Ces derniers temps dans le milieu du comic book et dans toutes les industries créatives ou presque, la tendance est à l'hybridation, quand elle n'est pas à la nostalgie. On aime marier les concepts et les univers les plus éloignés entre-eux, pour des résultats qui peuvent varier. Souvent, les ficelles sont bien visibles et on passe d'un genre ou d'une influence à l'autre. Rares sont les séries qui parviennent à mélanger tout un tas de concepts en apparence opposés pour mieux les transcender. C'est pourtant ce qu'avait réussi Kyle Higgins, Alec Siegel et le dessinateur Rod Reis sur C.O.W.L., une série qui mixait super-héros, syndicats, ambiances fifties et réflexions sur le monde de travail pour nous offrir quelque chose de vraiment frais sur le genre. Bonne nouvelle, l'équipe créative derrière cette mini-série récidive, toujours chez Image, avec Hardian's Wall, qui sortait hier dans un joli premier numéro #1.
Pour leur nouvelle création, les trois artistes mélangent ainsi l'uchronie, le space-opera pur jus et une approche très Agatha Christie du huit-clos. Trois genres qui n'ont a priori que peu de choses en commun, mais qui s'emboîtent à merveille ici. Nous voilà plongés dans un futur proche, mais parallèle à celui qui sera le nôtre, puisque celui-ci est fondé sur une guerre froide différente. Dans les années 1980, l'opposition entre les Etats-Unis et l'URSS a en effet débouché sur l'usage de plusieurs armes atomiques et seule l'élaboration d'un projet commun, celui de coloniser les étoiles, a su maintenir la paix pendant des décennies. Seulement, une nouvelle Guerre Froide, spatiale, celle-ci, approche à grand pas, puisque l'une des colonies de la Terre menace toujours plus le berceau de l'humanité. C'est dans ce contexte assez paranoïaque que nous allons découvrir notre héros, chargé d'enquête sur la mort d'un spationaute qui travaillait pour la corporation Antares et l'un de ses vaisseaux, le Hadrian's Wall.
Et on doit reconnaître que si l'idée était déjà très accrocheuse sur le papier, elle l'est encore plus dans les planches de ce numéro, qui brasse avec brio les différents genres susnommés, sans qu'on ne remarque grossièrement les influences de Higgins, Siegel ou Reis. Certes, les amoureux de la science-fiction - et ils sont nombreux à lire les titres d'Image - retrouveront vite leurs marques entre voyages intersidéraux, voitures volantes et colonisation spatiale, mais dans l'ensemble, les auteurs s'appliquent à nous offrir quelque chose de frais et d'intrigant, grâce une exposition toujours habile, notamment. Les personnages, très vite saisis dans leur caractérisation simple mais efficace, font le reste, et soutiennent l'histoire et ses promesses dès les premières cases.
Si les planches peuvent parfois être un peu vides, dans leurs décors notamment, Reis choisissant ici et comme dans C.O.W.L. une approche très épurée, nous sommes donc vite aspirés par les promesses du titre, qui nous fait miroiter un huis-clos spatial intense, d'autant plus que le pauvre spationaute disparu est directement lié à notre héros, puisqu'il est le nouveau mari de son ex-femme. Un lien qui pimente tout de suite l'intrigue, et qui est assez habilement incarné dans les dialogues de notre héros et de son ancienne compagne. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, les auteurs parviennent donc à instaurer une jolie tension, au sein d'un univers qui, comme toujours avec Higgins et Siegel, promet d'être très riche. Il s'étend d'ailleurs déjà en dehors des planches dans quelques extras bien sentis.
Peut-être un peu convenu dans sa construction, ce premier numéro de la série Hadrian's Wall nous prouve, une nouvelle fois, que l'éditeur Image est un magnifique terreau pour les auteurs et les lecteurs passionnés par la science-fiction. Higgins, Siegel et Reis nous offrent un nouveau mélange, savant et très addictif, qu'on aura plaisir à suivre dans les mois à venir chez l'éditeur qui s'en va bientôt du côté de Portland.