Quand on atteint un stade où la lecture de comics devient une consommation, on se perd parfois au milieu de dizaines de séries se ressemblant toutes et ne faisant plus preuve d’originalité, que ce soit dans l’histoire ou dans le format. Et c’est alors bon de trouver quelque chose qui sort du lot. C’est notamment l’effet que m’avait provoqué la série Secret Avengers d’Ales Kot il y a quelques années, jeune auteur confidentiel qui semble plus adapté à l’indé et aux séries « à côté » qu’au pur mainstream. Et c’est l’effet que m’a provoqué ce premier numéro de Generation Gone cette semaine, non spécialement par son plot (on y reviendra), mais par sa couverture inhabituelle servant de première case au numéro. La série avait mon intérêt, elle a désormais toute mon attention.
Co-créée par Ales Kot et Andre Lima Araujo (Spider-verse, Spidey, All-New Inhumans), la série m’avait été brièvement pitchée comme suivant « trois jeunes qui obtiennent des super-pouvoirs après un braquage », et c’est sur ce principe que je suis partie, pour le plus grand plaisir de ma surprise.
Dans le futur proche de 2020, nous suivons, d’un côté, trois jeunes paumés, à savoir le couple Nick / Elena et leur ami Baldwin, et de l’autre Mr. Akio, scientifique prestataire pour la DARPA, à savoir l’agence Américaine de recherche pour la Défense. Les premiers sont des millennials, chacun avec leurs problèmes, qui tentent de survivre dans un monde où les générations précédentes leur ont flingué leur futur, et qui rêvent de reprendre le pouvoir sur leur vie, et à ce qu’ils pourraient faire s’ils se libéraient de leurs situations précaires. Le second est un scientifique brillant mais froid, lassé des objectifs de son travail et qui rêve radicalement le monde au nom de la science, sans se préoccuper des conséquences, et qui fera tout pour parvenir à son but.
Si le principe de base n’est pour le moment pas très original (j’ai immédiatement pensé au récent MPH de Mark Millar par exemple), ce premier numéro se démarque dans le traitement de ses personnages. Le duo d’auteur prend son temps avec cette cinquantaine de pages pour installer la situation et faire en sorte qu’on s’attache à nos protagonistes et qu’on s’identifie à eux. Ancrés dans le climat social de ce début de siècle, ils usent aussi des méthodes qui vont avec, et le fameux braquage que j’attendais s’avère être un braquage informatique, assis autour d’une table dans un salon. Je précise que ce fut une surprise pour moi mais que c’était pourtant bien précisé dans le synopsis que je n’avais pas daigné lire. Après ce premier numéro, on sent déjà que la série n’a pas l’intention de jouer à fond sur la carte des super-pouvoirs que vont obtenir les trois membres du trio, mais plutôt comment ces changements vont impacter leur vie, leur entourage et probablement le monde.
Quant à Mr. Akio, il est encore difficile de le placer dans une catégorie précise. Est-il destiné à être savant fou, super-vilain ou mentor ? Dans tous les cas, Ales Kot sait éveiller notre intérêt avec une forte présence du personnage, qui se trouve être sur-intelligent et avoir un coup d’avance sur tout le monde, mais qui a aussi le mérite d’expliquer assez simplement ses objectifs et les concepts qui se cachent derrière. Un atout pour séduire un public plus large.
Pour mettre en image tout ça, Ales Kot laisse libre champ à Andre Lima Araujo qui porte la responsabilité de nombreuses scènes muettes montrant la vie de nos personnages, dans un univers truffé de références culturelles et sociales bien trouvées, donnant du corps à l’ensemble, et finit par s’illustrer via la tournure techno-horrifique de la série qui n’est pas sans rappeler le Ex Machina de Brian K. Vaughan et Tony Harris, et son rapport homme/machine.
Si ce premier numéro ne pose pas véritablement d'histoire encore totalement inconnue, il a le mérite de donner du corps à son univers et à ses personnages, et d’être suffisamment intriguant pour avoir envie de voir où les auteurs vont nous emmener. Encore une bonne pioche pour Image Comics après Zero et Wolf du même auteur.