Au début du mois de juillet, une rumeur nous apprenait que le film Batman de Ben Affleck pourrait bien se dérouler dans le célèbre Asile d'Arkham. Un lieu qui depuis, émerge souvent dans les ouï-dires et les affirmations des plus célèbres scoopers de la toile super-héroïque, qui prétendent que le métrage, toujours attendu à l'horizon 2018, se déroulera bel et bien dans cet hôpital psychiatrique des plus malsains. Ce qui nous pousse à nous demander, en ce week-end, si le film de Ben Affleck pourrait tirer son épingle du jeu en posant ses caméras dans un pareil décor.
Et comme je manque d'originalité en cette fin de semaine, j'ai simplement découpé mon propos entre quelques points positifs et d'autres plus inquiétants, qui pourraient nous aider à distinguer le désirable de l'indésirable à l'approche du film de Ben Affleck, que tout le monde, et même les sceptiques de Batman v Superman et Suicide Squad que nous sommes, a envie de voir briller.
Pour commencer, souvenons-nous que le film sera co-écrit par Affleck et Geoff Johns. Et le scénariste architecte de l'univers DC aurait assurément une carte à jouer dans le cas d'un film se déroulant intégralement (ou presque) dans l'Asile d'Arkham. En effet, le bonhomme, tout au long de sa carrière, s'est montré assez organique dans sa manière d'écrire les rencontres entre de très nombreux personnages, comme dans le cas des événements Blackest Night et Brightest Day ou encore sur Justice League. En quelques dialogues, l'auteur parvient à faire tenir des rencontres assez dantesques, et on se doute bien que le choix de l'Asile d'Arkham serait aussi celui d'une grande galerie de vilains. L'écriture de Johns serait donc particulièrement adaptée à l'exercice.
La présence de nombreux adversaires est d'ailleurs un argument (potentiel) à part entière pour le film de Ben Affleck, qui pourrait ainsi s'offrir des vilains divers et variés, des plus populaires aux plus secondaires. Après une dizaine de films, Batman campe encore sur les mêmes antagonistes, et si on comprend le besoin de revenir à de grandes figures comme Le Joker, on serait ravis de rencontrer un Chapelier Fou dans les couloirs de l'asile, par exemple. D'autant que Warner Bros a les moyens et l'habitude de dégainer des castings all-star, ce qui donnerait encore plus de cachet à nos différents antagonistes. On pourrait même considérer l'Asile d'Arkham comme un vilain à part entière dans ce film, puisque le lieu dispose d'une aura assez terrifiante et de pièces toutes plus glauques les unes que les autres.
Voilà donc un troisième argument en faveur de l'idée : passer du temps dans ce lieu mythique de la mythologie Batman, tant exploré dans les comics, mais beaucoup moins dans les films. On a d'ailleurs aperçu l'asile dans quelques plans furtifs de Suicide Squad, film dans lequel l'établissement semblait très fidèle à sa version papier : couloirs sombres et architecture gothique étaient par exemple de la partie. Or, la perspective de voir des vilains et Batman évoluer dans un environnement le temps d'un film complet est très alléchante. D'autant que le lieu serait un véritable challenge pour l'écriture d'Affleck et Johns et la réalisation de notre Bruce Wayne, qui pourrait se lancer dans des petits exercices de style chaque fois que son héros traverse une nouvelle pièce. A la manière d'un The Raid ou d'un Snowpiercer, pour citer quelques exemples. Sachant que la temporalité pourrait également ajouter une vraie pression : en optant pour un film en temps réel, par exemple, le film deviendrait un vrai huis-clos, dopé par l'ambiance horrifique de l'asile.
Vous l'aurez compris, l'idée ne manque pas de charme. Mais elle aurait aussi, et parfois dès l'écriture, de gros défauts. Le plus gros reste à mon sens une narration façon jeu-vidéo. Toujours plus populaire à Hollywood, celle-ci remplace progressivement des structures narratives peut-être plus soignées ou en tous cas plus classiques par des successions de pièces ou s'enchaînent les ambiances et les boss. Rien de bien méchant quand on a la manette en main (encore que, la fatigue est parfois bien réelle), mais un constat bien plus dommageable dans le cas d'un film Batman. Et encore plus si on se souvient que la dernière franchise de jeux Batman à succès a été (en partie) écrite dans l'Asile d'Arkham et par Geoff Johns, justement. La redite pointe donc d'emblée le bout de son nez, et partir sur une idée créative aussi forte pourrait ainsi signer l'arrêt de mort du film d'Affleck.
D'autant que la filmographie du bonhomme ne pointe pas tellement vers un Batman largement orienté vers l'action. On imagine que Ben Affleck a peut-être aussi envie de changer d'air et de profiter des moyens offerts par un film de super-héros, mais force est de constater qu'un Batman urbain, plus terre à terre, lui irait beaucoup mieux. On le comprend au visionnage de The Town, d'Argo ou même en zieutant le trailer de Live By Night (titre qui aurait été parfait pour un film Batman d'ailleurs). De plus, les métrages d'Affleck gravitent souvent autour de l'idée de l'écart entre un personnage et son alter-ego. Doug MacRay est par exemple en conflit avec son identité de braqueur de banques dans The Town. Quand Argo nous parle d'hommes et de femmes obligés de jouer un rôle qui n'est pas le leur pour survivre. Un type d'approche qu'on ne pourrait pas retrouver dans un film se déroulant intégralement dans l'Asile d'Arkham, qui par définition, n'aurait pas ou peu de Bruce Wayne à nous proposer.
Dernière crainte à propos de cette idée : le trop plein. Si le DC Extended Universe nous a bien montré une chose en trois films, c'est qu'il a souvent les yeux plus gros que le ventre, qu'il veut en mettre trop. Or, un film dans l'Asile d'Arkham promet d'emblée une surcharge de vilains (dont Deathstroke, a priori) et beaucoup, beaucoup d'action. Sur le papier, on frôle peut-être déjà l'overdose, et le projet vire carrément au cauchemar narratif quand on essaie d'imaginer un film cohérent avec Batman v Superman. Après tout, dans le film de Zack Snyder, le personnage ne craignait ni les coups, ni les balles. Et si sa séquence de combat était jouissive, la perspective de la voir étendue à deux heures devant la caméra d'Affleck n'est pas tellement alléchante. A la rigueur, un tel film aurait été parfait pour Snyder. Mais au contraire, on préférerait voir le réalisateur de Gone Baby Gone à l'œuvre sur plus de situations, plus de lieux, plus de personnages (civils), bref : en train de jouer dans un bac à sable plus étendu.
Batman est un personnage assez riche pour que plusieurs interprétations co-existent au sein d'un même univers. Par ailleurs, si on voit parfaitement Ben Affleck à la barre d'un Batman urbain dans laquelle Gotham et Bruce Wayne s'offrent une belle part du gâteau, on sait aussi que les films précédemment consacrés aux chevalier noir étaient peut-être un peu trop tournés vers son alter-ego civil. En 2018, on ne cracherait donc pas sur un peu plus de Bat-Family (qui a dit un duo avec Carrie Kelley ?) ou une mythologie Batman en tous cas plus étendue dans l'espace (via ce dédale qu'est l'Asile d'Arkham) ou dans sa galerie de personnages. Reste à savoir si Warner Bros oserait jouer l'idée à fond. On connaît désormais très bien les problèmes du studio et à mon humble avis, épouser le concept dans sa globalité serait la condition sine qua non pour faire d'un métrage se déroulant dans l'Asile un bon film Batman, si ce n'est un bon film tout court. Mais je vous propose d'en discuter en répondant à cette questions, et en débattant ci-dessous !
Moralité, un film Batman se déroulant dans l'Asile d'Arkham vous êtes :
— Thibaut Claudel (@Republ33k) 30 septembre 2016