Si vous suivez l'event Dark Nights : Metal de DC Comics, alors vous connaissez maintenant la chanson autour des sept Dark Knights qui en sont l'un des éléments moteurs. Chaque semaine, une tie-in pour vous présenter son concept (on le rappelle : c'est l'imagerie des pires craintes de Bruce Wayne, à la base) avec la recette pré-établie suivante, que j'ai réussie à chiper des locaux de DC.
"Pour faire un one-shot Dark Knight : mettez une backstory sur le personnage et l'élément déclencheur qui le fera basculer du côté obscur (note de l'éditeur : vous le justifiez ou pas, selon votre envie). Rajoutez une pincée du Batman Who Laughs histoire d'insister dessus, n'oubliez pas qu'on a un event qui capitalise sur ce personnage, et que Snyder et Capullo en sont très fiers. Terminez par rappeler que le Dark Multiverse est voué à être détruit, et terminez par le Dark Knight en train de détruire la ville associée à son personnage de mash-up. Rajoutez une intervention in extremis de Dr. Fate".
Et répétez le tout sept fois.
Dan Abnett applique donc le précepte à la lettre et l'on peut sentir que l'auteur doit avoir la flemme tant son travail se révèle peu inspiré. Il y a d'abord le changement de sexe, qui est plutôt une bonne idée pour accentuer le côté "What if ?" mais elle n'est pas exploitée autrement que d'apporter les prénoms hideux de Bryce Wayne et Sylvester Kyle qu'on préfèrera vite oublier. L'histoire, grosso modo, est que Bryce a perdu Sylvester et que sont apparus ensuite sur Terre les Atlantéens, menés par Aquawoman. Bien entendu Bryce se méfie et pour pouvoir lutter à chances égales va se muter avec de l'ADN de Deadwater (les créatures qui viennent directement du run d'Aquaman de Dan Abnett).
En soi, qu'Abnett reprenne cet élément est plutôt intéressant et participe au côté "toujours plus gros, toujours plus fort" de ces one-shots. Sauf que ce numéro paraît en quatrième position et subit en conséquence cette impression de redite qui devient franchement insupportable. Et l'élément le plus important de l'histoire, le déclencheur du trauma de Bryce, à savoir la disparition de Sylvester, n'est que mentionnée, et jamais explicitée, ce qui empêche de comprendre la démarche du personnage et nous met juste devant le fait accompli, exactement comme dans The Red Death. Comment voulez-vous vous intéresser à un personnage sans comprendre ses motivations ?
D'autant plus que selon Scott Snyder, cette version de Batman est censée représenter la crainte de ne pas s'être assez méfié de ce qui vient des profondeurs. Et dans cette intention, Abnett échoue à l'illustrer correctement - il aurait été un tant soit plus malin d'illustrer que ce qui a pris Sylvester vient de là, et ensuite d'en faire une sorte de "combattre le mal par le mal" - mais que voulez-vous, je ne suis pas scénariste. Reste que si vous voulez voir des grosses scènes de combat et de destruction alors peut-être serez-vous satisfaits. La seule chose qu'on peut accorder à Abnett est qu'il raconte mieux les envies des Dark Knights à quitter leurs mondes de cauchemars pour envahir le notre, qui sert en fait de berceau créatif à tout le Dark Multiverse. Dans cette idée, les Dark Knights dépassent leur condition de vilains pour devenir de vraies figures tragiques, mais croyez bien qu'en lisant au premier degré, ce n'est pas ce que ce numéro vous racontera.
On se dit alors qu'il y a peut-être consolation à retrouver dans les dessins, puisque les one-shots ont eu cet avantage de profiter d'artistes plutôt doués. Le constat est à nouveau amer puisque si la partie assurée par Philip Tan est en effet un certain régal, les planches de Kirkham donnent l'impression d'avoir été faites à la va-vite - et encore. Traits brouillons avec un encrage épais comme pour masquer le peu de soin accoré, composition moyenne, tartinage de couleurs... Ayant pu voir ce qu'est capable de faire Kirkham, autant vous dire qu'ici c'est très décevant. L'ensemble est néanmoins relevé par le travail des coloristes qui manient les effets graphiques pour donner dans un très beau déluge (héhé) d'effets aquatiques qui embelissent la chose et permettent de faire passer la pilule, un peu. Mais juste un peu.
Au bout du quatrième one-shot, il faut se faire à cette idée qu'ils sont véritablement des produits de commande et n'iront pas au delà de ce statut. Et c'est encore pire lorsque l'auteur n'y met pas du sien. Répétitif, mal développé, on suit une recette déjà vue et qui fatigue, et que même le travail des artistes, ici décevant, ne parvient pas à relever. Clairement la lecture la plus dispensable de cet event. Allez donc plutôt lire Batman #33.