On a aimé• La conclusion que le personnage mérite
• Dafne Keen, bluffante du haut de ses 11 ans
• Une réalisation plutôt très léchée
On a moins aimé• Quelques éléments de scénario cousus de fil blanc
• Un vilain physique contestable
Notre note
Déjà auréolés du fait d'avoir sauvé les ambitions de trilogie de la Fox grâce au sous-estimé The Wolverine en 2013, Hugh Jackman et James Mangold s'étaient mis d'accord pour clore en beauté les 17 ans de carrière de l'acteur australien dans la peau du mutant. Et si le dernier voyage du Glouton au Japon s'était soldé par un dernier acte assez catastrophique, Logan semble aujourd'hui bien loin des considérations de l'époque, avançant tout sauf masqué avec son statut de film Rated-R, bien heureux du succès considérable de son collègue Deadpool.
Le premier vainqueur de la réussite artistique globale qu'est Logan n'est d'ailleurs autre que la 20th Century Fox qui, à l'heure de passer à une nouvelle génération de X-Men après l'infâme Apocalypse, se paye aussi le premier grand comic-book movie de 2017, quelques semaines à peine après la réussite audacieuse de son dernier bébé, le très bon Legion.
—CRITIQUE GARANTIE SANS SPOILERS —
Avant de trancher dans le vif toutefois, il est important de clarifier quelques éléments de contexte qui sans rien dévoiler de l'histoire, permettent de voir où se situe celle-ci et de comprendre comment un Logan âgé est bien différent d'un Old Man Logan. James Mangold, bien obligé de composer sans 80% des personnages qui constituent le classique de Millar et McNiven, fait le choix de transposer son histoire dans un futur relativement proche, lourd de sens par rapport au propos de son film.
Oubliez d'emblée le post-apocalyptique, Hawkeye, les T-Rex Venom et autres idées du scénariste écossais, puisque le réalisateur de Walk The Line choisit ici de nous raconter une autre forme d'extinction, le monde presque pré-apocalyptique dépeint ici ayant vu les naissances Mutantes purement et simplement disparaître depuis 25 ans. Bien plus politique qu'il n'y paraît, le film s'attarde par ses détails à nous présenter la décadence des Etats-Unis, avec une diégèse distillée le temps de messages forts, où le White Power et la xénophobie libérale prennent le pas sur l'urgence écologique et humaine d'une société perdue aux mains des méga-corporations pharmaceutiques. Tourné avant l'investiture de Donald Trump, le film apparaît aujourd'hui comme l'un des premiers actes de défiance d'Hollywood face à l'homme d'affaires devenu Président.
Et si l'on pourrait penser que les réalisateurs n'ont que très peu de latitude pour exprimer leur opinion au sein des super-productions (et ce malgré la bienveillance de nombreux films à gros budget trop vite taxés de progressistes ces dernières années), James Mangold s'empare de chacun des aspects de ce qui apparaît beaucoup plus comme son film que The Wolverine, à l'exception là encore d'un vilain physique un peu tiré par les cheveux. Du casting aux nombreux easter-eggs qui jalonnent les deux heures et quart de pellicule en passant par par sa réalisation très terre-à-terre, le réalisateur aborde tour à tour les questions de l'Uberisation (avec un élément central du scénario qui ne manquera pas de faire rire, et qui dans un dialogue de Hugh Jackman nous rappelle des débats très français de l'année passée), de la décroissance et du retour à la terre, de la surpuissance des géants industriels de l'agro-alimentaire et de la santé, les OGM et la thérapie génique, les lanceurs d'alertes, les conflits ethniques, le repli sur soi, l'asile politique, la famille et la perte de contrôle qui survient avec l'âge, sans jamais être clivant, tant ces questions restent au stade de questionnements et de matière à penser.
Logan (re)trouve alors dans sa famille recomposée par nos trois éclopés l'essence même des X-Men et se permet, au travers de la superbe Dafne Keen - qui cache une belle forêt - de passer le bâton à une nouvelle génération, comme un symbole face aux défis que réserve notre monde bien réel. Notons aussi les très belles participations de Patrick Stewart, brillant une dernière fois dans la peau de Charles Xavier, de Stephen Merchant qui complète très bien le trio de tête dans le rôle de Caliban, mais aussi de Boyd Holbrook, superbe trouvaille du camp d'en face qui laisse présager du très bon pour le Predator de Shane Black, après sa superbe découverte dans Narcos.
Saupoudrez par dessus ces ingrédients quelques éléments destinés directement aux fans de Comics, tels que les Reavers ou par deux fois la reconnaissance méta des origines du personnage et, à l'exception de deux-trois éléments destinés à faire progresser le scénario, vous obtenez une très belle recette qui devrait plaire à tout le monde, du spectateur le plus pop-corn à celui le plus concerné par le fait que le film ait ouvert le dernier festival du film de Berlin, et qui se ronge encore les ongles en attendant l'annonce d'une version en Noir et Blanc. Cerise sur le glouton, le film ne verse pas énormément dans les sauts câblés et la shakycam, si bien que les sceptiques de l'univers de la Fox tiennent ici une nouvelle raison d'y croire après les très bons Deadpool et Legion.
Superbe blockbuster bourré d'action et ultra-violent dans la forme, Logan se révèle être un superbe refuge de valeurs chères à son réalisateur et à une majeure partie de son public dans le fond. Mieux, le studio se permet de prouver à Marvel Studios que l'humour peut-être encore plus tranchant en étant mieux distillé, les prises de risque une nécessité pour se renouveler, mais aussi à Warner Bros. qu'un univers se voulant plus "adulte" n'a pas besoin de se vautrer dans le grim & gritty racoleur, et qu'il est bon de laisser travailler ses réalisateurs.