C'est lors d'un panel de la dernière édition de
Fan2Sea que
Scott Snyder s'est livré à une confidence peu commune chez les auteurs, puisque celui que l'on connait pour
Batman,
American Vampire et
Wytches a longtemps et ouvertement parlé de sa dépression.
Phénomène assez répandu des les professions artistiques et/ou culturelles, la dépression n'en est pas moins un sujet tabou dans ces mêmes cercles, où la prise de parole est rendue plus compliquée encore par un contexte peu favorable à un sujet aussi sensible. Pourtant, celui qui a justement parlé de combattre ses propres démons a pris son courage à deux mains, pour expliquer comment celle-ci a fini par lui faire perdre ses moyens créatifs, alors qu'il était au sommet de sa carrière chez
DC Comics :
"J'ai commencé à ressentir ma dépression quand j'avais 18 ou 19 ans. J'ai en tous cas ressenti ses mauvais effets à un moment où ça a affecté ma scolarité. J'ai vraiment eu l'impression de m'écrouler sans vraiment comprendre ce qui se passait. Jamais je n'avais atteint de tels sommets, aussi handicapants, auparavant, et je me suis laissé dépassé par les circonstances qui l'ont amenée.
Être loin de chez moi, loin de ma copine, tout a commencé à s'empiler. Je ne prenais pas soin de moi, j'étais très dur avec ce que j'étais puis j'ai commencé à ressentir de l'anxiété. C'est là que je suis vraiment tombé."
Pas abattu pour autant, l'auteur a alors entamé une thérapie face à lui-même, puis accompagné par un professionnel :
"J'ai eu des hauts et des bas, mais j'ai appris à la gérer et à la comprendre aussi bien que je le pouvais."
Pas avare en comparaison, Snyder a également évoqué le fait qu'il n'appréciait pas le traitement des personnages "fous" d'Arkham, et que cela pouvait contribuer à ranger les maladies mentales du mauvais côté. Il s'est d'ailleurs servi de ça pour bâtir son Joker, plus enclin à menacer Batman sur des aspects chers au scénariste :
"Le Joker, en particulier, parle de choses qui nous touchent. Sa façon de provoquer Batman sur sa famille, sur sa mission, sur le sens de sa quête. Tout ça, c'est juste le Joker qui explique à Batman qu'il ne sert à rien. Pareil avec Two-Face ! Quand quelque chose ne va pas dans ma vie, j'ai tendance à les répéter en boucle dans ma tête, mais c'est loin d'être de la Bipolarité. Two-Face sait qui sont les gens, il les trouve horribles et méchants. C'est quelque chose qui m'arrive quand l'anxiété monte ou que je suis horrifié par les news. Je pense à la noirceur de l'humain et je commence à m'inquiéter, pour moi-même et pour les autres. Je prends vraiment ces vilains comme l'occasion d'explorer mes propres peurs et mes propres angoisses. C'est ça qui me permet de les explorer quand je ne me sens pas bien."
Plus loin, pour expliquer ce qui lui a permis de combattre son anxiété, l'auteur ajoute que le sport lui a fait un bien fou :
"Faire de l'exercice est devenu très important pour moi et je cours presque tous les jours. C'est rien mais ça me fait me sentir productif dans les moments où je ne me sens pas bien par rapport à mon travail, et ça m'aide aussi à simplement me sentir mieux physiquement. Les endorphines ou appelez-ça comme vous voulez : ça marche."
Du repos et du temps en famille, voilà aussi ce que ce jeune Papa prescrit. Ce qu'il recommande d'éviter en revanche, c'est de sombrer dans les addictions pour palier à ses propres démons :
"Je suis tombé dans des mécaniques dangereuses, où je pratiquais l'auto-médication et quand je me sentais quand même trop mal, je me mettais à boire. J'ai été dans de sales draps à cause de ça. Il est important de faire attention aux attitudes que vous adoptez face à la dépression, ne pas dormir, vous répéter ce qui vous inquiète et j'en passe, j'ai tout essayé."
Amené à faire face pendant ses années cruciales, dont celle de la création de Batman : Zero Year, Scott Snyder évoque aussi l'importance qu'a eu son ami Greg Capullo pour l'aider à sortir de son trou :
"Capullo m'a beaucoup aidé quand je ne me comportais pas comme moi-même. Je n'arrivais plus à prendre de décisions, j'étais constamment en train de douter jusqu'à oublier ses outils que j'utilise pourtant tous les jours. Qu'est-ce qu'une métaphore ? Qu'est-ce qu'un développement de personnage ? Comment je fais pour faire ça ? Je n'y arrivais juste pas, c'était terrifiant.
Puis finalement, la solution était simplement d'écrire. Même si votre travail est horrible ce jour-là, ça reste une petite victoire en soi. Evidemment, avec de tels personnages sous la main, ça rend le voyage d'autant plus excitant. Mais j'aime affronter mes peurs de cette façon.
Ceci dit avec Wytches, j'ai aussi pu explorer mes peurs en tant que parent. Chaque livre que j'écris livre un aspect différent de mes angoisses. Quand ma meuf m'a annoncée qu'elle était enceinte, c'était très difficile parce que j'étais terrifié par l'idée d'être père. J'ai d'abord lutté, puis maintenant j'adore ça. C'est comme si c'était le meilleur boulot du monde, mais malgré je passe encore par des moments pas faciles que Wytches me laisse explorer. Je me sens vulnérable à l'écriture, mais finalement très fier de moi et de ce que l'équipe transforme ensuite en BD."
Enfin, pour finir sur une note plus légère, le scénariste a évoqué la meilleure façon de vous prendre en main, si vous aussi vous souffrez de dépression :
"Mon conseil le plus précieux est de demander de l'aide. Si vous pouvez le faire avec un psy', tant mieux, mais sinon parlez à vos amis, à votre famille. Essayez de comprendre où le mal se situe réellement. Il n'y a rien de mal avec le fait d'être dépressif, et vous ne devriez pas en souffrir seul en vous sentant inutile. Trouvez des gens capables de vous aider, même si ça doit être d'un point de vue médical. Mais ne soyez pas durs avec vous-mêmes. Vous êtes capables d'être forts et vous le savez."
En France, vous pouvez entrer en contacts avec de nombreuses associations comme France-Depression, ou joindre SOS Dépression au 01 40 47 95 95.