Personnellement, j'avais découvert le scénariste et dessinateur Daniel Warren Johnson à l'occasion de la diffusion partout sur le web de Green Leader, un superbe fan comic consacré à un moment parfaitement anecdotique, ou presque, de Star Wars : le crash d'un pilote de A-Wing sur le vaisseau de l'Empire répondant au nom d'Executor. On y trouvait déjà tout ce qui fait la puissance du style du canadien : une capacité à en dire beaucoup en très peu de cases, un travail assez dingue et digne du manga sur le mouvement, sans oublier un trait parfaitement adapté à la saga et à Star Wars en particulier.
Aussi, quand le bonhomme nous apprenait il y a quelque semaines qu'il allait rejoindre les rangs des auteurs de Science-Fiction qui ont fait d'Image Comics un véritable éden, nous avions marqué le premier mars d'une petite croix. Daniel Warren Johnson revient en force avec Extremity, un nouveau titre de l'éditeur et du label Skybound de Robert Kirkman. Le créateur de Walking Dead s'est d'ailleurs montré très protecteur avec le dernier de ses "enfants adoptés" et on comprend pourquoi à la lecture du premier numéro.
L'univers d'Extremity, comme ceux de la grande majorité des titres d'Image Comics, peut déjà compter sur une ambiance semblable à aucune autre. Et pourtant - et là encore c'est récurrent chez les titres de l'éditeur - la création de Daniel Warren Johnson brasse une quantité assez astronomique de références souvent mainstream. Mais c'est leur assemblage qui une nouvelle fois fait toute la différence. Né de la Space-Fantasy la plus pure, Extremity nous propose de découvrir les aventures d'une famille déchirée par la perte d'une épouse doublée d'une mère. Bien décidé à venger sa femme, le père de famille entraîne en effet ses enfants, le pacifique Rollo et la belliqueuse Thea dans une guerre revancharde qui les mènera d'un coin à l'autre de leur monde, composé d'immenses rochers volants à la Avatar.
Une intrigue des plus classiques, donc, mais qui est rapidement sublimée par son extension à un niveau familial, les différents héros de ce premier numéro n'étant que rarement d'accord entre-eux. L'univers pèse lui aussi beaucoup dans la balance, puisque les concepts visuels, à la croisée des chemins entre le médiéval-fantastique, la science-fiction rétro à la Star Wars et le post-apo à la Mad Max (difficile de ne pas remarquer l'hommage de l'auteur à Immortan Joe, par exemple) sont particulièrement attachants. Il faut dire que le dessinateur canadien fait ici preuve d'un trait plus vivant et mouvementé que jamais. Voyez plutôt :
Si l'action est toujours contenue entre des gouttières et des gaufriers traditionnels, l'artiste se jette en effet la tête la première dans l'action, pour le plus grand bonheur de nos yeux. On pense notamment à une splash page qui dépeint un assaut particulièrement brutal, qui rappelle aussi bien les grandes heures des peintures militaires que les boîtes ou illustrations de vos jeux de plateaux favoris. Ajoutez à cela la science de Warren Johnson pour le mouvement, et vous repartez avec une fracture de la rétine qui ne sera pas soignée de sitôt.
D'autant que l'action, particulièrement centrale dans ce premier numéro, sert aussi à poser les bases de l'univers et de l'intrigue sans trop d'exposition, et de saisir les premiers enjeux de la série, qui comme l'auteur l'avoue dans sa postface, se prend bien plus au sérieux que sa précédente création,
Space-Mullet ! Tout aussi géniale (on vous recommande de jeter un œil à sa version française chez
Akileos), cette série pouvait en effet se cacher derrière son nom loufoque pour forcer la présence de quelques idées ou arranger certains rebondissements. Mais ça ne sera pas dans le cas de cet
Extremity, qui s'annonce sérieux, dans le sens le plus noble du terme.
Nouvelle et brillante entrée au catalogue SF d'Image Comics et au label Skybound, Extremity revient à la source du concept de Space-Fantasy tout en nous offrant un nouvel angle d'attaque sur un sujet parmi les plus traités par la fiction: la vengeance. Le trait ultra-dynamique de Daniel Warren Johnson fait le reste, en nous offrant un nouvel univers tout autant qu'une nouvelle histoire. Certains concepts sont attachants dès le premier coup d'œil, les personnages sont prometteurs et si l'intrigue se poursuit à ce rythme, on risque bien de prendre plein la tronche tous les mois. Jetez-vous dessus les yeux fermés.