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Spider-Men II, les adieux de Bendis à Miles Morales

Spider-Men II, les adieux de Bendis à Miles Morales

chronique

Le départ de Brian Bendis vers DC, c'est un peu le papa cinquantenaire qui plaque femme et enfants pour monter le groupe de ska dont il rêvait avec ses potes à dix-sept ans. Lui est heureux, mais les gosses ? Bendis laisse derrière lui une portée orpheline : Matt Murdock a déjà quitté le nid, Jessica s'en remettra. Miles, lui, aura à faire certains ajustements. Et en bon père, le Bendis emmène une dernière fois son enfant au parc, lui paye un cornet pistache et joue avec lui une dernière fois au ballon. Ça s’appelle Spider-Men II, et toute la famille était là.


Derrière l'argument du titre, l'arc n'a pas de réel enjeu éditorial, on ne va rien chambouler, ni même s'embêter à structurer en actes avec les gimmicks d'usage. Pas de combat d'ampleur, de menace sur la ville : tout est ici très personnel, les enjeux se limitent à Peter et Miles, voire Miles seul avec des bribes d'un message que le scénariste aurait sans doute espéré distiller. Un autre Morales débarque d'une des dimensions du multivers Marvel (aussi appelé "le multivers-fonction"), une belle opportunité de réfléchir à la place du héros dans sa propre existence, réussie de ce côté là.
 
Bendis sort ici tous ses jouets : Wilson Fisk, Jessica Jones, les Spider-Men éponymes, quelques références dans le cinquième numéro. Même dans cette sorte de dimension contraire d'où l'autre Miles est issu, on sent l'amour du scénariste pour ses (et non pas ces) personnages. L'arc décolle réellement au troisième numéro, quand se construit une sorte de bromance carcérale réussie sur les dialogues, l'exécution ou la construction de personnages. Le numéro déploie même le talent de son auteur pour les jeux de cadrage sur les visages, quand une expression change d'une case à l'autre en une même situation figée. De quoi contre balancer avec des débuts poussifs où la moindre occasion de placer une blague ou un phylactère verbeux tourne au concours forcé.
 

 
Dans le tas, on retrouve (parfois) la magie du dialogue à la Bendis, sans jamais caresser le sommet de certains autres moments de sa carrière. Cloisonné entre cinq numéros, il n'essaye pas de se transcender, mais se trouve un genre de sincérité étrange dans la paresse. Les Spider-Men ironisent à la moindre virgule sur la présence du "bad guy" dans le paysage, les ressorts scénaristiques usuels ou le désintérêt total qu'inspire le vilain ou l'enjeu général à l'histoire. 
 
Le récit dans son entier roule sur le travail de Dan Slott, dont il semble se foutre avec une noblesse amusée de vétéran. Ce qui n'excuse pas d'authentiques défauts ou un manque d'âme certain dans des scènes de vie ordinaire décousues, ou d'une progression par l'utile qui salit le tableau. Bendis ne veut plus écrire pour Marvel, les lecteurs de son parcours récent l'auront compris. Même la sincérité du propos et les vrais réussites ne gomment pas ce qui est devenu chez lui un réflexe : l'automatisme, les rouages trop lisses où aucune résistance n'appuie un quelconque cachet.
 

 
Alors où est l'intérêt ? L'intérêt est là, dans ce papa désoeuvré. Miles reste son personnage, plus qu'aucun des seconds rôles de cette histoire. D'une part, le scénariste va valider une seconde fois l'intérêt de ce héros, de l'autre le besoin pour lui de son passé. En filigrane de Spider-Men II, on ne parle pas - vraiment - de multivers, de vilain, de team-up ou de baston. On parle d'un personnage qui, confronté à son double d'un autre monde, remet en question sa place dans le sien. D'une certaine façon, comme un personnage qui se demanderait où sera sa place demain sans celui qui l'a créé pour l'animer après son départ.
 
En soi l'arc s'adresse surtout aux fans de Miles Morales, plus qu'aux fans des Spider-titres en général. On n'y apprend rien, rien d'utile ou rien qui ne vaille l'achat d'un trade séparé. Les conséquences posées auront de la valeur selon ce qu'en fera l'auteur suivant. En définitive, est-ce que c'était bien ? Oui et non. C'était déjà personnel, au vu des impératifs professionnels de Bendis chez Marvel dans l'immédiat, on aurait tort de croire qu'il s'intéresse plus au lecteur qu'à ses propres enfants dans l'immédiat.
 

 
Finalement, Spider-Men II n'est pas un bouquet final. Vraisemblable qu'aucun des boulots les plus urgents de Bendis ne le soient, à moins qu'il ne se décide à renverser ses habitudes en arrivant avec fracas sur le héros en bleu chez la concurrence. De son côté, cet arc ressemble à une petite lettre d'adieu maquillée en arc automatique, avec ses forces et faiblesses, et une lecture en sur-impression de bilan sur son personnage. Peut-être même peut-on y voir la dernière signature, celle que l'auteur laisse en se disant que peu importe l'après, tout est dit pour lui et qu'il n'avait rien à ajouter. A voir. En attendant, on vous le conseille si vous aimez le Kingpin, les Spider-men et les références forcées, pas plus que ça.
Corentin
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