On a aimé• Kristen Ritter, fabuleuse dans son rôle
• Tout comme Mike Colter
• Une écriture et un propos au dessus du lot
On a moins aimé• Des scènes d'action d'un autre temps
• Un casting très inégal
• Certains épisodes en forme de remplissage
Notre note
• CRITIQUE GARANTIE SANS SPOILERS. •
Seconde série Marvel Studios à venir garnir le volumineux catalogue de Netflix, Jessica Jones emporte dans son sillage énormément de promesses. Premièrement, celle d'adapter un personnage quasi-inconnu du grand public, à partir d'une série culte très adulte du nom d'Alias, qui fonctionne d'ailleurs très bien en comics aux côtés de l'autre run majeur de Brian M. Bendis, qui avait servi de base à la série Daredevil. De plus, c'est l'occasion pour Kevin Feige et les siens de dégainer une série qui met en scène une héroïne (loin d'être "super"), elle-même entourée de femmes fortes et de personnages féminins de qualité, en plus de la menace David Tennant et de son amour (littéralement) intransperçable pour Luke Cage, campé par un Mike Colter tout bonnement excellent.
Annoncée au même moment que la série consacrée à Matt Murdock, Jessica Jones a tout de suite interpellé les fans que nous sommes, curieux de voir si Marvel Studios serait capable d'aller au bout de son idée et d'adapter réellement Alias (et toute sa crasse) sur petit écran. Qu'on se le dise de suite : c'est plutôt le cas. Et si ça ne l'est pas totalement, c'est notamment parce que la direction artistique de la série joue moins la carte du New-York dangereux la nuit, comme on avait pu le découvrir dans Daredevil. C'est d'ailleurs un mal pour un bien, puisque comme le savent ceux qui ont déjà eu la chance d'y mettre les pieds, la grande pomme a autant de facettes qu'il est permis de les imaginer, de jour comme de nuit. À côté de cette considération purement graphique, Jessica Jones ne fait que très peu de compromis.
Forcément ancrée sur ses personnages féminins, la série n'hésite d'ailleurs pas à développer plusieurs histoires autour de chaque personnage qui aura la lourde tâche d'accompagner Jessica dans son combat de longue haleine face à Killgrave, des histoires aux structures souvent classiques (le triangle amoureux, lesbien cette fois, le voisin junkie et j'en passe) qui brillent tout de même par leur efficacité.
Autre point fort de la série : Krysten Ritter dégage une sensibilité à en crever l'écran, parfaitement seule et minée par ses addictions dans cette ville qui la dépasse, rongée par des crises d'angoisse et une paranoïa dont elle ne pourra se séparer avant d'avoir réglé le compte de celui qui prend son pied à la menacer. Ajoutez à ça une love-story qui n'en fait pas des caisses avec Luke Cage et qui est assumée d'entrée (disons-le clairement : les personnages s'accordent le droit de littéralement baiser, dans des scènes qui ne manqueront pas de vous faire vous redresser dans votre canapé), et vous obtenez un personnage d'une richesse folle, capable de tenir la série à bout de ses petits bras loin d'être si inoffensifs (en témoigne ce dragueur misogyne et lourd de l'épisode 5). Malheureusement, à l'image du plot de la série, la magnifique et passionnante Jessica se fait bien vite rattraper par ses démons, parmi lesquels on compte déjà un casting franchement inégal, en témoigne un second rôle de policier qui devient très vite prépondérant, et que Wil Traval (Once Upon A Time, Jessica l'insoumise - ça ne s'invente pas) a bien du mal à honorer. Nul doute aussi que certains fans trouveront à redire sur l'interprétation de David Tennant, que je trouve personnellement assez passionnante, mais qui surprendra à bien des égards, particulièrement à partir du 5ème épisode très "central" de la série.
Laissons l'ex-Docteur (qui devrait prendre son envol dans les derniers épisodes du show) tranquille et revenons à nos démons. 2 millions de dollars par épisode, voici ce qui devrait être le coût de Jessica Jones si l'on en croit le découpage très carré du budget Marvel Studios pour ses productions Netflix. On ne va pas se mentir : Matt Murdock a semble-t-il été très gourmand et Melissa Rosenberg doit se contenter d'un budget revu à la baisse, qui lui aussi crève malheureusement l'écran.
Des sept épisodes que j'ai eu la chance de voir, AUCUN ne ressort du lot en termes d'action, une action qui se distille méticuleusement d'ailleurs - même s'il est évident que la série tient d'avantage du thriller psychologique que du déchainement de chorégraphies modernes. Pire, beaucoup de tentatives de nous présenter des bastons et la représentation des pouvoirs de Jessica et de son chéri tiennent presque de la supercherie, en plus d'être filmés comme dans la plus belle époque des séries TV des 90's. Dieu merci, l'essence de la série tient bien plus dans la richesse de ses personnages et de l'enquête au long cours que mène notre détective privée un peu particulière, mais là aussi le bât blesse au niveau du rythme. À l'image de Daredevil, les réalisateurs s'enchaînent et changent au fil des épisodes, ce qui peut parfois dérouter tant certains épisodes sont plus anecdotiques que d'autres, dans le fond comme dans la forme. Rien de particulièrement gênant de ce côté, mais le spectateur le plus impatient ne devrait pas être surpris s'il en vient à regarder sa montre de temps à autres. Pour finir sur une bonne note, on pointera quand même la très bonne utilisation de la continuité de Marvel Cinematic Universe, qui à l'image de Daredevil, ne fait pas semblant d'être raccord avec les Vengeurs, pour ne citer qu'eux.
Beaucoup plus fauchée que son aîné de Hell's Kitchen, Jessica Jones brille grâce à son caractère bien trempé et son indiscutable sincérité. Plus profonde et plus introspective que le reste de la production Marvel, la série risque de décevoir les spectateurs qui réclament de l'action et des pouvoirs à gogo à l'écran. Pourtant, et même si c'est triste de le répéter en 2015, Jessica Jones est un petit monument de modernité, au sein d'un genre qui continue de progresser et de se diversifier. Suffisant pour en faire un classique ? Pas sur ces 7 premiers épisodes, mais la réponse nous attend dans deux petites semaines, le 20 Novembre.