Petit éditeur indépendant, Oni Press a publié depuis ses débuts de nombreuses oeuvres saluées par la critique (Queen & Country de Greg Rucka, The Sixth Gun de Cullen Bunn) et qui ont aussi connu les joies de l'adaptation sur grand écran (Scott Pilgrim ou le récent Atomic Blonde, qui seront bientôt suivis à la tv par Hearttrob). Et leur nouveauté Made Men pourrait bien rejoindre le haut du panier de l'éditeur. Explications.
Jutte Shelley est flic. Et sa journée commence mal. Prise en embuscade par une bande de mafieux, Jutte voit toute son équipe se faire descendre sous ses yeux. Une mise à mort détaillée et spectaculaire racontée à la première personne qui donne le la dès la première page. Dès la première case. Paul Tobin, auteur mutli-récompensé aux Eisner Awards, ne nous fera pas de cadeaux, ni aux lecteurs, ni à son personnage. On démarre donc le numéro avec une longue scène de règlement de compte, qui tient plus du jeu de massacre et que les plus sensibles auront peut-être du mal à terminer. Mais l'essentiel est d'être plongé dans un style noir et rentre-dedans et c'est ici réussi. Mais au delà du polar hard boiled, Tobin réserve une belle surprise, clairement sous forme de twist, à la moitié du numéro, qui procède alors à un habile mélange de styles en se ré-appropriant une célèbre figure littéraire du fantastique.
Et le mélange fonctionne car l'auteur profite ensuite de cette révélation pour développer le background de son personnage, en donnant suffisamment d'indices pour légitimer sa situation, et sans trop en dire pour attiser la curiosité du lecteur. Au vu de l'effet sur la lecture de ce numéro, il vous sera conseillé d'aller lire ce numéro sans en regarder le résumé qui gâche ladite surprise - qui n'en sera que plus forte. Au delà de ça, Tobin réussit l'exercice du numéro introductif sans trop de difficultés. Présentation brute et sommaire du personnage principal (une femme forte de caractère, et au passé qui s'annonce passionnant), qui sera rejointe par une équipe donnant son nom au comic-book, et dont on a hâte de découvrir les tenants et aboutissants.
Seconde force de Made Men, c'est la présence de l'artiste italienne Arjina Susini, qui n'a encore que très peu de comics à son actif, et qui frappe aussi par sa mise en scène qui s'accorde parfaitement à l'écriture de Tobin, avec un découpage net de l'action qui met le lecteur en son centre. Les personnages profitent aussi d'un certain charisme car le trait atypique de Susini est doté d'une forte personnalité. L'ambiance est urbaine et le dessins a un côté "sale" qui participe à l'ambiance et à l'efficacité du titre. Certains pourront ne pas le trouver à son goût, ou juger que les explosions de violence versent dans une certaine gratuité.
Made Men #1 se révèle être une très bonne découverte du côté de l'indé. Démarrant dans une veine hard-boiled ultra-violente, l'histoire prend un tout autre tournant en son milieu, servi par une belle ré-appropriation fantastique d'un Tobin en très belle forme. Le tout assuré par des dessins pleins de personnalité. On sent déjà le potentiel pour une adaptation mais en l'état, ce comic-book s'apprécie déjà grandement sur le papier. A tester, qu'on se le dise.