Après bientôt six ans, quatre séries différentes, des dizaines d'épisodes alternant entre triangles amoureux, bails amoureux, vengeances et secrets, et véritables embrassées aux comics d'origine (avec plus ou moins de réussite), la CW démarre 2018 avec une cinquième proposition, et beaucoup pourraient se demander "pourquoi irais-je regarder celle-là ?". Et on ne leur donnerait pas forcément tort, tant la chaîne télévisée réussit peu à sortir de ses cahiers des charges pour dispenser autre chose que ce qu'elle sait faire, les costumes et les pouvoirs en plus. Encore que de ce côté là, il y a parfois du pas joli à voir, ce à quoi on pourra être indulgent à la hauteur du budget dont la chaîne dispose.
Pourquoi alors, regarder Black Lightning ? Rappelons à juste titre que le personnage, créé par Tony Isabella, est le premier super-héros noir chez DC Comics à avoir obtenu son titre solo. A l'heure où la représentation des diversités dans le médium comics et leurs adaptations est un combat encore loin d'être gagné, la CW a beau faire preuve d'efforts considérables, un show avec une tête d'affiche (et un casting majoritairement) black n'est pas encore advenu. On pourra répondre que la chaîne arrive avec un train de retard, Luke Cage étant passée par là (et à un mois de l'arrivée de Black Panther au cinéma), mais la série peut se démarquer autrement, et notamment par rapport à ses cousines (qui évoluent, pour l'instant dans un tout autre univers).
En effet, le personnage de Jefferson Pierce n'est pas un jeune adulte en quête d'amour et de mariage, mais un homme de la quarantaine, divorcé (pour les bails amoureux, forcément), père de deux adolescentes (pour continuer de cibler ce public) et super-héros à la retraite. Dans le monde de Black Lightning, on se rappelle encore de lui - et on attend même son retour, alors que Pierce a raccroché son costume pour mener une vie normale, retrouver sa famille, et se rendre utile auprès de sa communauté autrement que par l'utilisation d'un costume et de ses pouvoirs électriques.
C'est d'ailleurs dans toute son exposition que Black Lightning arrive à se montrer intéressante, Cress Williams apportant une réelle profondeur à son Jefferson Pierce - et le casting environnant jouissant d'un certain capital sympathie. Car la réalité dans laquelle ils s'inscrivent résonne de façon particulière, d'autant plus quand on imagine ce qu'est d'être afro-américain aux Etats-Unis. Que ce soit par la violence qui mine les quartiers défavorisés, une certaine forme de déterminisme social, ou le problème des violences policières ciblées (l'une des premières scènes rappelle brutalement le terrible fait divers de Falcon Heights survenu l'été dernier), Black Lightning se montre plus sérieuse et plus consciente dans son propos que ses camarades de jeu.
La série va également dans ce pilote questionner le principe même d'héroïsme. Forcément, avec un personnage qui a raccroché son costume, il faut pouvoir défendre cette position, alors que Pierce démontré qu'il a bien mieux fait en presque dix ans comme principal d'établissement qu'auparavant dans son costume. On souligne alors l'importance de l'éducation, mais aussi des difficultés à en avoir un modèle uniforme, dans des milieux urbains où la scolarisation n'est pas forcément priorité. Le fait d'opposer dès lors la ville à un "Gang des 100" permet aussi d'amener une certaine tension, leur commandant Tobias Whale (le rappeur Krondon) ayant une certaine allure (bien que moins imposant que sa version papier).
Malgré cet attirail d'arguments pour elle, dans son dernier tiers, hélas, Black Lightning n'échappe pas aux écueils de la chaîne qui la diffuse. Le costume est un réel problème visuel, accompagné d'effets spéciaux très limites, même pour la CW. Et surtout, dès que l'action se met en route, c'est la caméra qui ne suit plus, Salim Akil préférant alors verser dans un montage brouillon pour masquer son manque d'aisance pour ce genre de séquence. Ce qui est dommageable quand on voit qu'il s'est plutôt bien débrouillé auparavant. De même, les dernières images du pilote ramènent l'ensemble dans un territoire bien plus connu (le fameux syndrome du "tout le monde a des pouvoirs"), et il faudra alors juger sur une plus longue durée pour voir si les qualités du pilote réussiront à subsister malgré tout.
En l'état, Black Lightning a quelques arguments, notamment dans son propos et ses thématiques, ainsi que l'inversion totale de la situation par rapport à ses autres shows super-héroïques. On pourra donc vous recommander d'y jeter un oeil, sachant qu'il ne faut pas espérer une grande réal' et que le dernier quart sera déjà plus compliqué à aborder, la faute à un costume et des effets vraiment cheap. Mais le potentiel est perceptible, croisons les doigts pour que l'équipe arrive à faire en sorte que Black Lightning se démarque réellement des autres séries CW pour conserver son intérêt.