L'évolution de la série TV Gotham a quelque chose d'assez fascinant à suivre. Démarrant comme un simple procédural rempli de clins d'oeil aussi nombreux que subtils (cernez l'ironie), la série s'est finalement laissée aller à proposer une véritable alternative aux comics qu'elle est censée adapter. Oubliez ce que vous croyez connaître de l'univers de Batman, Gotham est là pour vous proposer son propre Elseworld, que vous le vouliez ou non. Si certains ont abandonné depuis longtemps devant les décisions parfois folles du show, jusqu'au véritable massacre de certains personnages, votre fidèle serviteur est fidèle au poste pour faire le point sur le démarrage de cette quatrième saison, qui n'est pas ce que Gotham a proposé de pire ces dernières années. De là à vous inciter à y jeter un oeil, ce sera une toute autre question.
Quelques mois ont passé depuis le final de l'extravagante (alerte euphémisme) saison trois. Gotham City est plus calme que jamais, Penguin étant redevenu maître de la pègre, et distribuant des "permis de crime" (oui. Non, cherchez pas, vous avez bien lu) à qui veut. Forcément, tout le monde n'est pas content, à commencer par Gordon, Bruce Wayne ou d'autres criminels, qui n'entendent pas se laisser faire. Un point de départ assez terre-à-terre qui permet de démarrer cette nouvelle saison de façon plus sereine, loin du trop plein de costumes (moches), des couleurs criardes à la Schumacher et du surjeu perpétuel. Même au niveau capillaire, ils ont réussi à se calmer un peu, c'est vous dire le soupir de soulagement. Ainsi, les personnages restent là aussi assez propres, bien que les performances d'aucun n'aient véritablement changé. Robin Lord Taylor reste fidèle à son rôle d'Osward Cobblepot, perpétuellement en recherche de reconnaissance, mais gesticule moins. Le jeu monolithique de Ben McKenzie est même presque le bienvenu, toujours en comparaison avec ce qu'on a connu l'an dernier.
Pour la première partie de saison, la toxine de Scarecrow (et le personnage lui-même) seront mis en avant. On peut déjà en voir les limites techniques dans cet épisode avec des effets spéciaux forcément témoins d'un manque de budget, bien qu'on ait pu voir pire ailleurs (coucou Legends of Tomorrow). Mais l'utilisation démontre que la production reste attachée à cette folie mal gérée, et le risque de sombrer dans le n'importe quoi est bel et bien présent. On le voit avec les passages dans l'Asile d'Arkham et les éternels internés en costumes moches qui hurlent et rigolent pour donner un peu d'ambiance - sauf que ça ne prend jamais. On le retrouve dans certains personnages qui, contrairement aux principaux, sont dans une position de jeu à peine croyable (le gardien de l'Asile, Ivy Pepper dont l'écriture est complètement à la ramasse ; okay, c'est une gamine dans un corps de femme, mais un peu d'efforts que diable...). Et si l'ensemble peut être "toléré" - comprenez qu'au bout de ces trois saisons, si vous êtes encore là, c'est que vous êtes immunisés, il reste certains points qui ne passeront pas.
On peut comprendre la décision de la prod' d'aller de l'avant en ramenant un maximum de vilains et en faisant transparaître les caractéristiques de Batman ou Catwoman dans leurs versions adolescentes. Ce n'est pas pour autant que cette décision est bonne. Et malgré toute la volonté du monde, voir deux gamins qui essaient de jouer leurs contreparties adultes reste un exercice qu'ils ne réussissent pas. David Mazouz restant (déso pas déso) l'une des plus belles plantades de casting. Entre le proto-costume (et sachant que ce n'est pas le pire), l'énorme clin d'oeil dans sa scène avec Gordon, ou son essai de "voix de Batman", il faut s'y faire : c'est une plantade. Et qu'on ne me demande pas d'être indulgent parce que c'est un gamin, Stranger Things a montré qu'on peut être bien plus jeune et bien plus talentueux.
Du reste, Gotham garde pour elle certaines qualité techniques. On peut toujours constater les efforts qui sont mis sur la photographie et la lumière, assez bien gérées, qui permettent de donner à la fois un ton très froid à la ville, parfois dans un style rétro, et parfois moderne. Une dichotomie à présent bien installée et qui, on dira, permet à la série d'avoir son style. De même, il y a des efforts sur les costumes (parce qu'ils sont aussi plus sobres, même si visiblement certains aiment beaucoup les décolletés) et les décors, pour que l'effet cheap des effets spéciaux soit un tant soit peu atténué. Cela dit, le nouveau costume du Scarecrow n'est pas si vilain.
A ce stade de la série, il est clair que Gotham ne risque pas d'amener de nouveaux spectateurs. Cela dit, si vous avez suivi jusqu'ici, sachez que cette quatrième saison démarre sous de meilleures auspices. Intrigue, acteurs, le tout respire un propos plus calme et plus terre-à-terre dont la série avait besoin. Mais Gotham persiste dans ses choix narratifs et les libertés prises par rapport aux comics continueront de se révéler assez agaçantes.