Un peu embourbé par ses ambitions de Millarworld partagé, Mark Millar ne se laisse toutefois pas abattre par la logistique quasi-impossible qu'il lui faudrait déployer pour tout connecter, et préfère depuis un moment se lancer dans de nouvelles séries indépendantes les unes des autres, et destinées à briller du côté de sa nouvelle maison attitrée, Image Comics.
Génial lorsqu'il s'agit de s'entourer des meilleurs dessinateurs depuis des années, l'écossais n'a une fois de plus pas manqué à l'appel, puisque ce n'est ni plus ni moins que Rafael Albuquerque, illustrateur star d'American Vampire, qui se joint à lui pour une énième relecture du mythe de Superman.

Assagi depuis plusieurs années - depuis qu'il est père en réalité, Mark Millar semble prendre plus de plaisir à la poésie qu'à l'irrévérence ces derniers temps, et ce n'est pas l'introduction de ce Huck qui va nous contredire. Muette, celle-ci nous présente un redneck à l'allure d'aryen, qui semble doté des mêmes pouvoirs que son acolyte de Smallville.
Ce superman en jean, c'est Huck, un enfant trouvé sur un perron dans l'Amérique profonde, déposé au pied d'un orphelinat par de mystérieux parents dont on ne saura rien de plus pour l'instant. Élevé par sa communauté, Huck va destiner sa vie à rendre service à sa ville, lui qui ne se mêle toutefois que très peu aux habitants de cette dernière. Seul mais heureux d'aider, Huck est ce parfait béni-oui-oui aux capacités inimaginables que la culture pop nous a offert en tartines ces dernières années. Toutefois, lorsqu'il découvre l'horreur perpétrée par Boko Haram sur son écran de TV, celui-ci se sent le besoin de monter dans un avion pour foncer au Nigeria, et régler leurs comptes aux vils terroristes qui s'apprêtaient à massacrer civils, femmes et enfants. Angélique comme personne, le héros va alors se retrouver dans une spirale qui le dépasse, quand une reporter venue de la ville se penche sur son cas, jusqu'au cliffhanger du titre qui nous promet une vive critique des médias pour son prochain numéro.
Plutôt très facile à l'écriture tant le schéma imposé est respecté par Millar, le titre ne manque pas de briller par son dessin. On savait Albuquerque à l'aise avec la nature nord-américaine, il le prouve ici une fois de plus avec son interprétation de ces villes perdues au cœur des USA, leurs rednecks et leurs morales bien trempés. Si aucun élément ne respire l'originalité, le titre a le mérite d'être très bien travaillé, facile d'accès et plus efficace par son approche classique que par sa volonté d'être différent.

Créé par la volonté (naïve) de proposer un héros pur et absolument bienveillant dans une époque troublée (à l'image de la création de Superman dans les années 30, devenu un hypothétique meurtrier de masse dans Man Of Steel), Huck est pour l'instant un hommage très sage et très appliqué des meilleurs émotions que le Kryptonien peut nous procurer.
Suffisant pour en faire un bon titre ? Malheureusement non, dans la mesure où il faudra attendre le second numéro, et l'approche du monde moderne à la face de Huck pour juger du propos réel que Millar entend donner à cette nouvelle série. Sa certitude, c'est qu'il sera toujours très bien entouré avec un Rafa Albuquerque au sommet de son art !