Premier titre du label Max de Marvel, qui avait fait les belles heures des lecteurs adultes de la maison des idées au début des années 2000, Alias et son personnage, l'ex-héroïne Jessica Jones, sont devenus cultes en trois ans de run épique, mené par un Brian Michael Bendis au sommet de son art et un Michael Gaydos impeccable. Plus de dix ans et une série Netflix plus tard, Jessica Jones revient, en utilisant son propre nom en guise de titre pour la nouvelle série de Bendis et Gaydos, qui n'ont rien perdu de leur superbe alchimie.
On le comprend dès la première planche du titre, sur laquelle la composition magique de Gaydos opère d'emblée. En quelques cases et deux ou trois phylactères, l'artiste parvient ainsi à réinstaller l'ambiance si particulière d'Alias, à mi-chemin entre le polar et le super-héros, comme si le temps ne s'était pas écoulé entre le dernier numéro de la précédente série et le premier de celle-ci. Les lecteurs au fait des aventures de Jessica Jones replongeront donc la tête la première, tandis que les autres profiteront d'une ouverture hyper-efficace et qui a le mérite de parfaitement vendre le concept de la série.
Il faut dire que c'est un Brian Michael Bendis en forme que l'on retrouve ici aux commandes. Dans la lignée de son comeback sur les aventures de Daredevil avec l'excellent et touchant End of Days, le scénariste est très en verve, brillant dans ses dialogues et toujours aussi doué quand il s'agit d'injecter un peu d'humour dans son récit, à l'aide d'une Jessica Jones pour le moins fringante. La qualité du titre passe d'ailleurs par une quantité de petits détails charmeurs, du T-Shirt Dazzler de Jones à une "rencontre" avec d'autres super-héros en passant par l'apparition de Jessica Drew dès le premier numéro. Une invitée qui aura d'ailleurs des allures de gag méta pour tous les lecteurs se souvenant qu'Alias devait d'abord raconter le quotidien de Spider-Woman, et non de l'ancienne Jewel.
Côté enjeux, Bendis reprend un classique : deux intrigues parallèles qui devraient finir par se croiser. D'un côté, une affaire classique pour la détective privée : une femme entend la faire enquêter sur son mari. Mais avec un twist des plus inspirés, puisque Bendis va faire de la fusion des univers parallèles de Marvel (les fameuses Secret Wars) le moteur de cette enquête. On ne vous en dit pas plus, mais nous retrouvons en tous cas ici ce qui faisait le sel d'Alias, l'intégration d'un personnage paumé au sein d'un univers super-héroïque qui le dépasse. Comme d'habitude dans ce monde de fou, c'est donc vers Jessica Jones et sa radicale humanité que le membre inquiet d'un couple viendra se tourner. Seul problème, une autre intrigue se met en travers de sa route : la présence d'un bébé né de l'union entre Luke Cage et l'héroïne, histoire qui paraît pour le moment tout à fait insolite. Qu'à cela ne tienne, on attendra un numéro #2 pour juger de l'intérêt de cette historie dans l'histoire, qui pourrait nous mener vers U.S.Avengers.
Retrouver, plus de dix ans plus tard, une équipe et un personnage cultes là où on les avait laissés a quelque chose de grisant : cette fois, la nostalgie ne jouera pas contre votre bon sens puisque nous avons ici affaire à un comic book très réussi, mais qui n'a absolument pas l'intention de réinventer sa formule. Pour nous, ce n'est pas un problème, mais pour les plus chevronnés ou les moins versés dans les histoires de Jessica Jones, la lecture sera peut-être moins agréable. Soyons honnêtes : on en doute quand même fortement, puisque Bendis et Gaydos nous offrent ici la parfaite entrée dans l'univers si particulier et addictif de l'héroïne. A ne manquer sous aucun prétexte, donc, peu importe votre amour et vos connaissances de la série de Netflix et des comic books Alias.