On a aimé• Une certaine générosité
• Quelques jolis plans
• La dynamique de groupe
On a moins aimé• Brouillon et bricolé
• Tellement de premier degré
• Une BO et une symboliques lourdingues
Notre note
Une fois n'est pas coutume, débutons cette chronique sur une métaphore qui parlera à tous les collectionneurs de Lego, et sera je l'espère assez explicite pour que tout le monde la comprenne. Il y a quelques années de cela, la marque danoise proposait, sur la notice de ses sets, des modèles alternatifs à la boîte de base. Contrairement à celui-ci, ces variantes ne disposaient pas d'une notice complète, mais généralement d'un ou deux visuels qui étaient supposés vous montrer à quoi ressemblerait votre boîte une fois montée différemment. Et Suicide Squad est totalement conforme à cette approche bricolée. On le comprend d'ailleurs dès les premières scènes du film, qui s'enchaîne à une vitesse assez folle, encore exacerbée par des jump cuts (une coupe franche entre deux plans) et un véritable défilé musical. Et si la logique se cachant derrière tout cela échappera peut-être à une partie du public, tous les spectateurs devraient se poser des question au visionnage de cette ouverture, qui m'a tout de suite ramené en enfance, mais pas dans le bon sens du terme.
En effet, je me suis soudain souvenu de ses fameux sets Lego alternatifs, que j'étais sensé construire à partir d'une simple photo, une simple idée, et qui demandait de réagencer des pièces d'une manière totalement différente, et pas toujours très impressionnante. De toute évidence, Warner Bros, Charles Roven (le producteur) et David Ayer (le réalisateur) bricolent ici un film Suicide Squad avec des morceaux de scènes issues de la principal photography, d'autres des reshoots, et surtout un maximum d'effets de style ou d'effets visuels qui se veulent conforment à l'approche très colorée prise par le film du coté de son marketing. Le résultat ne peut-être que bâtard, imparfait, voire même incohérent par certains moments, mais il n'est peut-être pas si honteux qu'on peut le lire dans les cahiers critiques et autres agrégateurs de notes sur le web.
Tout simplement parce que dans son bricolage, David Ayer retombe sur ses pattes, en essayant d'être très, certains diront trop tant le film aligne les personnages, généreux. J'ai pour ma part aimé cette générosité, maladroite, dont le réalisateur fait preuve tout au long de son métrage, qui disons-le d'emblée, est tout à fait conforme à la sa filmographie et ses obsessions personnelles, que se soit dans le travail du montage, dans les thèmes abordés et dans l'esthétique convoquée. On retrouve par exemple son amour malsain pour les milieux criminels, un respect du militaire qui n'a rien à envier à celui de Michael Bay et quelques plans surtravaillés au milieu d'autres anodins. Si rien ne tout ça ne vous fait envie, vous pouvez sans doute passer votre tour. Mais si vous êtes prêts à accepter une version urbanisée et spec ops-isée de nos personnages favoris, je pense que le film a deux ou trois bonbons pour vous.
Générosité et maladresse
Son côté généreux, justement. On en parlait, mais le film s'avère assez riche du côté de ses connexions avec le reste du DC Extended Universe, qui paraît enfin vivant, après un Man of Steel et un Batman v Superman très convenus de ce côté-là, et même dans l'hommage aux comic books. Suicide Squad contient ainsi quelques images fortes issues des aventures sur le papier de Deadshot, du Joker et bien sûr d'Harley Quinn. Mieux, le film reprend quelques idées du run (mythique) de John Ostrander sur l'équipe. Ce n'est peut-être pas une bonne raison d'aimer, sincèrement, le métrage de David Ayer, mais je suis prêt à dire que ça le rend déjà plus divertissant ou en tous cas plus réjouissant qu'un Batman v Superman ou qu'un Man of Steel.
D'ailleurs, il faut noter qu'après avoir déconstruit ses deux plus grands héros dans ces deux films, Warner Bros s'attaque à réinventer ses vilains dans celui-ci, puisque le message est celui qu'on se devait d'attendre d'un Suicide Squad PG-13 et plus léger : même les vilains ont le droit à la rédemption. Une approche peut-être antinomique avec l'esprit du comic book, souvent amoral ou immoral, mais qui était tout de même glissée en sous-texte de toutes les aventures de l'équipe. Et évidemment, Ayer va jouer sur cette (grosse) corde en tartinant de symbolisme et de répliques pas chères, mais qui, dans la diégèse de Suicide Squad, s'avèrent cohérentes.
Plus schizo' que le Joker
Pour la simple et bonne raison que le film ne donne que très rarement dans la subtilité ou dans la nuance : Ayer présente des versions trash, bas du front et drôles (parfois malgré elles) des vilains de l'univers DC. Le tout dans une ambiance qui n'est jamais vraiment sincère puisqu'on passe de moments avec une vraie gravité labellisée "DC c'est sérieux" à d'autres plus légers, qui insistent plus sur l'humour ou en tous cas les liens qui unissent la bande. Mais à la rigueur, jusqu'à un certain plan typique d'un troisième acte où le monde entier est menacé, le film n'a pas l'intention d'être plus qu'un western façon Sept Mercenaires où un film de commando façon Douze Salopards. Reste à savoir si tout cela est suffisant pour un film du DCEU en 2016 - et à mon sens, non - mais à défaut, l'approche pourrait vous divertir.
Même si, de ce côté-là aussi, Suicide Squad pêche : si David Ayer arrive à se dégager quelques moments de bravoure - notamment grâce au personnage de Deadshot - sa bande-son transpire le premier degré, son intrigue sent les grosses ficelles, son cadrage est brouillon (quand il n'est pas insultant pour Margot Robbie et les autres personnages féminins) et ses personnages sont carrément réinterprétés à la lumière de sa filmographie et de ses personnages crasseux, mais qui feront toujours le taf, quoi qu'il arrive.
Casting aux petits champignons
Et il se trouve qu'on finit par avoir une certaine sympathie pour la plupart d'entre-eux. Même si son traitement mériterait une critique à part entière, j'ai par exemple cru à cette Harley Quinn qui semble jouer la folie, interprétée par une Margot Robbie beaucoup trop dévêtue mais qui a réussi à s'approprier la voix et la démarche typique du personnage. L'héroïne fonctionne d'ailleurs assez bien aux côtés d'un Deadshot aménagé pour Will Smith (tant on retrouve chez lui les thèmes chers à l'acteur) bas du front mais qui parvient à jouer son rôle de meneur pendant deux petites heures.
Il faudrait aussi noter une Viola Davis assez impeccable dans le rôle d'Amanda Waller, un Jai Courtney effectivement sympathique quand il est sous champignons, et un Joker qui risque de faire couler de l'encre, et qui en a déjà fait couler beaucoup, celui de Jared Leto, qui nous propose une sorte de best-of de 75 ans de clowneries criminelles. Une sorte de méta-Joker, conscient de son image, qui sans être transcendant (comment pourrait-il l'être en si peu de scènes ?) est parvenu à me rendre curieux. J'aimerais effectivement le revoir plus amplement dans un autre film du DCEU, et pourquoi pas celui de Ben Affleck, même si les apparitions des membres de la Justice League dans le film sont assez fauchées pour vous laisser un petit frisson de gêne dans la nuque. Et pourtant, qui n'a pas senti l'univers DC se déployer au détour de scènes - trop courtes et trop peu travaillées - avec Batman ?
A mon sens, Suicide Squad est un pur produit bricolé, mais pas forcément pour les mauvaises raisons. Au contraire d'un Batman v Superman qui semblait marcher sur la tête en permanence, ou du côté de la concurrence, d'un Fantastic Four travesti pour ne pas aller dans le sens de Josh Trank, la Skwad de David Ayer est fidèle au bonhomme derrière la caméra (qui aurait peut-être dû être accompagné pour l'occasion) : brouillonne sous couvert d'expérimentation, pleine d'armes, de crimes et d'autres pêchés, et beaucoup trop peu subtile pour être digne d'une belle note. Mais soyons optimistes en notant la dynamique de groupe, fort sympathique, des passages franchement impressionnants et un niveau d'easter-eggs et de références jamais atteint au sein du DC Extended Universe. Et s'ils ne sont sans doute pas assez nombreux ou présentés avec une vraie sincérité pour tirer le film vers le haut, ils ont le mérite de toucher du doigt ce que nous attendons tous d'un univers partagé DC inspiré par des années de comic books. Dommage que le résultat soit né d'un bricolage évident de ce que le film était il y a un an et de ce qu'il allait pouvoir devenir après des reshoots et une campagne marketing qui semble avoir fonctionné malgré elle. Qui sait, la prochaine fois sera peut-être la bonne, et d'ici-là, on profitera sans doute d'une version longue qui d'après les images de tournage, aura peut-être le bon goût de nous offrir des flashbacks moins morcelés ou mieux amenés.