Pour les fêtes, tandis que les séries préparent les Christmas Specials et que les majors placent leurs peluches en rayons, Dark Hose profite de l'éventail des réjouissances de Noël pour placer une jolie collaboration. L'éditeur unit le temps d'un numéro la plume de Mike Mignola et le trait d'Adam Hughes dans Hellboy : Krampusnacht, exploration sobre de la déclinaison allemande du Père Fouettard, ici un bouc démoniaque qui mange les enfants le soir de Noël (pourquoi pas, tout le monde n'aime pas la dinde aux marrons).
On retrouve d'entrée de jeu l'écriture typique de Mignola : un récit qui avance par touches, par détail, et de concert avec le dessin pour combler les vides laissés par un dialogue économe où les répliques fusent assez peu. L'auteur y conte le récit du Krampus, monstre mythologique qui terrorise les enfants pas sages. La bête est traitée avec un sérieux glacial, tout en instaurant une sorte de folie dramatique propre aux séries Hellboy, qui aime ses monstres qu'elle ne traite pas comme de simples amas de chair belliqueux.
Le dessin de Hughes épouse lui-aussi une école posée par le chef de files des séries Dark Horse. Des plages de noir passent sur des visages où les impressions passent surtout par les regard (comme celui du Krampus, terrifiant), vides ou monstrueusement expressifs selon les situations. L'artiste fait cependant un effort mesuré sur certaines cases, où le besoin d'imiter Mignola permet de justifier une certaine paresse sur les fonds - rien de bien gênant, et en fait une habitude pour Hughes qui n'a jamais brillé par un sens du détail exacerbé, mais on pourra regretter certains arrière-plans franchement vides.
Le numéro reste plutôt beau dans l'ensemble, et l'écriture tient à son exercice de style de conte de Noël macabre et décalé. On apprécie, à une conclusion facile près : à la fois, là encore on retrouve une véritable tradition Mignola, en particulier sur les histoires courtes. Si l'auteur sait créer une atmosphère, puiser dans les folklores et instiguer un véritable caractère à ses montres, ses conclusions sont souvent abruptes et celle-ci n'échappe pas à la règle. On retrouve néanmoins une certaine poésie dans l'emploi du Krampus, de ses enfants tués et de la sobriété profonde d'Anung pour ces bêtes, qu'il voit autant comme des dangers que ses semblables.
On conclut le numéro sur quelques bonus bien sentis, des souvenirs de Noël du prince des enfers et quelques crayonnés de Hughes bienvenus. Dans l'ensemble, le numéro est réussi, une bonne lecture pour les fans du personnage qui mériterait presque un Hellboy : Christmas ou autre trade explorant plus en avant les possibilités de croiser le diable rouge avec d'autres contes de Noël. Mignola, si tu nous lis.
Hellboy : Krampusnacht, une utilisation intelligente du mythe du Krampus et un Christmas Special qui ne passe pas pour de la maximisation de profits. Le numéro est bon, écrit avec la subtilité et l'intelligence habituelle de Mignola, auteur qui n'aura jamais que les défauts de ces qualités - son histoire passe en effet pour trop léger quand elle est à ce point condensée, et son goût pour les conclusions sèches passe ici pour une facilité. Dommage, mais pour ces petites touches d'écriture et ce dessin efficace, on apprécie, et l'initiative gagnerait même à se renouveler.
