Alors que Bryan Singer laisse la caméra à son compère Simon Kinberg pour le prochain X-Men sur grand écran, le réalisateur qui a mené les mutants vers la gloire (et la déchéance ?) cinématographique n'est pas encore prêt d'abandonner la licence. Il signe le pilote de The Gifted, tentative de la Fox de prolonger l'univers dans une continuité alternative à celle des derniers films. Un essai pas trop mal fichu, mais qui souffre largement de la comparaison à des séries similaires - ou qui racontaient la même chose il y a plus de dix ans.
Dans The Gifted, oubliez les X-Men que vous connaissiez, ils ont vraisemblablement disparu. Les mutants restants essaient de s'en sortir entre eux, comme ils le peuvent, en clandestins alors que le gouvernement américain fait tout ce qu'il peut pour localiser et enfermer ceux qui développent des habilités surnaturelles. Passée une introduction sous forme de séquence de course-poursuite entre flics et un groupe de dissidents mutants, on se concentrera assez vite sur la famille Strucker. Le père, Reed, travaille pour la police d'Atlanta et s'occupe des mutants clandestins. Les deux jeunes ados, Lauren et Andy vont se découvrir des capacités nouvelles, et Reed va du coup devoir protéger sa famille alors qu'une force fédérale, les Sentinel Services (oui, en rapport directement avec les fameux robots chasseurs de mutants), est à leur poursuite. Ca vous rappelle quelque chose ? C'est normal.
On se retrouve en effet dans une situation similaire à Heroes il y a onze ans (!), le côté "Save the cheerleader, save the world" en moins. En résulte un ensemble de déjà vus qui ne s'en va jamais, malgré une qualité toute appréciable du show. On pourra par exemple apprécier la volonté de se concentrer sur les personnages à une petite échelle, sans menace de grande envergure ou de gros méchant - autre que les Sentinel Services, qui servent plutôt à appuyer un propos social, sur un thème classique véhiculé par les X-Men (le racisme, la peur de l'autre) depuis leur création.
L'écriture des personnages n'est pas non plus mauvaise, sans être renversante, et le spectateur devrait pouvoir s'y attacher, bien que l'ensemble du casting manque cruellement de charisme. Stephen Moyers, n'est pas bien expressif, alors que Percy Hynes White et Natalie Alyn Lind, au contraire, abusent un peu de sur-jeu. On retiendra, pour son temps de présence, surtout Emma Dumont en Polaris, les autres mutants n'ayant pas de personnalité vraiment travaillée, au delà de leurs pouvoirs.
Sur le plan technique, du coup, lesdits pouvoirs ne sont pas mal retranscris, et malgré l'impossibilité de transcender son cadre de série TV, The Gifted n'est pas vilain à regarder. Le maquillage pour les mutants est au final utilisé presque au minimum, ce qui permet de se concentrer sur les effets visuels somme toute assez simples, et qui évitent de souffrir d'un côté cheap. On peut d'ailleurs remarquer une orientation terre à terre du show qui évite les horreurs visuelles que nous propose à côté Inhumans (peut-être parce qu'il n'y a pas de costumés, héhé).
Si Bryan Singer est derrière à la caméra et que cela peut se ressentir à quelques plans, l'ensemble est assez plat. Pour une série qui nous parle de mutants, on s'aperçoit que la comparaison avec d'autres oeuvres - Legion, pour ne pas la citer - fait transparaître la façon dont The Gifted n'est, au final, qu'une série de "super-pouvoirs" de plus. Certes, elle profite d'avoir des personnages et tout un univers existants sur le papier, et de pouvoir se permettre un caméo de Stan Lee. Elle profite aussi de sortir en même temps qu'Inhumans et de ne pouvoir qu'en ressortir grandie à côté. Mais de là à se dire que la série peut réellement apporter une pierre importante à l'édifice super-héroïque sur petit écran, il faudra encore attendre pour se prononcer.
Les fans de X-Men pourront trouver leur compte dans The Gifted, qui propose un ensemble assez qualitatif pour se laisser regarder. Mais autant sur l'histoire et les thématiques (Heroes) ou dans l'aspect visuel (Legion), la télévision a déjà apporté bien mieux dans des champs similaires. Alors oui, il y a tout le côté Marvel qui peut faire de l'oeil, mais au vu de ce pilote, sympathique mais sans plus, il y a fort à parier que The Gifted ne réussisse pas à faire plus que vous occuper tant que vous n'avez pas mieux à regarder.