Après des années d'attentes, la cristallisation d'un projet qu'on avait pu commencer à fantasmer à la sortie de Man of Steel en 2013 prend enfin forme dans nos salles obscures. La première réunion de l'équipe super-héroïque de DC Comics en aura vu de belles pendant sa gestation, et quelque part, ce que vous verrez pendant cette paire d'heures, on l'aura bien cherché. Explications.
L'histoire, pas la peine de vous la dévoiler en grand, puis vous la connaissez déjà. Un méchant arrive sur Terre, des héros sont là pour l'arrêter. Un cheminement classique sur un terrain balisé qui ne s'écarte jamais d'un chemin bien connu de tous, même du public le plus profane. Face à certaines propositions ou prises de risque des précédents opus de Zack Snyder (qui ont créé toutes sortes de clivages dans la communauté des fans), Justice League décide de n'en prendre aucun. Ce qui aura ses avantages, et ses inconvénients.
Le plus grand avantage, lorsqu'on situe Justice League dans son contexte de production, c'est qu'il arrive à limiter la casse. On reste en terrain connu, certes, mais ceux qui recherchent plus de classicisme, plus de bonne humeur et avaient pris la lourdeur de ton de Batman v Superman en grippe seront rassurés. Les scènes s'enchaînent sur une ligne bien tracée, tout va au final assez vite (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de grosses ficelles bien lourdes), et s'il serait malhonnête de dire que le tout est trop court, on voit bien par contre qu'un travail de coupe intense a été fait - mais bon.
Le futur du DCEU se dessine sur un avenir plus coloré (littéralement), plus chatoyant. Et que ceux qui auraient peur de la sempiternelle "marvelisation" se rassurent également. Le film de Zack Snyder, malgré les réécritures de Joss Whedon (assez évidentes, surtout que le bougre reprend à la quasi-identique l'une de ses scènes de son Wonder Woman jamais né), ne pêche pas dans un excès d'humour. Parce qu'à vrai dire, il n'arrive pas à être drôle - et c'est peut-être plus triste. Si la camaraderie arrive à se frayer un chemin et à rendre la notion de travail d'équipe palpable, elle n'enlève pas un sentiment forcé à de nombreux moments, tentant de concilier deux approches qui n'avaient pas grand chose à faire ensemble.
Et en ne tombant dans aucun excès, c'est là aussi que Justice League fait état de toutes ses faiblesses. A commencer par Steppenwolf (Ciaran Hinds), super-vilain raté à la fois dans son chara-design que dans la performance de l'acteur. On aura rarement vu un tel manque de prestance dans l'univers DC Films, et même Doomsday avait plus de charisme. Ce problème se pose d'ailleurs pour tous les personnages, qui perdent de leur superbe comparé à ce qu'on avait pu voir avant. L'iconisation n'est plus là, et c'est l'un des constats les plus dommageables pour de tels super-héros, qui souffrent également d'une écriture gentiment quelconque, quand elle n'échoue pas à proposer plus de légèreté (à cet égard, Ezra Miller est un Flash extrêmement gênant, presque désagréable). Chacun patine à sa façon, on sent des sourires forcés, et personne n'arrive à briller, sans que ce ne soit un naufrage d'acting non plus.
Outre des personnages lambda, on retrouve un manque d'enjeux dans l'histoire, une disparité de tons qui laisse perplexe avec un début aux accents Snyderiens pour finir sur un étrange melting-pot, qui alterne dans des moments sérieux et des tentatives de légèretés malvenues. Malgré toute la bonne volonté de Warner, le tout a du mal à prendre, mais on se prend à imaginer que ça aurait pu être bien pire. Et à sa charge, il faut reconnaître à Justice League de réussir à redonner quelques petits frissons, à deux moments en particulier (et donc conseil : restez vraiment dans la salle jusqu'au bout). En définitive, Justice League remplit un taff sans en faire plus. Un film de super-héros calibré, vaguement divertissement, et surtout inoffensif.
On pourra alors dire qu'après les retours de BvS ou sur l'orientation première du DCEU, ce n'est qu'un juste retour de bâton. Qu'on ne vienne alors pas se plaindre de voir une direction sans âme, calibrée pour tenter de plaire sans séduire. Si cette Justice League n'est clairement pas celle que le monde mérite, quelque part, on pourra se dire avec ironie qu'on l'a quand même pas mal cherché. Reste qu'il est maintenant temps de tirer un trait sur tout ça, et de regarder vers l'avenir. Les films DC ont encore beaucoup de choses à faire, énormément à prouver et qui sait. Le Rebirth, c'est peut-être pour bientôt.