Cette nuit, Warner Bros. a surpris le monde via le site Deadline (et The Hollywood Reporter) qui a annoncé le développement d'un nouveau film sur le Joker. Difficile de ne pas taper sur le studio qui développe un nouveau projet alors qu'une pléthore d'autres films du DCEU sont encore en production et ne semblent pas réussir à trouver le chemin des salles obscures. Que ce soit à cause des problèmes d'écriture, ou bien de réalisation et de nombreux abandons, les problèmes sont nombreux. Mais ce papier n'est finalement pas là pour étaler l'évidence puisque le studio, avec cette annonce assez majeure, semble changer de direction pour offrir une nouvelle alternative aux films DC Comics sur le grand écran. Un premier élément de réponse qui pourrait le sortir de son bourbier actuel.
En effet, pour revenir sur l'annonce, ce film Joker sera l'occasion de raconter les origines du personnage ô combien culte et la tâche quasi-impossible sera confiée à Scott Silver, scénariste de 8 Mile, épaulé de Todd Phillips, qui se chargera de la réalisation. Un choix qu'on pourra clairement contester quand on sait que le bonhomme est plus habitué aux comédies très (très) grand public et fait finalement office de faiseur dont les films, plutôt impersonnels, ne laissent jamais vraiment transparaître de vrai style, ni d'intention. La dernière composante qui peut jouer dans la balance est évidemment l'implication (pas encore très claire) du légendaire réalisateur Martin Scorsese pour l'instant attaché de près (ou de loin) au poste de producteur. Une place qui veut finalement tout ou rien dire et dont l'impact dépendra du réel niveau d'implication de l'homme derrière Taxi Driver ou encore Les Affranchis. Il faut dire que le premier synopsis du film semble avoir plus été pensé pour Scorsese que Phillips puisqu'il s'agirait d'un Joker lors de ses jeunes heures de gangster dans une Gotham City des années 80.
Honnêtement, le film est très casse-gueule, qu'on aime le DCEU ou non, puisqu'il ira s'embourber sur un terrain que même les auteurs de comic-books évitent à tout prix : raconter les origines d'un personnage au passé (très) mystérieux peut s'avérer très très risqué pour le studio qui peine déjà à convaincre avec ses quatre premiers films (Man of Steel, Batman v. Superman, Suicide Squad et Wonder Woman). Seuls des artistes de renom comme Alan Moore (Killing Joke), Brian Azzarello (Joker), Bruce Timm et Paul Dini (Batman : The Animated Series) ou encore plus récemment l'innarrêtable Scott Snyder se sont engagés sur ce terrain pour des résultats par toujours convaincants -c'est à toi que je parle, Scotty. Il semblerait d'ailleurs plus aisé pour le studio de s'inspirer de la dernière version présentée pendant les New 52 en plaçant le personnage comme membre et tête du gang des Red Hoods.
Mais l'information, finalement majeure à retenir, est que le studio montre des premiers signes de désintérêt pour son univers principal puisque le film sera le premier à être estampillé du logo d'un label de Warner Bros. qui lui permettra de jouer avec les différents personnages de DC Comics, sans pour autant proposer des histoires qui se caleront dans le "canon" de ses métrages principaux. L'idée est finalement une adaptation plus libre des spin-offs A Star Wars Story de Lucasfilm, puisqu'ils ne s'installeront pas dans le DCEU mais permettront d'explorer les nombreux personnages de DC Comics sous diverses formes. Pour l'instant, le studio fait face à une armée de boucliers levés, et à raison, auprès d'un public qui ne comprend pas vraiment la démarche, qui semble pourtant la plus saine et la plus maligne pour le studio à long terme.
En effet, il n'est pas difficile de sentir ici l'influence d'un Geoff Johns, qui a longtemps fait ses armes en tant que scénariste de DC Comics, avant de devenir le lien privilégié entre le studio des frères Warner et l'éditeur aux deux lettres. Incroyablement obscure pour le grand public, cette idée va puisant dans la sève même de l'héritage de la Distinguée Concurrence en proposant l'ouverture de ses propres univers parallèles. Une vision qu'on imagine déjà vulgarisée pour le grand écran afin d'être finalement un mix entre Multiverse (les univers parallèles de DC Comics) et Elseworlds (des futurs et passés alternatifs pour modifier fondamentalement des personnages, souvent en one-shots). Évidemment, ce concept obscur sera difficile à faire gober aux fans des films DC sur les écrans, qui pourraient rapidement se sentir lésés de devoir subir des films qui n'auront finalement pas grand chose à voir avec la trame principale, d'autant plus quand le studio est déjà à la bourre sur la majeure partie de ses projets.
Pourtant, à la dernière San Diego Comic Con, Warner Bros. avait déjà préparé le changement discrètement et s'est ouvert une porte de choix pour annoncer (et justifier) aux yeux du monde ce nouveau concept avec le film, qui lui aussi ne semble pas trop avancer (ce qui est un comble), Flashpoint. Anciennement Flash, le film focalisé sur le Barry Allen d'Ezra Miller sera en effet l'occasion où jamais de faire un peu de ménage dans la trame principale du DCEU mais aussi de présenter ce concept de Multiverse (simplifié, évidemment) pour justifier ainsi le développement de films transversaux, tout en respectant l'ADN même de l'éditeur historique. DC Comics a toujours aimé multiplier les interprétations de ses personnages, pour livrer certains de ses plus grands classiques grâce à cette démarche qui offre finalement une liberté artistique totale, ne dépendant plus d'une trame commune et d'une continuité.
Pourtant, il est difficile de se faire l'avocat du diable pour Warner Bros. qui semble avoir le chic pour développer les projets les plus difficiles à défendre dont ce film Joker, qui devrait marquer le début de cette gamme (on ne sait jamais, hein). Mais avec tous les titres cultes en stock chez DC, on imagine d'ailleurs que le géant du cinéma a déjà plusieurs idées derrière la tête, et notamment un film Superman : Red Son, qui lui aurait déjà été présenté par Jordan Vogt-Roberts. Il faut d'ailleurs avouer que la démarche fait clairement résonnance avec les rumeurs, dont celles que certains ne voudront pas entendre, mais qui insistent sur la manière dont Warner Bros. réfléchit à faire sortir ce bon vieux Ben Affleck de son univers principal en planchant, pourquoi pas, sur un projet "Elseworld" de Batman avec un autre interprète. En effet, il ne faut pas se le cacher, le DCEU est actuellement chancelant et il n'est pas près de se tenir droit, alors que les prochains projets en développement devraient finalement juste servir à séparer les différents héros teasés dans Batman v. Superman et que nous verrons en action dans Justice League en novembre prochain. Les différents films du studio sont finalement déjà très indépendants, à l'image d'un Shazam, le prochain à entrer en tournage, qui arrivera avant même des films solos de chaque héros de la Ligue de Justice (notamment Flash, Cyborg et Batman).
En définitive, si Warner Bros. semble toujours décidé à se mettre dans des positions compliquées, le studio pourrait enfin revenir à une formule qui lui permettrait de se concentrer sur ses héros et moins sur une histoire globale qui lui est à l'heure actuelle impossible à mettre en place. En somme, le studio reviendrait au plus simple en faisant le plus compliqué : raconter des histoires stand-alone sur des héros dans une politique d'univers global, mais pas partagé (le pouvoir du marketing). Ironiquement, on ne pourra pas reprocher au studio de vouloir s'inspirer de DC Comics et rendre ces histoires d'univers parralèles imbitables aux yeux du grand public ! Bien joué ?