout le monde, l'avenir qu'il nous dépeint ne laisse que peu d'alternatives, et aucune n'est réjouissante.
Sauf que Remender a ici un plan plus vaste, qu'il expose dès la préface en nous mentionnant le nihilisme qu'il a chevillé au corps. Conscient de l'inéluctabilité de la fin de la race humaine, il explique qu'il lui a fallu faire un véritable travail sur lui-même pour accepter cet état de fait tout en affichant une volonté optimiste. C'est ainsi qu'il va introduire dans ce monde nouveau le personnage de Stel Caine, exploratrice qui est l'incarnation même de l'optimisme, dont le but est de découvrir de nouveaux mondes habitables pour l'humanité et sa famille.
Comme une sorte de profession de foi, Remender va mettre sur le chemin de son héroïne les pires épreuves possibles. Le scénariste va décider, comme certains éprouvent la foi de leurs ouailles, de confronter la conviction presque aveugle de Stel en un avenir meilleur à la dure réalité dans ce qu'elle a de plus cruelle. Appuyé par ce monde aquatique aussi impitoyable qu'effrayant, il déroule une histoire qui semble illustrer à merveille comment les événements peuvent s'enchaîner dans la pire des configurations possibles.
Rick Remender a d'ailleurs à cœur de faire résonner son histoire avec sa réflexion sur l'optimisme, plaçant régulièrement dialogues "philosophiques" et paraboles lourdes de sens, tout en ne négligeant jamais l'aspect aventure de son récit. Car c'est avant tout une série de science-fiction à l'imaginaire totalement libéré, bien aidée par un Greg Tocchini qui s'amuse visiblement dans cet univers aussi aquatique que futuriste, bien loin des standards visuels de la SF d'aujourd'hui.
Sous-marins semi-organiques, monstres abyssaux et armures que l'on se passe de génération en génération, voilà ce qui peuple l'univers dans lequel se déroule cette aventure qui avance tambour battant. Faisant part égale à la réflexion et à l'aventure, Remender livre un récit qui tout en nous divertissant, ramène des questions primordiales sur la place de l'Homme, les liens familiaux et la puissance performative de la volonté. S'ils n'atteignent pas les sommets de Black Science, Remender et Tocchini nous offrent ici une série des plus réjouissantes et qui démontre encore que le scénariste de The End League est comme un poisson dans l'eau quand il s'agit de faire de la SF porteuse d'un message. Du grand art.