Morrison profite cette semaine d'une double actualité. D'une part, l'auteur poursuit sa réécriture guerrière de ce bon St Nicolas, et de l'autre, il est adapté sur l'un de ses travaux récents par la chaîne Syfy.
Deux histoires qui tombent à point nommé pour les fêtes de Noël (Happy! évolue aussi dans l'espace des fêtes sous le sapin), mais ne font que rappeler l'absence pénible d'un auteur talentueux dans le présent de l'industrie. Là où Ellis n'aura jamais cessé de produire, et où Moore choisit de rompre ses derniers liens avec la bande-dessinée, Morrison est de son côté dans une sorte d'entre deux.
La rareté de l'auteur mène à célébrer ses quelques apparitions (sporadiques), et à attendre ses futurs travaux comme de potentiels chefs d'oeuvres - aussi lents à nous parvenir que ceux-ci puissent paraître, le résultat est souvent bon, si pas excellent. Cependant, en regardant de plus près, la question se pose : comment lire du Grant Morrison en 2017 ?
Retour sur les soubresauts récents de la carrière d'un auteur culte, qui, comme beaucoup de figures tutélaires d'une certaine façon de penser le comic book, s'avère aujourd'hui de moins en moins engageant.
Morrison aime jouer de son personnage d'auteur fou. Magicien du chaos inspiré par Crowley ou Burroughs, chef de file et quasi-théoricien de la méta-fiction appliquée aux super-héros, il arrive aussi que l'écrivain arrive là où on ne l'attend pas, sur des récits perméables dépourvus de concepts hallucinés, comme ce fut le cas sur Vimanarama ou Joe l'Aventure Intérieure.
Cette triple casquette de styles propose un large panel d’œuvres, qui continue de fleurir aujourd'hui. Une sorte de compromis de ces trois lignes aura marqué son dernier run marquant, la Bat-Révolution, freinée par les plans éditoriaux de DiDio, Johns et Lee avec Flashpoint, qui ne laissera à Morrison que les parutions Action Comics (en demie-teinte) pour l'élaboration de ses idées.
Reste donc les arlésiennes depuis éditées. Comme il l'aura souvent dit lui-même, les dynasties vont et viennent au rythme de ses propres sorties - s'il évolue en marge des décisions prises par DC aujourd'hui, un comble pour celui qui aura été à ce point décisif sur Final Crisis, cet éloignement laisse au sorcier dégarni une certaine liberté dans ses choix de séries. DC comprend l'intérêt de le garder à bord, et à défaut de compter sur lui pour un quelconque dynamise dans les ventes, lui fait assez confiance pour ne pas le brusquer.
C'est ainsi qu'il aura fallu attendre cinq ans pour voir Morrison donner suite à sa dernière Crise en date, avec The Multiversity.
Étonnamment, Morrison n'accompagnera pas le mouvement des fortes têtes de l'industrie parties chez Image surpasser la production de comics de super-héros. Si Morrison crée ses propres univers ex nihilo depuis toujours, on le voit en définitive plus pertinent quand il s'inspire de sa passion première des héros en cape.
Sur ce pan là, l'auteur peut commenter, analyser, rendre hommage ou déconstruire. C'est ce style post-moderne qui aura porté ses derniers chefs d’œuvres en date, tandis que ses autres séries, celles nées de son imaginaire seul, auront fait moins de bruit. Pas seulement parce que les éditeurs concernés n'ont pas les moyens promotionnels des Big Two, mais simplement parce que dans la bibliographie de Morrison, ces travaux là sont simplement anecdotiques.
On aura vu pas mal de resucées dans le lot. Malgré une qualité certaine, l'auteur peine à susciter en solitaire l’engouement des parutions Image, ce que n'aura aucun mal à faire Warren Ellis un îlot plus loin sur l'archipel royal. Débriefing commenté de ses contributions les plus récentes.
Klaus est une sorte d'entre deux, de l'amour de Morrison pour les déformations punk chères à l'esprit 2000 AD, et à sa grande culture littéraire. Il emprunte ici aux contes de fées quelque code, à la chanson chevaleresque et à une ambiance de déconstruction qui n'a au final rien de vraiment propre aux fêtes de Noël.
Sans chercher à rétablir l'histoire des célébrations celtes, Klaus est davantage un petit récit de fantasy sympathique et accessible, où le père fouettard est un démon cornu et où papa Noël distribue jouets et mandales selon l'interlocuteur. Pas indispensable, la série s'est payée cette semaine une extension plus rentre-dedans où le vieux en rouge part broyer l'esprit consumériste d'une certaine marque de soda - c'est déjà plus tentant.
En marge de cette poignée de projets, l'éloignement de Grant Morrison du monde des comics n'est pas totalement innocent. L'homme se voyait en effet confier l'année dernière les clés du magazine Heavy Metal, après le départ de Kevin Eastman, rédacteur en chef de la revue depuis presque quinze ans.
Version américaine de Métal Hurlant, Heavy Metal reste dans la sphère de l'art séquentiel, constitué au départ de reprints des essais de Moebius, Druillet, Bilal ou Manara, dans cet esprit de science-fiction sous psychotropes ou d'érotisme déluré qui aura fait la légende de la BD française dans les années 1970.
Né avec une génération de géants britanniques chez 2000AD, Morrison aura, dès sa prise de fonction, cherché à renouer avec son goût pour la contre-culture à l'Anglaise, et suivre l'héritage précieux d'une revue vieille cette année de quatre jolies décennies.
Ses différents chantiers l'auront mené à alterner brèves et récits fleuves, poursuivre la parution feuilletonante du Julia et Roem de Bilal, consacré dès son second numéro une intégrale dédiée au sexe - où il aura au passage embauché l'actrice pour adultes Stoya à l'écriture - et aura ramené quelques noms d'ampleur tels que Donny Cates ou Sienkiewicz pour de brefs passages.
L'auteur semble s'amuser à mener son équipe dans l'esprit underground de la revue, sans nécessairement retrouver le sel des Métal Hurlant de l'époque - trop poli sur certains sujets, comme l'érotisme ou la charge politique qu'on aura connue moins timide.
Morrison aime jouer de son personnage d'auteur fou. Magicien du chaos inspiré par Crowley ou Burroughs, chef de file et quasi-théoricien de la méta-fiction appliquée aux super-héros, il arrive aussi que l'écrivain arrive là où on ne l'attend pas, sur des récits perméables dépourvus de concepts hallucinés, comme ce fut le cas sur Vimanarama ou Joe l'Aventure Intérieure.
Cette triple casquette de styles propose un large panel d’œuvres, qui continue de fleurir aujourd'hui. Une sorte de compromis de ces trois lignes aura marqué son dernier run marquant, la Bat-Révolution, freinée par les plans éditoriaux de DiDio, Johns et Lee avec Flashpoint, qui ne laissera à Morrison que les parutions Action Comics (en demie-teinte) pour l'élaboration de ses idées.
Reste donc les arlésiennes depuis éditées. Comme il l'aura souvent dit lui-même, les dynasties vont et viennent au rythme de ses propres sorties - s'il évolue en marge des décisions prises par DC aujourd'hui, un comble pour celui qui aura été à ce point décisif sur Final Crisis, cet éloignement laisse au sorcier dégarni une certaine liberté dans ses choix de séries. DC comprend l'intérêt de le garder à bord, et à défaut de compter sur lui pour un quelconque dynamise dans les ventes, lui fait assez confiance pour ne pas le brusquer.
C'est ainsi qu'il aura fallu attendre cinq ans pour voir Morrison donner suite à sa dernière Crise en date, avec The Multiversity.