Après deux one-shots d'introduction publiés les mois derniers, l'event Dark Nights : Metal peut enfin démarrer avec ce premier numéro et signe le retour du duo Snyder/Capullo qui a fait les beaux jours du Batman des New 52. Un numéro qui fait d'ailleurs, encore une fois, plus catalogue de teasers qu'une véritable histoire, mais on va regarder ça de suite, parce qu'il y a beaucoup de choses à dire.
Faire le listing de tout ce qui est mentionné dans Dark Nights : Metal #1 mériterait sûrement un article séparé puisque dans la continuité des deux Dark Days, l'auteur place ça et là de multiples références à DC dans son ensemble - que ce soit à son propre run jusqu'au récent All-Star Batman, à il y a bien plus longtemps. Il y a une large réécriture de la continuité dans le sens où Scott Snyder mentionne des évènements qui ont eu lieu avant le reboot des New 52, et ramène des personnages et concepts qui n'ont pas été vus ici depuis longtemps. On peut d'ailleurs établir un parallèle dans ce processus avec ce qu'avait fait Grant Morrison sur son run de Batman. C'est à dire, l'idée que tout ce qu'on a pu lire jusqu'aujourd'hui s'est réellement passé. De fait, ça laisse pas mal de trous (la main d'Aquaman) ou d'incohérences puisque Snyder applique le même procédé à l'ensemble de l'univers - pardon, du Multivers - DC. Mais si en 2017, vous découvrez la taille de l'égo de l'auteur, c'est qu'il y a un petit souci d'attention.
Pour autant, le fan de DC Comics sera ravi de voir compilés autant d'indices sur les potentiels développements de l'histoire, ou sur les futurs titres à venir chez l'éditeur - certains étant amené de manière très peu subtile, comme la référence à Watchmen qui semblait inévitable, le comble revenant aux Challengers qui sont introduits avec le même phrasé que dans l'un des one-shots Dark Days. On constate aussi dans l'écriture que Snyder utilise quelques formules très faciles pour se rapporter à certains events mais l'ensemble est tellement vaste qu'on a envie de croire, derrière l'impression de vertige (et bon courage aux nouveaux lecteurs !), qu'il va y avoir une histoire à développer. Car dans l'histoire aussi, et si vous avez lu les one-shots vous l'aurez sûrement deviné, la grande menace est directement inspirée du travail de Grant Morrison - dont les inspirations sont multiples sur ce numéro, avec la présence très méta de la carte de Multiversity.
Bien sûr, quand on veut faire du Morrison, il en faut le talent, et là où Snyder échoue c'est à manier tous ses indices, pistes, etc. dans une histoire qui ne soit pas trop lourde. On reparle d'une menace qui arrive, qui puise ses origines à l'aube des temps, et d'une invasion qui se prépare. Une grosse forme de redite par rapport aux Dark Days, avec en outre de longues phases explicatives franchement lourdes à lire. Qu'on se comprenne : le fond, ce qui est présenté est vraiment intéressant, mais dans la forme, l'histoire fait plus office d'un récital éditorial ("hey, regardez tout ce qui arrive !"). On supposera que ce ressenti pourra varier en fonction des connaissances de l'univers DC et de la lecture ou non des précédents one-shots. Le numéro est donc bien verbeux, Snyder rajoute ses idées un peu à la truelle pour que l'histoire avance, même si on reste avec une impression de grosse exposition.
Et comme je parle d'exposition, mentionnons cette affreuse - et longue - séquence d'ouverture qui sert à peine de prétexte pour justifier que Batman ne soit pas témoin d'un gros évènement se passe dans sa ville, et sert de défouloir pour Snyder et Capullo qui avaient envie de se faire un plaisir de gosse régressif. Nul doute que le "Mégazord" de la Justice League sera ré-utilisé par après, mais en l'état cette introduction reste un vrai point négatif. Aussi parce que c'est sur cette partie que les dessins de Greg Capullo sont les plus faibles, avec un re-design des costumes/armures de la Justice League qui font peine à voir, bien qu'ils soient (lourdement) justifiés par le scénario. Au demeurant, on retrouve avec un certain plaisir le compère de Snyder puisque c'est l'occasion de le voir s'amuser avec une partie de l'univers DC qu'il n'avait pas eu l'occasion de mettre en images, Justice League mise à part (rappelez-vous, dans l'ouverture de Endgame...).
Si comme toujours les visages ont tendance à se ressembler, Capullo apporte un dessin de qualité qui met en valeur de multiples personnages, avec dans l'ensemble une mise en page assez simple, quelques jolies idées de découpages, et un rendu final il faut le dire, bien joli, sans que les couleurs de FCO Plascencia n'en fassent de trop. Mise à part une des dernières pages qui est la définition même de "catalogue de teasers", on reste avec un ensemble de planches très agréables à lire - et on reconnaîtra que le cliffhanger a un vrai mérite de soulever de nouvelles questions, sur le déroulé de l'histoire, et sur les proportions de l'univers DC qui vont être touchées. Une touche finale positive qui aide à mieux digérer la lourdeur du propos précédent.
Explicitons donc bien le ressenti de cette lecture, qui justifie cette note moyenne. Dans le fond, ce que propose Snyder a tout des perspectives d'un event riche, qui embrasse ce qu'est DC Comics dans son ensemble, et il y a une grosse curiosité à aller aussi découvrir le fameux Dark Multiverse dont on nous parle depuis des mois. Dark Nights : Metal #1 est très dense, très généreux, donne l'impression d'un gros liant dans toute la continuité DC. Là dessus, pas de soucis. Mais c'est vraiment dans la narration et l'écriture que les problèmes se posent, avec une vraie lourdeur et la sensation de "placements de produits" qui a du mal à s'en aller. A présent que la longue introduction (en trois numéros, finalement) a été posée, espérons que Metal se fera plus fluide dans ses prochains numéros. Et puis, avec tous les one-shots et tie-ins à côté, Snyder devrait pouvoir se concentrer sur l'essentiel.
Dark Nights : Metal #1 réussit sur le fond ce qu'il échoue dans la forme. L'event est prometteur d'énormes possibilités tant dans son histoire, son rapport à la continuité DC, qu'aux retombées potentielles en termes de récits de nouvelles séries. C'est une lettre d'amour au Multivers, à l'histoire et aux personnages de l'éditeur. Mais cette lettre d'amour n'est hélas pas bien rédigée, Snyder étant très lourd dans son écriture et proposant, pour la 3e fois consécutive, un catalogue de teasers sur le futur de DC. Et quand on se paie de plus une introduction pétée et inutile, ça n'aide pas sur le ressenti général. Heureusement que Greg Capullo est plutôt en belle forme pour sauver le tout. Une lecture un peu gênante donc, mais il serait criminel malgré tout de ne pas retourner lire Metal dès le mois prochain. Paradoxal, vous dites ?