Après une campagne de promotion qui aura rendu dubitatifs, la série TV Inhumans de la chaîne ABC s’offre une première tournée d’avant-première pour ses deux premiers épisodes, filmés avec des caméras IMAX. Une promo qui profite de projections dans les salles équipées, la technologie ayant été un gros argument de vente. Mais ce dernier est-il suffisant ? Si l’habit ne fait pas le moine, l’IMAX fait-il l’Inhumain ? Parlons-en.
Il faudra reconnaître que l’expérience sur très grand écran est loin d’être déplaisante. La série profite de ses outils technologiques pour des ralentis/gros plans qui, s’ils sont assez inutiles, restent jolis à contempler. Et surtout, toute l’introduction profite de passages dans les décors naturels d’Hawaï, qui permettent de faire ressortir la beauté des paysages, des forêts équatoriales aux plages luxuriantes. Si on ajoute là quelques idées de plans larges (pour bien dire : hey, on a des caméras qui coûtent cher !), alors le spectacle pourrait en valoir la chandelle.
Sauf que : il est bien beau de profiter d’une technologie, encore faut-il savoir l’exploiter. On peut filmer des paysages naturels, mais s’il s’agit juste de faire des plans aériens quelconques, on aura tôt fait d’aller regarder un documentaire de Yann Arthus Bertrand, autrement plus sensationnel. Ainsi la réalisation peine, pour ne pas dire échoue, à profiter de son bonus technologique, et nous propose quelque chose d’assez plat. Qui ne vaille pas trop la peine d’aller payer une place de cinéma pour ce spectacle, pas aussi grand que promis. L’autre problème viendra également d’un manque de moyens accordés par la production au niveau des effets spéciaux.
Que l’on parle des costumes, des maquillages ou des effets strictement visuels, rien ne détonne vraiment, sans pour autant être affreux. A cet égard, beaucoup moquaient l’animation des cheveux de Médusa. Qu’on se rassure à deux niveaux : d’une part, sur écran géant, l’ensemble n’est pas si affreux à regarder – en fait, les cheveux joueraient presque mieux que celle qui les porte. Et le scénario avance assez vite pour que ce problème d’animation soit rapidement et simplement enlevé. Dans tous les sens du termes, si jamais vous n’aviez pas compris (et ne m’accusez pas de spoilers, c’était dans un trailer). En tout et pour tout, ce que vous avez vu des cheveux dans les trailers doit représenter 90% de leur utilisation. On sera beaucoup plus mal à l’aise devant la CGI quelconque pour les plans extérieurs de la cité d’Attilan, d’autant plus que la caméra s’amuse beaucoup à les balayer – alors que, non, c’est pas joli, du tout.
Mais le problème principal d’Inhumans vient probablement de ses personnages, et des acteurs qui les incarnent. Iwan Rehon, qui occupe beaucoup l’écran dans ce premier chapitre, ne s’en sort pas trop mal. On lui reconnaîtra quelques traits à la Ramsay Bolton bien que le personnage soit à la fois moins torturé, et plus déterminé. Tout le contraire de son frère Black Bolt, joué par le mutique Anson Mount qui ne réussit pas à communiquer quoique ce soit de vraisemblable (et sans parler de son « langage des signes » qui n’en comporte visiblement que quatre, please).
Pour le reste du cast, on est dans le plutôt moyen (Crystal, Gorgon) au franchement mauvais (Medusa, à la fois statique dans sa posture et irritante dans son surjeu, Karnak qui ne dégage rien dans ses fausses envolées philosophiques). Et même Lockjaw, bien qu’il soit mignon, souffre d’un côté « baby groot » qui galère là aussi à fonctionner. En soi, on appréciera qu’aucun des personnages n’a ce côté tête à claque tels qu’on peut le voir dans d’autres séries du même genre (Felicity Smoak, c’est à toi que je parle), mais aucune performance ne vaut véritablement le détour.
Il en ira de même pour l’histoire, extrêmement prévisible puisque dès les dix premières minutes on sait vers quel schéma narratif se diriger. En vérité, si vous avez vu les trailers, vous connaissez déjà toute l’histoire, à quelques détails près. On reconnaîtra, et appréciera que malgré la distance visiblement opérée avec les comics (la prod' a dit aux acteurs de ne pas lire les comics, histoire de ne pas être influencés par ces derniers et se tenir aux versions décrites par le script...), certains emprunts sont visibles, et notamment au génial récit de Jenkins et Lee, comme la cérémonie de Terrigenesis ou une certaine séance de coiffure. Mais dans le reste, l’axe du drame familial, sous couvert de conflit politique, a du mal à aller au-delà des poncifs connus.
On sait qui va s’allier avec qui, on reconnaît les différentes prises de position, et in fine c’est l’immobilisme réputé de Black Bolt qui laisse espérer quelque chose, au départ. Avant que la seconde partie nous amène là aussi dans la direction classique d’une découverte du monde moderne par des personnes qui ne le reconnaissent pas (et c'est censé être rigolo ? A vous de juger). Chose assez curieuse d’ailleurs puisque les Inhumans semblent être bien plus avancés que nous, et bien qu’ils soient reclus sur la Lune, on comprend difficilement qu’ils soient aussi surpris de tout lors de leur arrivée sur Terre - mais ce n'est hélas pas la seule incohérence à relever. Comme pour leurs cousins du MCU, on vous conseillera aussi de patienter jusqu’à l’après générique pour tout découvrir, et notamment comment la prod’ réussit à saborder la seule véritable surprise de son premier chapitre.
Au final, le ressenti envers Inhumans est à l’image de la série : quelconque. Il n’y a pas de raisons de vouloir la détester plus que ça (sauf si vous êtes des Inhumans-sexuels, je suppose), et pas d’arguments pour vouloir la porter aux nues. Malgré l’atout techonologique, ABC et Marvel ne réussissent pas une seconde à transcender sa nature de produit TV formaté qui, malgré une approche un peu différente, ne se hisse en rien au-dessus de ce qu’on peut retrouver, et dans le super-héroïque, et dans les drames familiaux. L’image, la technique, l’histoire, tout ne respire que la médiocrité, de celle qui vous feront très rapidement oublier ce que vous avez regardé.
Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de bonnes choses à
retenir tout du long. Outre Lockjaw qui
reste malgré tout une bonne mascotte, certaines idées comme la mise en scène du
pouvoir de Karnak, le jeu acceptable
de Rehon, un ensemble assez rythmé
(tout va plutôt vite) ou même une certaine énergie par Serinda Swan dans la seconde partie du récit permettent de relativiser l’ensemble.
Mais à côté on retrouve des fautes d’écriture, de jeu (encore une fois : Anson Mount ou Ken Leung, c’est juste pas possible), et
clairement le manque d’ambition de la série à vouloir proposer quelque chose de
réellement différent convaincra la majorité des spectateurs de ne pas lui
donner sa chance. Si ce n’est la chance que vous tombiez un jour dessus, par
hasard, lors de l’éventuelle diffusion en VF.
Inhumans est une expérience typique de série qui a un potentiel mais ne le réalise jamais. L’apport technique de l’IMAX tombe face à la platitude de la réalisation, et le manque d’envie et de moyens ne la fait jamais se relever. L’histoire est quelconque, les acteurs sont dans l’ensemble quelconque, en fait : tout est quelconque. On pourra y jeter un œil par curiosité, puisqu’il n’y a pas vraiment de raison de détester la série. Comme il n’y a pas non plus de raisons de s’y intéresser. Anecdotique jusqu’au bout, il y a grand chance que vous ayez déjà oublié qu’Inhumans a existé d’ici la fin de l’année.