Il y a peu, se dressait à côté de l'édifice imposant du DC Proper de nouveaux bureaux placés sous l'idée d'une séparation éditoriale. On les a nommé Young Animal et The Wild Storm, des séries qui choisissent ou ne choisissent pas de se situer vis a vis des Terres classiques chères à la compagnie, qui a ainsi pu ne pas se poser la question de la canonicité sur des titres comme Mother Panic ou Cave Carson. Or, à côté de Gerard Way, Warren Ellis commence lui aussi à s'étendre et se laisse pousser un spin-off, scénarisé par Dexter Wines et illustré par Steve Buccellato, Michael Cray, anciennement connu en Deathblow sous feu l'entreprise de Jim Lee.
Repris depuis la base, Cray passe ici à un statut moins défini, qui cherche quand même à englober le passé éditorial du héros. Relativement peu connu au sein des parutions WildStorm, Deathblow était au firmament des héros typés 1990, une masse de muscle liée à de sombres opérations black-ops, militaires et complotistes, dans le grand bain de crossovers et d'équipes de types fortiches aux pouvoirs nés de mutations, de greffes ou de manipulations génétiques.
Le pitch est ici plus brumeux : on découvre dès les premières pages un style qui s'inspire volontiers de Warren Ellis, voire de Tom King. Le jeune Michael raconte sa vie en deux pages, et part vite et bien sur une introduction qui explique les choses simplement. Militaire doué, Cray a intégré une équipe au sein des services secrets qui compte abuser de ses capacités pour accomplir différentes missions. L'originalité passe par les dialogues, où on retrouve la saveur des bonnes séries des années '90 : une certaine subtilité dans le rentre-dedans, des dialogues ciselés qui rythment bien, et un sous-texte politique - certes, daté, encore que - qui ne se cache pas. L'écriture est finalement plus fine qu'on pourrait s'y attendre, quoi que le scénario soit excessivement simple (ou simpliste), et ressemble à s'y tromper à n'importe quelle autre série avec un pitch similaire. On regrette que trop peu d'efforts soient faits pour densifier le héros, mais l'originalité vient heureusement d'autre part.
En effet, à l'instar de Mother Panic, Michael Cray #1 se déroule bien dans le paysage de DC Comics, et l'antagoniste de la série se trouve être une tête connue de ce monde de héros scintillants. Sans vous divulgacher la chose (à moins que les previews ne s'en soient occupées), l'idée est bonne, et rappelle certains essais faits sur Batman pour le placer dans le rôle du méchant. Ici, le personnage choisi semble assumer cette posture jusqu'au bout, et on peut se féliciter, si le twist n'est pas bel et bien prévu, que DC Comics laisse cette marge de manoeuvre aux directions prises par Ellis.
Autre point négatif cependant, le graphisme demande de s'accrocher. Sans être particulièrement repoussant, le style de Buccellato souffre surtout d'être plat et statique, sans réellement de détails ou de pouvoir se reposer sur une simplicité qui frappe. Pour être honnête, la série n'est vraiment pas très jolie, et demande de passer outre un dessin peu attrayant. En plus de passer outre le fait que vous n'êtes peut-être pas un ardent consommateur de récits d'espionnages ou militaristes, en comprenant qu'il se fait mieux à côté, autant dire que ce premier numéro n'est pas un indispensable, et que son héros n'est pas le Midnighter qui pourrait porter le titre sur son seul charisme.
Michael Cray #1 est un numéro sympathique, mais auquel il manque encore quelque chose. Le scénariste part du principe que son héros se développera sur le long terme (ou bien pense-t-il que l'intro' se fait d'elle même par la qualité de spin-off ?), et entouré d'un dessin paresseux, se lit comme un numéro presque nostalgique de la bonne époque WildStorm, en comprenant que celle-ci a pris du plomb dans l'aile au fil des années. Curiosité tout de même pour ce héros devenu vilain, et les quelques idées bien senties glissées çà et là où on sent une envie de coller au maître, qui pourrait tout de même valoir de jeter un oeil aux prochaines sorties.