Il faut que cela cesse. Je ne sais même pas pourquoi j'ai mis autant de temps à écrire cet édito' alors que je suis convaincu d'une chose : il faut que cela cesse. Les polémiques stériles et les débats faussés, le monde des comic books en connaît tous les jours. Et l'histoire du média est parsemée de crises du genre. Mais ces derniers temps, ces crises sont toujours plus nombreuses, et toujours plus spectaculaires de bêtise.
Il y a quelques mois, c'est l'autrice de Mockingbird, Chelsea Cain, qui avait été forcée de quitter Twitter suite à une vague de harcèlement en ligne. A bout de forces, la scénariste avait même fini par abandonner sa série malgré le soutien de ses collègues artistes et des fans de comic books qui s'étaient emparé de la formule devenue fameuse depuis : "ask me about my feminist agenda". Mais le soutien reçu par Chelsea Cain a tendance à nous faire oublier une chose : une clique de haineux a gagné, quelque part, en poussant l'autrice vers l'anonymat et en forçant Marvel, de facto, à arrêter la série.
Et on pourra dire ce que l'on veut sur ce groupe peu fréquentables de fan(atique)s ou se convaincre qu'il ne s'agit que de quelques lecteurs et lectrices véhéments se cachant derrière leurs écrans, j'en ai plus qu'assez de les voir gagner par forfait. Bien sûr, je ne reprocherai jamais à des artistes comme Chelsea Cain, qui dans ce genre d'histoires, sont bel et bien des victimes, de préférer le calme à la tempête. Mais il convient de s'attarder sur les raisons de leur choix, alors qu'une nouvelle prétendue polémique frappe internet depuis quelques jours.
It's the Marvel milkshake crew! #FabulousFlo pic.twitter.com/ogn8KEYuPM
— Heather Antos (@HeatherAntos) 28 juillet 2017
Le week-end dernier, l'éditrice Heather Antos, qui est responsables de titres comme Gwenpool ou la future adaptation du roman Star Wars : Thrawn en comics, postait en effet un selfie aux côtés de ses collègues de Marvel sur les réseaux sociaux. Une image qui a visiblement servi d'excuse à la même clique de haineux pour sortir une nouvelle fois de sa cachette pour nuire à l'éditrice, qui n'avait exposé aucune revendication ni aucune provocation, du moins, pas à ma connaissance. Ce qui n'a pas empêché nos haters favoris de se lancer dans une nouvelle croisade stérile à grands coups de "fake geek girls" et de "encore un affreux groupe de Social Justice Warriors" et d'insultes plus personnelles en tous genres.
Déjà, pourquoi s'en prendre à une éditrice en particulier quand on souhaite dénoncer une politique éditoriale globale, celle de Marvel, qui semble déranger de nombreux fans, du moins de l'autre côté de l'Atlantique ? La logique m'échappe, mais passons. Ensuite pourquoi interpeller une éditrice lorsqu'elle poste un simple selfie accompagnée d'amies, de collègues et de Milkshakes, qui sont depuis devenus un vrai symbole de résistance sur les réseaux sociaux. Enfin, pourquoi cet interpellation prend-elle systématiquement la forme d'un flot incessant d'insultes et de remarques désobligeantes, qui se cachent derrière une notion de liberté d'expression tronquée ?
#MakeMineMilkshake pic.twitter.com/s6o7ejVRWj
— Marvel Entertainment (@Marvel) 31 juillet 2017
Non, vous ne pouvez pas grimer la misogynie ou le racisme en des critiques valides à l'égard des titres Marvel ou de ses adaptations (en témoigne le récent exemple de Zazie Beetz en Domino). Certes, chers haters, vous avez le droit d'être en désaccord avec la politique éditoriale d'un éditeur ou de revenir sur la qualité de l'une de ses séries. Seulement, passer par des commentaires haineux en 140 caractères n'est d'une, ni une bonne façon de faire avancer votre cause, et de deux, ni une manière recevable de présenter vos arguments. Peut-être que vous n'êtes pas d'accord avec les envies de diversité et de représentation de Marvel. Mais attaquer et harceler personnellement ses employés et/ou ses artistes (ils étaient nombreux à le faire remarquer ce week-end) n'est pas une solution viable. Ce n'est même pas une solution tout court, quand vous choisissez d'employer des mots qui relèvent de comportements punis par la loi, tout simplement.
La critique ne doit pas être une attaque. Et vos arguments ne peuvent être tirés de tels comportements. C'est aussi simple que ça, mais apparemment, en 2017, il faut encore le rappeler. Peut-être parce que nous assistons à un appauvrissement culturel, les gens préférant crier au scandale avant même de comprendre pourquoi tel ou tel choix éditorial ou artistique les blesse. Peut-être parce que nous assistons, soyons optimistes, à l'ultime percée d'une clique de réactionnaires qui confondent désormais argumentation et insultes, liberté d'expression et racisme (et/ou misogynie, dans le cas présent) sans jamais sourcilier. Mais qu'importe l'origine, nul explication ne saurait donner raison à des remarques aussi peu inspirées, quand elles ne sont tout simplement pas insultantes.
Donc de grâce, chers haineux et haineuses en tous genres, gardez vos commentaires désobligeants pour vous, ou du moins, n'hésitez pas à investir le temps que vous mettriez à harceler numériquement des gens qui ne font "que" leur travail dans une activité productive. Comme une petite réflexion sur le pourquoi de votre étonnement, par exemple ? Les œuvres culturelles, qu'elles soient académiques ou populaires, ne sont pas seulement faites pour divertir, elles sont aussi faites pour vous inciter à réfléchir, parfois via un choc, et ce depuis la nuit des temps. Aussi, si vous pensez que Marvel devrait avoir honte des mots Justice, Social et Warrior, que je trouve personnellement tous positifs, vous pouvez toujours ouvrir plus de 75 ans de comic books "bien sous tous rapports" pour passer le temps, est revenir en 2017 quand vous serez prêts. D'ici-là, je vous laisse également méditer sur les mots de Stan the Man :
— kaare andrews (@kaareandrews) 31 juillet 2017