Il y a quelques saisons de cela, alors que Marvel Studios était entré de pleins pieds dans sa seconde phase, la maison Disney décidait de s’associer au géant du streaming Netflix pour produire un ensemble de séries sur les héros street de Marvel, devant culminer dans ce qui serait les Avengers du petit écran : The Defenders. Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage et Iron Fist étaient destinés à transposer le succès ciné dans votre salon.
Depuis, chacun de ces héros a eu le droit à une saison de treize épisodes, voire deux pour Daredevil, et le public a appris à vivre avec ces sorties semestrielles, mais a aussi commencé à déchanter d’une logique de production de masse faisant de plus en plus fi de la qualité et du détail qu’on pouvait trouver à l’origine dans l’adaptation consacrée à Matt Murdock. Alors le team-up tant attendu justifie-t-il finalement notre attente, nos espoirs et parfois nos déceptions ? Voici un début de réponse basé sur les quatre premiers épisodes de The Defenders, dont la diffusion aura lieu demain sur Netflix.
Si on avait pris l’habitude de se trouver confrontés à un problème de rythme en milieu des saisons Netflix de treize épisodes, rien ne nous avait préparé à vivre la même chose dès les quatre premiers épisodes d’une série qui n’en comptera que huit. C’est le premier reproche que l’on peut faire à The Defenders, qui met trop longtemps à recoller les morceaux qui auraient probablement dû mieux s'emboiter une fois les premières saisons individuelles passées. Mais c’est le lot d’une série dans laquelle les personnages doivent se rencontrer pour la première fois à défaut de l’avoir fait plus tôt. On se dit alors que ce n’était pas pour rien que la plupart des personnages étaient familiers les uns des autres dans le Avengers de Joss Whedon, ou que la concurrence a commencé à placer des pions comme Wonder Woman dès le second film du DCEU.
On retrouve donc nos héros quelques mois après les avoir laissés, comprenant rapidement que pour la moitié, le statu quo n’a pas changé, et pour l’autre on semble avoir manqué une partie importante de leur vie. D'un point de vue production, la série semble adopter un compromis sous le niveau de Daredevil, mais au-dessus des séries solo de ses trois futurs associés. D’un point de vue scénaristique, on se retrouve dans ce qui qualifierait le ventre mou des saisons habituelles (les épisodes 7 à 10, si vous voyez ce que je veux dire). A savoir beaucoup de parlotte pour peu avancer l’intrigue.
Une intrigue avec, en son centre, le (pas si) mystérieux personnage de Sigourney Weaver, et un fameux groupe qui tend à nous faire comprendre que sur le petit écran aussi, tout est lié, et nos héros ne se retrouveront pas par hasard, via ce que l'on pourrait qualifier de Syndrome Hydra du Netflix-verse. L’occasion de voir chaque personnage faire avancer une partie de l’intrigue chacun dans son coin, de façon équilibrée mais sous une forme qui ressemble plus à du contenu additionel des saisons précédentes. Un sentiment décuplé par la reprise de tous les personnages secondaires des différentes séries, seuls point d’encrage d’un univers partagé jusqu'ici (a.k.a le Claire Temple-verse), qui se croisent et se décroisent avant que nos héros eux-mêmes finissent par se rencontrer par duo, puis au complet pour enfin lancer la dynamique de groupe de la série.
C’est probablement dans les premières rencontres des personnages qu’on verra l’intérêt de la série, notamment via leur confrontation. Ainsi, la rencontre de Luke Cage avec Danny Rand est l’occasion d’opposer leur point de vue sur leurs vies, leurs retombées, et les implications sociales qui se cachent derrière tout ça. Une réflexion intéressante qui ne relève pas un ensemble de dialogues et de situations médiocres, ou rien ne tend à sortir du lot, que ce soit par le haut ou par le bas.
Un constat qu’on retrouvera dans ce qui aurait pu devenir la marque de fabrique du Marvel Netflix Universe avant que la production ne jette l’éponge : les combats. Ils sont loin les combats des deux premières saisons de Daredevil. Les autres séries, et particulièrement Iron Fist, nous avaient prouvés que plus aucun soin et aucune âme n’étaient apportés à la mise en scène, et ça se confirme rapidement avec ce qui aurait dû être les moments clés de ces premiers épisodes, mais se trouvent être bâclés et oubliables, mais toujours au milieu d’un couloir ou d’un commerce local (il doit y avoir une sorte de private joke derrière tout ça). On trouve aussi peu d’alchimie dans leurs combats que dans leurs conversations de groupe, ou aucun dialogue ne ressort jamais, alors que personne ne semble trouver sa place, et que tous les acteurs semblent regretter d’avoir signé sans s’assurer de ce qui les attendait plus loin sur le chemin.
Car personne ne semble vouloir prendre en charge la série. Pire, c’est via l’acteur le moins charismatique, Finn Jones, que le groupe vient à se former. Mais il n’est ni Chris Evans, ni Robert Downey Jr. Quant aux seconds rôles qui parfois sauvaient les autres séries, on ne leur laisse pas le temps de briller. Et Sigourney Weaver, en méchante lambda de service, sert autant son rôle que ses lignes de dialogues qui peinent à masquer le futur twist quant à son personnage. Et on ne parlera même pas d’Elodie Yung qui doit se mordre les doigts d’avoir accepté de jouer Elektra passé la seconde saison de Daredevil, tant son rôle est piétiné et sa marge de prestation inexistante.
Dans l’ensemble, Marvel et Netflix avaient déjà du mal à conserver leur magie sur une série solo entière jusqu’ici. Avec The Defenders, ils nous prouvent qu’une bonne idée ne fait pas tout quand on ne s’en donne pas les moyens. Encore une série super-héroïque médiocre dont on se serait passés. Mais il faudra tout de même attendre de découvrir la deuxième partie de cette saison pour savoir ce que Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage et Iron Fist nous réservent...